ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Pierre CurieL’utopie dans tous ses états(Réflexions sur une crise d’identité protestante) |
Sortir de l’impasse |
Comprendre La question des limites Sortir de l'impasse |
ne démarche nouvelle permettrait-elle de sortir de l’impasse ? Ennio Floris l’a tentée. Son ouvrage, publié en 1987 sous le titre Sous le Christ, Jésus, a abouti à formuler une méthode inédite d’analyse des récits évangéliques, fondée sur une approche linguistique des textes et sur l’historicisme de Jean-Baptiste Vico (1668 - 1744), qui présuppose que la nature d’un phénomène est connaissable par sa genèse comme « événement de parole et de culture ». Ainsi, le langage des Écritures est lié à un code qui unit le signe (Jésus) à son signifié (le Christ). Par exemple, dans le récit d’Emmaüs, « les disciples ne voient pas le Ressuscité en personne, mais perçoivent seulement des signes par lesquels ils le reconnaissent » (p. 75). « Ainsi, ils recherchèrent dans les informations sur Jésus les énoncés, les expressions, les mots mêmes qui avaient un rapport naturel avec le Christ des Écritures. Ils établirent un parallèle entre Jésus et le Christ par la médiation de deux récits : les informations et les récits messianiques » (p. 88). Comment tenter de parvenir au Jésus de l’histoire ? Si cela s’est avéré impossible par l’exégèse classique, on peut observer à l’intérieur hétérogène des récits évangéliques des « hiatus » des apories, révélateurs du Jésus de l’histoire. « Des lambeaux d’information sur Jésus sont juxtaposés à des fragments scripturaires sur le Christ » (p. 102). Si les évangiles sont le « tombeau de Jésus », comment l’en faire sortir ? Ainsi, dans l’énoncé « Marie fut trouvée enceinte… », il devient possible, « en se fondant sur les écrits anciens, juridiques et mythiques, de reconstituer les péripéties auxquelles était exposée une femme quand elle était trouvée enceinte en-dehors de la légalité. Dénoncée, elle était condamnée à mort. Ainsi, une fois le fait repéré, il est possible d’établir une trame hypothétique sur laquelle reconstituer le récit d’information » (p. 109) « Bref – conclut Ennio Floris – il faut exhumer le corpus des informations, les interpréter et reconstituer le discours. Il faut faire sortir Jésus du tombeau des textes pour le donner à l’histoire » (p. 115). À partir du fait historique de l’origine bâtarde de Jésus, Ennio Floris dessine le « profil » d’un homme qui, à travers une profonde crise de conscience à l’épreuve du désert, en quête de son identité par une lecture de l’Ancien Testament, découvre dans sa condition de fils bâtard sa vocation prophétique de purification, mais échoue dans une action surhumaine de délivrance du peuple d’Israël, en butte à l’incompréhension de ses amis et à la haine mortelle de ses ennemis, qui, enfin, pour échapper à sa situation d’homme bâtard, ne put retrouver sa liberté d’homme que lorsque les conditions de sa bâtardise furent accomplies en lui. « La foi en la résurrection qui lui fut propre, lui fit comprendre que la mort était pour lui l’unique chemin de la rencontre avec le Père… Ceux qui, les premiers, le reconnurent comme Christ » virent en lui « l’homme qui, ayant donné sa vie pour les autres, fut sauveur par sa mort » (p. 219). Dans le sillage du prophète Osée, Jésus fut le prophète de l’amour, capable de susciter en l’homme l’énergie créatrice d’humanité. Prophète (et non « homme-Christ » en qui les hommes seraient appelés à renoncer à leur humanité), c’est-à-dire celui qui annonce et déclare aux hommes que cette créativité est cachée au fond d’eux-mêmes à l’état de germe prometteur d’amour et de vie. Prophète qui annonce à l’homme : « Deviens ce que tu portes en toi-même ! ». En définitive, la question essentielle n’est-elle pas celle-ci ? La foi est-elle certitude ou inquiétude ? Non certes, crainte de l’inconnu, de l’incertain, du mystère de l’« à-venir », ni défaut d’« avoir ». Mais incomplétude d’être, c’est-à-dire questionnement sans cesse renouvelé, attente de la réponse qui, à nouveau, redevient problématique nouvelle. Perdre son être, voilà la crainte. Mais l’inquiétude des remises en cause « bannit la crainte », car elle atteste qu’en l’homme la capacité d’être surmonte sans répit l’inertie corruptrice et se perpétue à l’infini. En fin de parcours, je garde l’assurance (pari risqué) qu’au-delà de notre « visible », englué dans la haine et la violence, le mensonge et l’hypocrisie, l’intolérance et le cynisme, l’argent et le pouvoir, l’intégrisme inexorable et le dogme infaillible, mais encore l’oppression et l’injustice, la famine et la maladie, la misère et la guerre, apparaîtra par les conduites et les luttes désintéressées des hommes de ce monde, l’utopie de l’amour comme unique et évidente histoire possible de la conscience humaine. Les traces hésitantes que nous en laisserons sur notre passage au fil d’un cours indéfiniment menacé et réhabilité, attesteront – je l’espère – que nous ne nous sommes pas trompés de chemin... |
« Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la con-naissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des mon-tagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas l'amour, cela ne sert de rien ».
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tc133000 24/12/2017