ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Réforme,  ou  reconversion  de  l’Église ?




Introduction



Introduction


L'Évangile et les autres


L'Église pour les autres


L'Église institutionnelle, église « en Christ »


De l'Église « en Christ » à l'Église « pour les autres »



Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI ’expression « Nouvelle Réforme » est devenue le mot d’ordre des Chrétiens, indicateur d’un bouleversement profond qui s’opère dans la théologie et la vie des églises. Objet d’une recherche qui devient de plus en plus difficile et com­plexe, elle est aussi motif de craintes et d’espérance.
   En France, la recherche théologique sur ce problè­me a été centrée depuis l’Assemblée du Protestan­tisme de Montbéliard sur le rapport Église-Monde. Mais c’est la découverte de Bonhœffer qui a offert aux théologiens français la possibilité d’exprimer leur recherche sous une formulation adéquate et significa­tive sur la base de l’affirmation contenue dans Ébau­che d’une étude : « L’Église n’est Église que lors­qu’elle existe pour les autres » (in Résistance et soumission, p.181). La dernière Assemblée de Col­mar, en effet, a voulu polariser ses débats sur un abrégé de l’affirmation bonhœforienne : « Une Église pour les autres ».

Mais il apparaît clairement que cette dernière affir­ma­tion, en abrégeant celle de Bonhœffer, trahit l’in­tention de celui-ci. Car Bonhœffer met l’accent sur « pour les autres » de telle façon que cette expres­sion devient le critère de vérité et d’authenticité de l’Église. L’Église ne peut trouver de fondement ail­leurs que dans son existence pour les autres. Ainsi, la recherche d’une telle Église met en question les Égli­ses existantes, non seulement dans leur structure, mais aussi dans leur fondement, dans leur être ecclé­sial.

Au contraire, la formulation employée par l’Assem­blée de Colmar ne peut pas parvenir à une telle con­testation. Le rapport présenté par le pasteur Keller le montre bien. Le point de force de ce rapport est bien constitué par une analyse sociologique des « au­tres » (les athées, les non-pratiquants, les catholiques, etc.), mais il s’agit d’hommes qui sont « autres » par rapport à l’Église ; celle-ci semble rester, par consé­quent, en dehors du monde.
   Cette analyse conteste donc l’Église en tant qu’elle est fermée au monde ; elle fait comprendre que, tour­née vers elle-même, vieillie dans ses traditions, par­lant un langage totalement incompréhensible aux hommes d’aujourd’hui, et moins soucieuse des pro­blèmes de la terre que de la béatitude céleste, l’Église a besoin d’être réformée dans sa structure et dans son expression. Mais elle ne touche pas à l’Église dans son être en tant qu’institution divine, ni au con­tenu de sa prédication, ni à sa liturgie ou à sa confes­sion de foi, toujours liée à des propositions dogmati­ques, ni enfin à son conditionnement à la masse de ses adhérents...
   Il me semble donc qu’à l’encontre de l’affirmation du théologien de la prison de Tégel, « l’Église n’est Église que lorsque elle existe pour les autres », le rapport Keller, ainsi que toute la recherche théologi­que que ce rapport a voulu exprimer disent : il faut que l’Église soit pour les autres pourvu qu’elle reste ce qu’elle est, à savoir une église.

Dans cette étude, je voudrais donc poursuivre une recherche personnelle, en me servant de la même for­mule, mais dans toute l’ouverture et la contestation qu’elle a dans l’affirmation de Bonhœffer. Il ne faut pas oublier, en effet, que ce n’est pas une exigence humaniste qui a poussé le théologien allemand à reconnaître la réalité de l’Église dans son existence pour les autres, mais une redécouverte de Jésus-Christ. S’il est vrai que dans sa prison il était comme obsédé par sa recherche de l’homme, il est vrai aussi qu’il a poursuivi cette recherche sous la poussée de l’interrogation : « qui est Jésus-Christ ? ». Sa médi­tation, se poursuivant sur deux lignes convergentes, l’amène à saisir Jésus-Christ dans le fait qu’il a existé pour les autres, à savoir les hommes.
   Ce n’est donc plus un Christ défini par rapport au concept de nature, mais par son existence elle-même, concrète et historique, existence qui est une relation de vie et non un concept. L’Église, quant à elle, ne peut se définir que par rapport à cette existence ; elle n’est que pour les autres parce que ce Christ, vis-à-vis duquel elle se définit, est pour les autres.

Avant de parler de l’Église pour les autres, il con­vient de méditer sur le Christ comme existence pour les autres. Je me limiterai dans cette étude à cerner cette existence pour les autres, non dans la personne de Jésus (j’ai déjà abordé ailleurs cette recherche) mais dans son message. Je traiterai ensuite de l’Église dans sa double possibilité : pour les autres et en Christ, pour enfin toucher au problème suivant : s’agira-t-il pour l’Église d’une réforme ou d’une reconversion ?




Le 11 juin 1967




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t562000 : 16/12/2017