ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


                              Auteurs Méthode Textes
  Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



La  création  de  l’homme  et  de  la  femme



Genèse 5: 1-2




D’où vient Adam ?



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI





Préliminaire
Sommaire

D'où vient Adam ?

Regard critique d'ensemble



ais Adam, d’où vient-il ? Il vient d’Élohim non par voie de génération, au sens d’« engendré » par lui, mais par création. En effet, le texte dit : « Le jour où Élohim l’a créé » ( bara ), Il l’a fait ( hasah ) « à l’image d’Él­ohim ».

   L’énoncé est élohiste, puisque Dieu est nommé « Él­ohim » et non « Yahvé », et il rapporte le passage Gn 1: 26-27 concernant la création de l’homme, au sixième jour de la création. Il reprend cependant ce passage avec une concision qui implique un remaniement et une synthèse de son discours.



Revenons au texte. Dans le premier énoncé, Élohim décide de faire l’homme « à son image selon sa ressem­blance » ( Demout ) ; dans les suivants, il le crée effec­tivement « à son image », ( baselemo ), à l’image d’Él­ohim, homme et femme, sans pour autant faire allusion à la ressemblance. Ici, dans la reprise de ce texte, on lit qu’Élohim fait l’homme « à sa ressemblance », et non « à son image ». Pourquoi ce choix et cette inversion ? Doit-on dire que les deux mots « selem » et « demout » sont équivalents, et que l’un peut remplacer l’autre ? Ou bien l’inversion a-t-elle été suggérée par l’intention précise d’éviter l’affirmation que l’homme est « à l’ima­ge de Dieu », parce qu’on aurait aliéné le sens du dis­cours, troublant la foi en Dieu du lecteur ?


Rappelons que ces paroles ont été écrites en prologue du livre des « Générations » d’Adam. À cet égard, la suite indique qu’« Adam engendra un fils à sa ressemblance, selon son image... » ( Gn 5: 3 ). Or l’association des mots « image » et « ressemblance » dans la création d’Adam aurait pu conduire à penser qu’il aurait été, lui aussi, engendré par Dieu, enfant vraiment parfait à l’image et la ressemblance du père. On a ainsi ôté le mot « image » afin que le mot « ressemblance » soit compris comme une similitude de valeur analogique et non phy­sique. Adam a été fait par Dieu non par la génération propre à un père, mais par création.



On retrouve ce même problème dans l’analyse de l’énoncé suivant : « homme et femme il les a faits ». Cette affirmation est prise, elle aussi, dans le passage de Gn 1: 26 et on y constate la même aporie. Car si l’hom­me est le complément du « bara » d’Élohim, l’emploi du pronom « les » au lieu de « il » – c’est à dire Adam, celui qu’il a fait à sa similitude – est une anomalie.


On aurait dû lire : « homme et femme il l’a fait ». Mais les rédacteurs, pour éviter que le lecteur, en oubliant que le texte parle ici de l’homme et non d’un homme, puisse croire que Dieu a fait Adam bisexuel, ont eu recours à cette rupture grammaticale, afin de préciser qu’il s’agit non des fonctions sexuelles, mais de deux personnes dif­férentes.



Le dernier énoncé est tout aussi aporique que surpre­nant. Traduit mot à mot, il donne ceci : « Il les bénit et les appela du nom d’Adam, au jour où ils ont été faits. »
   Dans le premier chapitre de la Genèse, il n’est pas dit que Dieu ait donné à l’homme un nom lorsqu’il l’a créé ni, dans le second, qu’il ait nommé l’homme et la femme « Adam ». Dans le deuxième chapitre, l’homme que Dieu fait se nomme « Adam », non parce qu’il a reçu ce nom de Dieu, mais parce que la façon dont il est créé le définit ainsi : un être vivant formé de la poussière du sol ( adama ). Adam = adamaHomo = humus ). Tout au plus pourrait-on affirmer que, dans ce passage, Dieu ap­pelle l’homme qu’il a fait du nom d’Adam, non par sa parole mais par l’acte de sa création.
   Dans la création du monde la parole de Dieu est acte, car il a dit et le monde a été fait ; ici, l’acte est parole.


Le problème persiste cependant, puisqu’on affirme que l’homme a été nommé Adam, mais que la femme l’a été aussi.
   Or, même dans le second chapitre de la Genèse, de tradition yahviste, où il est question de la création de la femme, il n’est pas dit que celle-ci a été appelée Adam.
   Au contraire, alors que son nom propre est Ève (ha­vah), elle est nommée « Ischa », « tirée de l’homme », et non Adam. Étrangement l’homme, dont elle a été formée et par lequel elle se nomme, ne s’appelle pas « Adam », mais « isch », mot qui désigne un homme quelconque !
   Si l’on donne au mot « Adam » non pas la valeur d’un nom propre mais la signification d’homme, on peut dire que Dieu a appelé l’homme et la femme du nom « Adam » parce qu’il a créé en eux des hommes. Non seulement leur différence sexuelle n’en fait pas deux espèces différentes, mais elle est fonction de leur unique nature. Avant de devenir le nom d’une personne indivi­duelle, « Adam » signifie l’homme. En tant que person­ne, le premier homme s’appelle Adam, de même que la femme Ève, mais tous les deux peuvent s’appeler « Adam » comme « êtres humains ». Adam signifie la nature de l’homme avant de signifier un homme. Ayant déterminé que l’homme et la femme ont été créés par Dieu comme des hommes, rien n’empêche aussi de les considérer comme semblables à Dieu, ce qui référerait à une similitude de valeur analogique et non spécifique.




Le 16 janvier 2000




Retour à l'accueil Préliminaire Haut de page Regard critique d'ensemble    Imprimer

t441000 16/01/2017