ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



L’homme  à  la  main  sèche



Marc 3: 1-6 ; Matthieu 12: 9-14 ; Luc 6: 6-11




Libre reconstitution des infor­mations sur l’homme à la main sèche, à partir de l’analyse du récit que l’évangile en donne







Les textes

Commentaire

Le travail le jour du sabbat

Reconstitution des informations

Interprétation des informations par les évangélistes

Sens et interprétation





   L’homme à la main sèche se trouve dans la synagogue le jour du sabbat. Pourquoi est-il là ? On peut croire que, en sachant que Jésus s’y rendrait, il saisit l’occasion pour être guéri. Mais il reste absent dans tout ce qui se passe en cette occasion : il ne demande pas à Jésus de le guérir et, en recevant la guérison, il ne se réjouit pas et ne prononce aucune parole de remerciement. Il est donc étranger au fait !
   On doit en conclure qu’il n’est pas venu à Capharnaüm de sa propre initiative, mais amené par d’autres. Ceux-ci ne peuvent être que ceux-là mêmes qui l’épient lorsqu’il tourne en rond dans la synagogue. Mais pourquoi l’ont-ils amené là ? On peut supposer qu’en sachant que Jésus, ayant fini sa tournée en Galilée, était revenu à Capharnaüm, où il aurait pu susciter du scandale par ses guérisons le sabbat, ils voulaient le contrer en le mettant en situation d’accomplir un faux miracle.
   Il ne leur fut pas difficile d’en ourdir l’intrigue, car il suffisait de prendre parmi les mendiants un faux malade et de le soumettre à son pouvoir de prophète. Ils allèrent donc sur les lieux réservés aux mendiants et trouvèrent l’homme à la main sèche. Ils savaient bien que sa main n’avait pas subi l’arthrose, mais qu’ayant été depuis long­temps mise au service de l’aumône et de la piété des gens, elle avait subi un durcissement qui lui donnait l’apparence d’une arthrose. Invité par les agents du complot à les suivre pour être guéri par Jésus, le mendiant aurait sans doute voulu refuser, mais il n’aurait pas pu alléguer une raison valable. Aurait-il préféré demander l’aumône plutôt que d’être guéri ? Ou, plus exactement, avouer qu’il n’était pas malade de la main ? Il dut donc les suivre.

   Quant à Jésus, l’ayant vu à la synagogue errer sans au­cun but, et poussé vers lui pour être guéri par des gens pour lesquels ses guérisons étaient des œuvres démonia­ques, il comprit que ce malade était pour lui porteur d’un danger. Il y avait un piège dans cette guérison !
   Il ordonne donc au malade de se placer entre lui et le peuple, pour ne pas le perdre de vue. Il décide de suspen­dre la guérison, pour ouvrir avec les pharisiens un débat sur le problème des soins dus aux malades même le jour du sabbat. Il fallait convaincre avant d’agir. En se tournant vers les responsables de la synagogue, il dit : « Est-il per­mis, le jour du sabbat de faire du bien plutôt que de faire du mal, de sauver une vie plutôt que de la tuer ? » (Mc 3: 4 ; Lc 6: 9). Jésus posait le problème en forme dialectique, en mettant ses adversaires en situation de contradiction, assimilant la prohibition de soigner les malades le jour du sabbat à un homicide.
   Mais à son accusation, les pharisiens répondirent par le silence le plus absolu. En effet, leur but n’était pas de discuter avec Jésus sur ce problème, mais de le pousser à accomplir la guérison de l’homme qu’il avait devant lui, pour qu’il commette un acte public de violation du sabbat. Cependant, malgré leur silence, nous pouvons essayer de préciser leur controverse.

