ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



L’équivoque  catholique
dans  le  dialogue  avec  les  Églises  et  le  monde




L’équivoque qui surgit
de la prétention de l’Église catholique
à être l’Église



Introduction


La prétention de l’Église catholique


L’Église catholique comme monde


Deux questions pour conclure

Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI i nous examinons les normes qui réglaient les relations entre l’Église catholique et les Églises dissidentes avant le deuxième con­cile du Vatican, nous découvrons qu’elles s’inspiraient toutes de l’affirmation que l’Église catholique est la seule et unique Église de Jésus-Christ ; seule et unique au point que toutes les autres communautés chrétiennes apparaissaient seulement com­me des groupements d’hérétiques et de schis­ma­ti­ques. Le Droit canon semble d’ailleurs ignorer l’ex­pression « communautés chrétiennes », pour ne re­pren­dre que les mots de « sectes d’hérétiques et de schismati­ques » (c.1325, par.2; c.100).

Et puisque ces communautés sont des sectes, elles ne peuvent pas, aux yeux de l’Église catholique, jouir des droits propres aux personnes morales religieuses, la seule personne morale dans la religion chrétienne étant, pour l’Église catholique romaine, elle-même (c.100). L’unique relation canonique entre l’Église romaine et les autres communautés chrétiennes est donc établie par la disci­pline pénale du Droit canon, en ce sens que ce Droit considère les membres des communautés comme encore soumis à lui. En effet, ces hérétiques et schis­matiques sont des chrétiens auxquels la séparation et l’union qu’ils ont ensuite réalisée sous forme d’Églises, considérées comme crimes, ne confèrent aucun droit, mais seule­ment les obligent à se soumettre aux peines canoniques de l’Église catholique (c.87).

Le deuxième concile de Vatican a changé cette situation. Achevant, en quelque sorte, le procès contre la Réforme ouvert par le concile de Trente, il parvient à reconnaître et à déclarer la non-culpabilité de tous les chrétiens d’origine protestante, en ce qui concerne leur séparation d’avec l’Église romaine. Le Décret sur l’œcuménisme dit : « Ceux qui naissent aujourd’hui dans de telles commu­nautés et vivent de la foi du Christ, ne peuvent être accusés de péché de division et l’Église catholique les entoure de respect fraternel et de cha­rité ».

Par cet acquittement, l’Église catholique prend acte de la séparation des Églises dissidentes comme d’une situation de fait, elle reconnaît, en jetant ainsi les bases d’une nouvelle relation avec elles au dehors de la coercition juridique, l’existence de communautés sé­pa­rées en tant que telles. Elle ne les nomme donc plus « sectes » mais « communautés séparées », et affirme qu’elles « ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut ». Par con­séquent, ses membres « portent à juste titre le nom de chrétiens ».
   Bien que séparées de l’Église catholique, les autres communautés chrétiennes participent de la réalité ecclé­siale car elles ont des éléments et des moyens de salut : la Parole de Dieu écrite, la vie de grâce, la foi, l’es­pérance et la charité. Étant donné que ces éléments et ces moyens de salut sont, de l’avis de l’Église catho­lique, propres à elle-même, le Décret reconnaît que ces communautés, tout en restant séparées, restent quand même en communion imparfaite avec l’Église ca­tho­lique qui, seule, possède la plénitude ecclésiale.

C’est cette nouvelle vision théologique qui donne à l’Église catholique la possibilité de nouer, avec les autres communautés chrétiennes, des relations œcu­mé­niques. Puisque ces communautés possèdent le Saint-Esprit, l’Église catholique admet que ce même Esprit « suscite en tous les disciples de Christ le désir et les initiatives qui tendent à l’union paisible de tous, suivant la manière que le Christ a voulue, en un troupeau unique sous l’unique pasteur » (De Ecc. 15). Elle voit donc la séparation non plus d’une façon statique et négative, mais dans la dynamique d’un mouvement vers l’unité des chrétiens qui se réalisera par l’incorporation définitive et totale des chrétiens et des communautés dans la plé­nitude de l’Église catholique.
   Peu importe la façon dont les différentes Églises sépa­rées interprètent cette unité, car ce ne sont pas les di­verses idéologies qui comptent mais l’intention du Saint-Esprit qui, en inspirant le désir de l’unité, ne peut pous­ser les chrétiens séparés que vers la communion parfaite avec cette Église qui est l’Église. L’Église catholique croit donc au mouvement œcuménique ; elle s’y associe non par spéculation politique, mais par foi, parce qu’elle con­sidère le mouvement œcuménique comme œuvre du Saint-Esprit lui-même.

Cette nouvelle vision théologique devrait amener l’Égli­se catholique à réinterpréter œcuméniquement toutes ses relations avec les communautés dissidentes de telle façon que, dans chacune de ces relations, elle se situe vis à vis d’elles sur un parfait pied d’égalité, respectant leur liberté et leur personnalité de communautés sépa­rées.

En fait, l’Église catholique semble distinguer, dans ses relations avec les Églises dissidentes, deux catégories : les relations « œcuméniques » et les relations « nor­males ». Et si, dans les relations qu’elle considère et déclare « œcuméniques », elle se comporte en égale, dans toutes les relations qui sortent du domaine œcu­ménique, elle se comporte encore non comme une Église, mais comme l’Église, avec les prétentions tota­litaires et exclusives de son Droit.
   On reconnaît ces distinctions, par exemple, au fait que les nouveaux membres des communautés séparées qui viennent de l’Église catholique ne sont pas, eux, ac­quit­tés du péché de schisme et d’hérésie. Acquittées en ce qui concerne leur passé, les communautés séparées sont tou­jours tenues pour coupables des séparations qu’elles peu­vent causer dans le présent. Leur développement pro­pre est permis, leur expansion extérieure dans le monde n’est pas admise.
   L’Église catholique prend donc acte du fait de la sépa­ration, sans reconnaître les droits et la personnalité mo­rale qui découlent de ce fait. La justification des Églises dissidentes est donc historique et non théologique.

Les Églises réformées ne peuvent pas accepter de situer leurs relations avec l’Église catholique sur deux plans. Pour elles, toutes les relations doivent être œcuméni­ques. Elles ne peuvent pas accepter ce jeu d’une com­munauté chrétienne qui, se présentant comme une Égli­se, revendique pour elle tous les caractères de l’Église. C’est une équivoque qui heurte le désir de vérité et d’authen­ticité qu’elles veulent avoir dans le dialogue.




1965




Retour à l’accueil Introduction Haut de page L’église catholique comme monde

t534100 : 07/08/2017