On peut se demander pour quelles raisons les auteurs de ce récit lui ont donné un sens tout à fait opposé à celui de la source dont ils l’ont tiré. Erreur ? Tromperie ? Coup d’imagination ? Non ! Je dirai plutôt par une interprétation du sens du texte d’information tout à fait différente de celui qu’il possédait.
Les auteurs de la source avaient de Jésus une connaissance tout à fait empirique, venant de la vox populi et de l’expérience. Par contre, les auteurs des évangiles, ont de Jésus une connaissance conceptuelle, disons théologique pour ne pas dire philosophique, en d’autres termes rationnelle et métaphysique.
Mais pourquoi sont-ils allés à la recherche des sources sur Jésus ? Parce qu’ils sont en train d’écrire un livre sur lui, l’évangile, dans lequel il sera présenté comme étant le « Christ ». Ce mot est grec et signifie « oint » ; il correspond au mot hébreu « messie », c’est à dire « envoyé » de Dieu. Jésus est donc celui que Dieu envoie vers les hommes, après l’avoir oint pour être son messie pour l’œuvre de rédemption de l’humanité. En lisant les évangiles, on apprendra qu’il est un homme qui naît d’une vierge mise enceinte par l’Esprit de Dieu, qui meurt en sacrifice expiatoire des péchés des hommes, qui ressuscite et remonte au ciel pour y habiter : il est un homme en qui le fils de Dieu s’incarne.
Ceux qui ont écrit et transmis le texte des évangiles avaient donc de Jésus cette conception. Or, en lisant l’information, on constate que Jésus avait été défié, alors qu’ils trouvent qu’il avait lancé un défi pour guérir l’homme à la main sèche, qui ne l’était cependant que par simulation. Le but des pharisiens était de faire accomplir par Jésus un faux miracle : pour l’informateur, Jésus n’a répondu au défi qu’en déjouant leur intrigue de mensonge, pour les écrivains des évangiles, Jésus, dans sa personne de fils de Dieu, ne pouvait répondre à ce défi que par le défi d’une guérison qui manifestait sa personne divine...
C’est ainsi que les écrivains des évangiles ont rapporté l’information après l’avoir expurgée pour la rendre conforme au personnage du Christ. Devant écrire l’évangile afin que le lecteur croie que Jésus est le Christ (Jn 20: 31),
ils ne pouvaient rapporter que ce qui correspondait au
Christ,
ils ont donc été obligés de censurer l’information.