ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Pierre CurieLa rencontre du 2 janvier 1968à Palaiseau |
Malgré leur silence, les autorités de l’Église réformée de France ne pouvaient pas ignorer le mouvement qui commençait à troubler profondément la vie de nombreuses paroisses, et surtout la jeunesse protestante dans ses organisations ainsi que nombre de mouvements d’adultes comme celui du « Christianisme social », et bien sûr, les Centres de recherche et de rencontres. D’ailleurs, certains pasteurs (et non des moindres), des théologiens et des responsables de l’Église réformée à un niveau élevé, prirent à cette époque une initiative semi-clandestine qui aurait pu paraître subversive, mais qui était la manifestation de cette inquiétude et d’un désir profond de changement. Le 2 janvier 1968 furent convoqués dans les locaux de la paroisse réformée de Palaiseau, après de nombreux contacts pris par le pasteur Louis Simon, des représentants de plusieurs de ces lieux de contestation. À cette rencontre, furent invités le professeur Paul Ricœur, un responsable des Centres, un représentant des Mouvements et quelques représentants de paroisses parisiennes ; mais y participèrent effectivement les pasteurs Louis Simon, Jacques Lochard, secrétaire général du « Christianisme social », Étienne Mathiot, itinérant de la « Société Centrale d’Évangélisation », Pierre Curie, représentant Ennio Floris, souffrant, Messieurs André Malet (et Madame), Larsen et Delespierre. Le Professeur Ricœur s’était excusé. Une divergence essentielle séparait ceux des participants (et ils étaient les plus nombreux) qui souhaitaient pour diverses raisons demeurer à l’intérieur de l’Église réformée et ceux qui envisageaient de rompre avec elle. La permanence du phénomène religieux apparut comme l’une de ces ambiguïtés majeures. Sans doute, chacun condamnait le caractère pervers du « religieux », mais tous n’étaient pas persuadés que l’existence de l’Église ne peut produire que ce « religieux » unanimement condamné. « Par théologie nouvelle, soutenait le pasteur Ennio Floris, directeur du Centre du Nord, on entend une foi radicalement a-religieuse, à savoir une réfé-rence au Christ qui renie totalement le "religieux". En ce sens, nous pensons au Centre du Nord qu’une telle critique religieuse met l’Église existante (sa prédication, ses sacrements, son institution...) en question. » C’est pourquoi, cette divergence d’appréciation ne permit pas la réalisation d’un front uni de la « théologie nouvelle », même si tous s’engagèrent à exclure toute accusation d’hérésie. Nous étions, les uns et les autres, à des niveaux différents de la recherche et chacun n’adoptait même pas un point d’ancrage commun. Du fait de ces ambiguïtés, nous n’eûmes pas la même appréhension du lieu à partir duquel l’action sur le « pouvoir » de l’institution pourrait être envisagée. Deux stratégies se dégagèrent du débat : l’une à partir de l’intérieur, l’autre de l’extérieur de l’institution, soit par une « action sur le pouvoir », soit par une « prise de pouvoir ». L’attitude du Centre du Nord fut à la fois plus réaliste et plus originale. « Les temps ne sont pas mûrs – déclara son représentant – pour réaliser cet « exode », tout d’abord parce que ceux qui peuvent se référer à la « théologie nouvelle » ne se trouvent pas tous au même point de la recherche ; ensuite, parce qu’ils s’ignorent souvent ou ne sont pas en relation les uns avec les autres. Par ailleurs, l’orthodoxie et le piétisme ont le pouvoir bien en mains. C’est pourquoi, le départ massif favoriserait sans doute une meilleure structuration de l’orthodoxie. Les équivoques manifestées au cours de la rencontre du 2 janvier 1968 furent accentuées au moment de la rédaction d’un texte destiné à la convocation d’une Assemblée élargie à une centaine de délégués des Centres et du « Christianisme social », et prévue à Paris au cours du week-end des 16 et 17 mars 1968. Un projet de texte, ambigu et amphigourique, proposé par André Malet, ne parvint pas à créer un consensus. Il ne fut jamais diffusé et il fallut déclarer forfait. La rencontre de Palaiseau fut sans lendemain. Désormais, à partir du Synode national de Royan en mai 1968, la crise devait aller à son terme, c’est-à-dire à l’étouffement (ou parfois à la récupération) de la contestation et du renouveau. |
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tc143000 26/12/2017