ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Qui  est  ma  mère  ?



Marc 3:20-21; 31-35




Le refus de Jésus







Le texte

Prologue

La folie de Jésus

La tentative d’enlèvement

Le refus de Jésus

Évangile, ou théologie ?






   La nouvelle parvient aux oreilles de Jésus, assis au milieu d’une foule qui l’entoure et l’écoute, ravie et silencieuse : « Voici ta mère et tes frères sont dehors et te demandent », lui disent-ils. Sans perdre son calme et sa concentration, Jésus répond en trois temps, dont nous chercherons à préciser le sens.


   Voici la première de ses affirmations :

« Qui est ma mère et qui sont mes frères ? »

   Jésus parle à haute voix, afin que les autres aussi puissent réfléchir sur la question en même temps que lui. Il se rapporte à sa propre existence, celle d’un bâtard – j’emploie presque toujours le mot populaire pour ne pas atténuer le sens – né d’une femme mise enceinte par un homme qui n’est pas son mari et qui n’aura pas la possibilité d’en être le père, une femme enceinte par viol.
   L’enfant dont elle accouche est celui qu’elle ne voulait pas, et pour lequel elle a conjuré Dieu de ne pas lui donner vie, enfant qu’elle voulait voir mort avant qu’il ne naisse car, vivant, il aurait été un enfant aussi bien sans père que sans mère. Mais elle accoucha de lui vivant et en prit soin comme une mère. Elle ne put pas, cependant, lui assurer la condition propre à un enfant libre et reconnu. Il devait purger dans sa condition sociale la peine due au péché du père et de la mère pour l’avoir conçu dans le péché.
   Jésus savait que sa mère venait chez lui pour le prier de revenir vivre chez elle, comme jadis. Et il savait aussi qu’elle avait dû intervenir afin de calmer la colère de ses autres enfants contre lui, et d’obtenir de le reconduire avec certains ménagements, quitte à le ramener de force s’il s’opposait à venir. Mais son retour n’aurait pas pu changer la condition de subordination de son existence. Jésus n’alla donc pas rencontrer sa mère, qui l’attendait.


   Mais,

« Jetant les regards sur ceux qui étaient assis
autour de lui :
voici,
dit-il, ma mère et mes frères ! »

   Jésus est un individu illégitime, dans la mesure où il est né d’une femme fécondée par un homme qui n’est pas son époux. Il n’a donc pas de frères. Mais il sait que toute union de l’homme avec une femme ne pourrait pas aboutir à la naissance d’un enfant si Dieu n’eût pas été présent par l’acte de création qui sous-tend cette union.
   La création est de l’ordre métaphysique de l’être, la génération de l’ordre physique. Chaque individu suppose ces deux actions, de Dieu et de l’homme. Il en ressort une différence profonde dans la prise en considération de l’homme. Si l’on groupe les hommes à partir de la génération d’un couple, on aura autant de classes que de couples : classe des frères, des cousins, des parents, comme aussi des compatriotes ou des étrangers. Mais si on demeure au niveau de la création, tout homme fait partie de la même existence, comme il est de la même nature : tout homme étant créé par Dieu, tous les hommes sont des frères. Dirons-nous alors qu’ils sont de la même nature que Dieu qui les a engendrés ? Non, mais qu’ils participent du même être que celui qui les crée, de même qu’ils héritent de la même nature que ceux qui les engendrent. Ils sont des frères dans l’être.
   On peut affirmer que Jésus au moment où, en refusant de rencontrer sa mère, il jette son regard sur ceux qui l’entourent, a été éclairé par le parole de la Genèse : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu : il créa l’homme et la femme » (Gn 1:27). L’homme est donc une participation de l’être, dont Dieu est. Un homme est frère de celui qui vient de la même mère et du même père que lui, mais il est aussi, à un niveau plus profond, un avec tout homme, dans la mesure où tout homme vient de Dieu. Le regard que Jésus jette sur les gens qui l’entourent en les reconnaissant comme frère ou sœur est conforme aux paroles des Écritures qui définissent l’homme comme participation de Dieu. Et il se retrouve frère d’hommes qui viennent de générations dans lesquelles la sienne ne s’inscrit pas. Ils sont tous frères parce que tous viennent de la même source de vie.
   Jésus ne chasse pas sa mère, mais la laisse en attente de la compréhension de son existence. J’aime suivre le regard de Jésus et il me réjouit en découvrant que des étrangers l’entourent, se serrant autour de lui comme formant un berceau : la solidarité humaine, par laquelle chaque homme est frère de l’autre.


   Venons-en à sa troisième parole :

« Car quiconque fait la volonté de Dieu,
celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère ».

   Y a-t-il un procédé argumentatif dans l’articulation de ces trois propositions ? Je le pense. Dans la première, Jésus doute sur l’identification de sa mère. Est-elle la femme qui l’a engendré ? Oui, au niveau physiologique.
   Mais Jésus a été investi d’une génération qui sous-tend celle de Dieu, qui partage avec lui son être et sa propre image. Dès lors sa mère sera plutôt celle qui reconnaît en l’homme l’incarnation de l’image de Dieu. Son être relève en première instance de l’acte de Dieu. C’est en cela que Jésus reconnaît sa mère dans ceux qui l’entourent comme dans un berceau. Il n’appelle pas mère la femme qui l’a engendré, mais celle qui reconnaît en lui l’image de Dieu.






Le 4 mars 2008




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t374000 : 10/11/2020