ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
BIOGRAPHIE D’ENNIO FLORIS |
on objectif est de chercher à discerner la personne historique de Jésus, telle qu’elle se donne à connaître à travers la lecture des Évangiles ». En définissant par ces termes le but de sa recherche, Ennio Floris insiste sur le fait que l’adjectif « historique » en marque le caractère spécifique : « elle est de l’ordre historiographique, non théologique ».
Pourquoi cet intérêt porté à la personne de Jésus ? Dès sa jeunesse, Ennio Floris s’oriente vers une double formation philosophique et théologique. Devenu dominicain, il enseigne à Rome, précisément dans cette branche de la théologie qu’on nomme, selon l’école, « propédeutique » ou « apologétique ». Par rapport aux autres secteurs de la science sacrée, cette discipline se situe entre la dogmatique et les sciences humaines, théoriquement au point de croisement des interrogations de la raison à l’encontre de la foi et des interpellations de la foi à la raison. Cet itinéraire de la pensée passe par deux étapes successives qui ont provoqué dans la vie d’Ennio Floris deux ruptures décisives : le passage du catholicisme au protestantisme, puis l’abandon du protestantisme orthodoxe pour un « christianisme non confessionnel, culturel et humaniste ». Avant de connaître le protestantisme de l’intérieur, Ennio Floris l’avait découvert de lui-même, à la suite d’une critique de la dogmatique de Thomas d’Aquin, critique basée sur les Écritures : « La constellation dogmatique dans laquelle l’Église catholique avait figé la foi traditionnelle en Jésus-Christ tomba, entraînant l’écroulement de mes convictions de pensée et de vie. Il me resta un Jésus-Christ libéré de la mariolâtrie, du conditionnement réifiant des sacrements, de l’interprétation métaphysique de son retour, ainsi que des dogmes de la double nature et de la trinité ; un Christ qui s’offrait à moi moins pour être pensé comme une chose que pour être vécu comme une personne, m’obligeant à penser, précisément, pour pouvoir être vécu. »
C’est l’époque où Ennio Floris quitte l’Italie. Après des études théologiques recommencées à la faculté réformée de Genève, il trouve dans le protestantisme français la possibilité de poursuivre sa recherche, par la pratique de l’exégèse biblique en même temps que par le contact avec les mouvements chrétiens de gauche. Ennio Floris a-t-il trouvé dans le protestantisme la solution de sa crise ? En dépit de l’apport enrichissant, voire décisif, dont il lui est redevable, il lui a fallu porter sur l’orthodoxie protestante le même regard critique. Si celle-ci lui semble dégagée d’un appareil dogmatique, il apparaît à Ennio Floris « qu’elle adhère à Jésus-Christ d’une façon aussi dogmatique, en fait, que l’Église romaine, s’exprimant selon les mêmes catégories que les anciens conciles. Jésus-Christ est une personne transcendante, dont l’unité doit être admise par la foi. Il se situe moins dans l’être que dans le « tout autre » de l’être. Comme dit Barth, on ne peut le comprendre que par un « sacrificium intellectu » – un sacrifice de l’intelligence – qui nous oblige à nous situer vis-à-vis de lui comme des objets face au sujet, un saut dans le vide de la raison. »
La recherche d’Ennio Floris se concentre alors sur « Jésus-Christ », non dans son présupposé de personne divine, mais comme expression de parole, comme phénomène linguistique de culture. Avec Vico, l’auteur est persuadé que la nature d’un phénomène est connaissable par sa genèse. Aussi s’interroge-t-il sur l’origine de l’expression « Jésus-Christ » : « Ce n’est pas un nom, mais une proposition affirmative, un jugement sur une personne : « Jésus est le Christ ». Il s’ensuit que son référent immédiat n’est pas cette personne mais un événement de parole et de culture. C’est le temps où les recherches consacrées à la restauration des fresques ont permis de découvrir une technique étonnante : il devenait possible de séparer, dans la fresque, la surface picturale de la « sinopie », dessin qui l’avait précédée sous l’enduit. La nouvelle de cette découverte a pour Ennio Floris une résonance spéciale : « Et si je parvenais à détacher dans les Évangiles la surface picturale (l’image du Christ) de façon à découvrir la « sinopie » de Jésus qui a servi de base ? à détacher des textes la surface sur laquelle le « Christ » a été peint, sans entamer ni ruiner le dessin de « Jésus » qu’elle recouvre ? » Ennio Floris a donc consacré de nombreuses années à la mise au point d’une méthode d’analyse référentielle dont ce site présente quelques mises en œuvre.
Ennio nous a quittés, le 24 décembre 2014. Il a laissé de nombreux manuscrits que je m’efforcerai de décrypter et de mettre en ligne... Lire l’autobiographie détaillée d’Ennio. |
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j30 : 13/02/2023