ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Le  témoignage  donné  par  l’ancien  prêtre
au  sujet  de  la  présence
de  l’Église  dans  le  monde



(  Colloque  des  « Nouveaux  Protestants » )






L’expérience de l’ancien prêtre





Introduction

La présence de l’Église au monde

L’expérience de l’ancien prêtre

Le témoignage de l’ancien prêtre


Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI ette analyse nous fait comprendre combien il serait prétentieux d’attendre des anciens prê­tres la solution d’un problème qui semble dé­passer les églises elles-mêmes. Aussi ne fe­rons-nous ici qu’approfondir la crise vécue par les anciens prêtres parce que nous y retrouvons des motifs qui peuvent exprimer un témoignage valable de l’Évangile pour le monde. Par « ancien prêtre », nous en­tendons celui qui a subi cette crise, qui l’a comprise et qui en tire les motifs pour son comportement et son témoigna­ge dans le monde.

L’ancien prêtre est tout d’abord un homme qui, s’étant donné tout entier, par toute son existence, au service de l’Église, rompt définitivement avec elle.
   On a cherché à déterminer les raisons de cette rupture – disciplinaires, théologiques, spirituelles ou humaines ; mais de telles distinctions sont, pour notre problème, sans objet. Car il s’agit toujours, dans tous les cas, d’une ré­volte con­tre l’emprise de l’Église sur la vie d’un homme. L’ancien prêtre a rompu avec l’Église lorsqu’il s’est aperçu qu’il avait à vivre en homme et qu’en fait cela n’était pas. Sa révolte est la libération de son humanité en vue d’une vie respon­sable et libre.
   Vus sous cet angle, sa désobéissance, ses transgressions, ses péchés, apparaissent comme des actes qui marquent une révolte contre une situation d’« aliénation ». L’ancien prêtre veut se « décléricaliser », se « désanctifier », se « désacraliser », parce qu’il veut être un homme. Il dénon­ce par cette révolte, et surtout par les traces que celle-ci laisse dans sa chair, l’usurpation de l’Église qu’il veut dé­mystifier. Pour lui, s’il ne veut plus accepter d’être un saint, il ne veut plus non plus mener une double vie. Il quitte l’Église parce qu’elle l’empêche d’être un homme au service du monde.

Le deuxième moment de l’expérience de l’ancien prêtre est son insertion dans le monde. Il entre dans le monde, tout seul, comme un enfant psychologiquement et spiri­tuel­lement nu. À l’âge mûr, il a la joie de faire son pre­mier pas d’homme, enfin délivré de sa soutane. Il apprend comme un enfant... à faire, par exemple, le nœud de sa cravate. Il commence à ne plus redouter la nuit et dé­couvre alors la ville dans ses secrets, ses rues étroites et dangereuses, ses bistrots, ses cinémas, l’enchantement de ses éclairages. Il s’émerveille des surprises de ce monde de corruption à lui soudainement offert.
   Mais ce qui l’insère effectivement dans le monde, c’est le travail ; habitué à tenir la première place, il se retrouve à la dernière, comme manœuvre. Ses mains toujours pro­pres pour toucher aux choses sacrées se salissent au con­tact des choses du monde. Elles touchent pour la première fois de l’argent gagné. Il découvre alors tout le ridicule des vœux – car c’est maintenant qu’il devient pauvre, de même qu’il devient chaste dans sa recherche d’une femme à lui, et obéissant par la fidélité à son travail.

La troisième expérience d’un ancien prêtre est celle de sa redécouverte de l’Évangile, redécouverte qu’il fait au de­hors de toute Église, au moment où il entre dans le monde. Il rencontre le Christ au moment où il se porte aux autres, où il devient comme eux, acceptant d’être pécheur, de mar­cher sur le même chemin que « les prostituées et les publicains ».
   Sa vie prend alors une signification théologique, au sens qu’elle est à l’image de l’incarnation. Le Christ qui se présente sur son chemin n’est pas tout à fait ce Seigneur que l’Église habille de vêtements royaux. C’est le Christ homme, qui se manifeste dans l’approche d’autrui, au mo­ment où on écoute, où on parle, où on mange ensemble, au moment où on travaille, où on souffre d’une même souffrance, où on combat d’un même combat. Celui qui apparaît alors, c’est le Christ « Serviteur de l’Éternel », parce qu’envoyé au service des hommes dans le monde.

Nous pouvons interpréter ce retour de l’ancien prêtre à la foi à la lumière du récit d’Emmaüs car, tout comme ces personnages de l’Évangile, l’ancien prêtre rencontre le Christ lorsqu’il quitte l’église assemblée, dans le déses­poir, et marche dans le monde. Le Christ ressuscité, qui apparaît aux disciples d’Emmaüs, n’est pas tout à fait le même personnage que celui qui se manifeste aux apôtres, car il est sans éclat divin : il leur apparaît pélerin dans le monde, comme eux ; il est celui qui préfère la route à la chambre haute, l’incroyant au croyant, l’homme à l’apô­tre, bref, le monde à l’Église...




Colloque tenu en mars 1968




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t535200 : 27/11/2017