ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie



Le  Groupe  de  recherche  biblique
de  Tourcoing






Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI

omment évoquer cette autre expérience à Tourcoing sans en retrouver les prémisses quelque quinze ans auparavant à Cler­mont-l’Hérault ? À son origine, en effet, se trouve une famille détachée du catholicisme, que j’avais connue et estimée dans mon premier poste, Louis et Suzanne Perret, alors directeurs d’une cave coopérative viticole dans la vallée de l’Hérault.

Le libre dialogue qui s’était instauré à Clermont-l’Hérault autour de questions que ne retenait aucune barrière philosophique, religieuse, sociale ou politique, s’est alors renoué tout naturellement quand nous nous sommes retrouvés à Tourcoing en 1960. Soucieux d’une vérité qui ne soit jamais imposée, mais toujours recherchée, ces amis assidus aux manifestations du Groupe pour la paix, me demandèrent, un jour, de les aider à lire la Bible sans arrière-pensée de prosélytisme. Ils m’ont suggéré de partager cette recherche biblique avec quelques-uns de leurs amis et connaissances. C’est ainsi qu’en 1965, nous nous sommes engagés ensemble dans la lecture suivie de l’Évangile de Jean ; elle s’est poursuivie sous les auspices du Centre de recherches du Nord et avec la participation de son directeur, Ennio Floris, pendant près de trois années.

Quinze à vingt personnes qui prirent spontanément le nom de « groupe Per­ret » se sont retrouvées toutes les trois semaines et plus souvent quand l’intérêt se faisait plus vif. Il n’était pas rare qu’une tête nouvelle ou un couple nouveau se joignent au groupe. Même s’il était exclu que ces amis deviennent des « pro­testants » malgré leur sympathie pour l’Église réformée, il n’était pas interdit de trouver avec eux une forme inédite de relation.
   Le projet de publier, sous la responsabilité du Centre du Nord, un « Cahier biblique » rassemblant une vingtaine d’entretiens sur l’Évangile de Jean, ne put voir le jour. Les autorités ecclésiastiques ne m’en laissèrent pas le loisir. Mais l’occasion me fut donnée en 1969 dans le « Mémoire » présenté à la Faculté de théologie de Strasbourg en vue d’une équivalence d’année universi­taire à la Faculté des lettres d’Aix-en-Provence. En effet, j’avais choisi d’ap­profondir certains thèmes du « prologue » du quatrième Évangile sous le titre : « le paradoxe johannique ».

Une semblable recherche était significative au sein de la crise de l’Église d’alors d’une possibilité réelle de renouvellement de l’Église, prisonnière de ses structures mentales et institutionnelles. Il nous fallait accepter d’établir le « constat de décès » d’une paroisse protestante du Nord née au début du vingtième siècle de l’évangélisation revivaliste et épuisée alors humainement et financièrement, mais en même temps d’essayer, en tâtonnant, d’ouvrir des pistes inédites. Ce « Groupe de recherche biblique » fut l’un de ceux par les­quels nous espérions dépasser cette situation condamnée.
   Expérience surprenante qui me permit de découvrir qu’à notre époque des hommes et des femmes, venus d’horizons divers et nullement des « intel­lec­tuels », étaient accessibles à une recherche biblique exigeante, sous les trois réserves qu’ils avaient émises dès le début : ne jamais évacuer les préoc­cu­pations humaines contemporaines, refuser de servir de « cobayes » au pro­sélytisme d’une église ou d’une vérité figée dans des dogmes ; enfin, recher­cher un dialogue libre et renoncer à tout « discours magistral ».
   Trois années durant autour de l’Évangile de Jean, ce fut la « méthodo­logie » de ce groupe qui parvint à réunir rapidement dans ce même esprit d’au­tres catholiques, des incroyants et des athées, et même pendant la dernière année des protestants et quelques conseillers presbytéraux, fatigués de la routi­ne ecclésiastique et attentifs à une relecture de la Bible délivrée du fondamen­talisme et de l’orthodoxie classique.

Pourquoi avoir choisi le quatrième Évangile ? Sans doute en raison des deux « mots-clé » de notre recherche d’alors ! Ses deux éléments fondamentaux y étaient présents : « Dieu » et le « Monde », réunis dans une relation spécifi­que à la « parole » (le « logos » grec). Les uns et les autres ressentaient le be­soin de rompre avec le « discours religieux » et de découvrir une « parole » libre, porteuse de sens pour leur présent.

Le Groupe de recherche biblique de Tourcoing fut, sans conteste, celui qui acquit la conscience la plus claire de l’acuité dramatique de la situation vécue en 1967, mais aussi celui qui s’engagea avec une persévérance ferme et per­suasive aux côtés du pasteur, afin que l’espoir entrevu au travers des expé­riences engagées dans la cité, puisse se concrétiser dans une structure originale et nouvelle.

Lors de la crise ouverte à Tourcoing avec les autorités nationales et régionales de l’Église réformée de France, le Groupe de recherche biblique devint ainsi le lieu presque unique de la « résistance » à l’abandon et à l’abus de pouvoir, ainsi que le centre de propositions concrètes et positives qui, mal­heu­reu­se­ment, ne trouvèrent alors aucun écho dans l’institution ecclésiastique ré­for­mée.




1995




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tc142000 26/12/2017