   Les pharisiens, je viens de le dire, reprochaient à Jésus d’avoir assimilé l’abstention de soins aux malades le jour du sabbat à une mise à mort, les accusant implicitement d’être des assassins. Certes, ils interprétaient ainsi les paro­les de Jésus car ils étaient conditionnés par un esprit polémique, comme d’ailleurs l’était Jésus lui-même dans son accusation. Mais si nous sortons de ce conditionne­ment réciproque, nous pourrons plus équitablement juger leur opposition.
   Les pharisiens démontraient que s’abstenir de soigner l’homme à la main sèche dans ce jour de sabbat n’était pas le tuer, car il était venu dans la synagogue comme tout au­tre individu, non pour être guéri de son mal mais pour lou­er Dieu dans son repos. On aurait pu le soigner le len­demain. D’ailleurs, pour eux, le malade subissait les consé­quences du péché, qu’il fallait supporter avec patience.
   Pour Jésus, sa compréhension du malade était tout à fait à l’opposé. Le malade était dans un certain sens tou­jours dans un sabbat, car il ne pouvait plus employer ses possibilités d’action. L’aveugle ne pouvait pas limiter sa vue, car il ne l’avait plus ; l’estropié ses pas, car il ne pouvait plus marcher ; le muet sa parole, car il ne pouvait plus parler. En eux tout travail s’était arrêté. Ils étaient donc dans un sabbat, bien que dans l’impossibilité de le fêter. Il fallait récupérer la vie, pour pouvoir la limiter dans son exercice : la force des pieds, pour en limiter les pas ; la souplesse de la langue, pour ne parler que dans la néces­sité ; la santé des yeux, si on doit modérer le regard. Dès lors, l’acte qui le mettait en situation de célébrer le sabbat était la guérison du mal qui l’en empêchait.
   Le débat entre Jésus et les pharisiens était donc un dia­logue de sourds. Aussitôt que Jésus arrêta son discours, le silence saisit les pharisiens et de ceux-ci il retomba sur Jésus pour rejoindre l’homme qui attendait la guérison. On pourrait affirmer que tout le monde était en attente, mais qu’il n’y avait plus rien à attendre.

   Le silence enveloppait donc les personnes et l’objet de leur attente. Le silence est comme le non savoir qui ouvre le chemin de la connaissance. Il empêche que la parole puisse oser arrêter le cours de l’événement.

   Jésus ignore encore que, lentement, s’approche de lui le flux du réel pour l’ensevelir. Mais les pharisiens, qu’at­tendent-ils ? Que l’homme à la main sèche soit guéri ! Par une action qui, pour eux, est une violation de la Loi ?
   Cette interrogation pousse Jésus à jeter un regard cri­tique sur ce malade que les pharisiens cherchent à lui faire guérir. Le doute, qu’il avait écarté, revient dans son esprit. Comment se fait-il que les pharisiens qui sont contre la guérison des malades le jour du sabbat et qui l’ont publi­quement accusé d’opérer des miracles au nom du prince des démons puissent pousser un homme à être guéri par lui, justement en ce jour de sabbat ? Oui, Satan joue son jeu de ruine contre lui, et ils sont sûrs de gagner, au point qu’ils renoncent au débat. Et si l’homme à la main sèche ne l’avait pas ainsi par maladie mais pour sa quête, comme cela arrive souvent pour les aveugles, les muets et d’au­tres ? Et qu’ils veuillent l’accuser d’opérer de soi-disant guérisons sur des sains, pour se présenter comme fils de Dieu ?
   Jésus réfléchit sur l’homme à la main sèche et constate qu’il demeure tout à fait étranger à sa situation : il ne se comporte pas comme un malade, mais comme un sain ; il n’a pas demandé à être guéri ; il ne montre la main rigide que pour susciter la pitié des gens et ces méchants le sa­vent et ils en ont les preuves. S’il le guérit, il ne pourra pas échapper à la lapidation. Jésus jette encore un regard sur l’homme à la main sèche. Il s’aperçoit qu’elle s’efforce de se dégager du drap qui la tient enfermée, pour reprendre son état naturel de mobilité et de vie. Et un regard de co­lère se dégage de ses yeux à l’encontre des pharisiens, dont les yeux étaient peut-être fermés, attendant dans une joie contenue de s’ouvrir aux cris de l’annonce de la guéri­son. Et ils s’ouvrent, mais aux coups de foudre du regard de Jésus. Et ils voient Jésus se dresser au cri de « Étends la main ! » et l’homme à la main sèche de l’étendre !
   Ce n’était pas le miracle du fils de Dieu, mais celui d’un homme qui appelle les hommes à vivre comme fils de Dieu.






Le 22 février 2008




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