ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisRéforme, ou reconversion de l'Église ? |
De l'Église « en Christ » |
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Introduction L'Évangile et les autres L'Église pour les autres L'Église institutionnelle, église « en Christ » De l'Église « en Christ » à l'Église « pour les autres » |
Il est aussitôt évident que toutes les tentatives visant à une réforme des structures passerait à côté du véritable problème. En effet, même si l’on parvient à ouvrir l’Église au monde par le dialogue avec les non-croyants, par la création de ministères spécialisés auprès des professionnels, par la célébration de cultes dans des lieux qui ne soient pas des temples, par une importante laïcisation des structures, allant jusqu’à l’éclatement des communautés paroissiales, l’Église restera toujours une religion soumise à l’interprétation religieuse des Écritures, liée aux dogmes de sa propre confession de foi, agissant par des moyens sacrés, tels que les sacrements et les ministères. Par la réforme des structures, elle ne parviendrait jamais à être pour les autres. Afin que les Églises y parviennent, elles doivent cesser d’être religieuses. Affirmer cela, c’est demander aux Églises de se renier jusqu’au tréfonds de leur réalité ecclésiale, car elles ne sont pas seulement religieuses dans leur structure, mais aussi dans leur être. Les Églises devraient donc rejeter toute visée sacrée sur l’homme, détruire leurs temples, désacraliser les sacrements, rester sourdes aux exigences religieuses des hommes, etc. Un tel rejet est naturellement impossible, car les Églises ne comprendraient pas et ne voudront pas se suicider ; beaucoup de ceux qui pensent avec Bonhœffer que « l’église n’est l’église que lorsqu’elle existe pour les autres » voudront combattre l’Église, la dénoncer, la détruire par une action révolutionnaire ou, si la révolution est impossible, la laisser pourrir dans sa religiosité jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Cette dernière affirmation présuppose que la situation historique dans laquelle nous vivons deviendrait tellement défavorable aux églises qu’elles seraient destinées à disparaître, même si rien n’était entrepris contre elles. On le pense et on se réfère encore à Bonhœffer, à son analyse théologique au sujet de l’homme devenu majeur (Résistance et soumission, p.146). Ici, on est contraint de s’interroger au sujet de l’Évangile. Car dans l’hypothèse de la disparition des Églises, soit d’elles-mêmes, soit par une action révolutionnaire, l’Évangile, lui-même, semble destiné à périr. En effet, n’est-il pas la propriété des Églises, soumis à leur propre langage inspirateur de normes religieuses qu’elles imposent aux croyants ? Lui aussi, il est devenu une œuvre religieuse si on considère surtout que, expression de la catéchèse des communautés chrétiennes primitives, il est le reflet d’une église « en Christ », ainsi qu’un Christ dans l’église, conditionnant l’homme à la religion. À ce point de notre étude, les réflexions de Paul Ricœur sur cette question revêtent une importance particulière. Selon lui, l’Église existante doit être le lieu de la confrontation, de tension entre la foi et la religion. Il serait impossible que foi et religion puissent se confronter en dehors de l’Église parce que le monde, ne pouvant exercer qu’une action de « démystification », entraînerait dans sa contestation la foi elle-même. Tout en reconnaissant que cette confrontation est possible jusqu’à aujourd’hui, il faut dire cependant que l’Église n’est pas elle-même le lieu de cette confrontation, car c’est en marge des paroisses que le dialogue se poursuit, l’Église demeurant toujours un lieu sacré. Les églises, encore liées aux structures paroissiales, sont toujours ancrées dans la religion, propriété des hommes religieux, tandis que tous ceux qui contestent sont considérés comme des franc-tireurs ou des « voltigeurs de l’ecclésiologie ». Il est évident que l’Église est tentée de s’opposer à la contestation par crainte d’entamer la religiosité de ses communautés. Elle cherche alors à récupérer tous ceux qui se sont détachés d’elle. La perspective de Paul Ricœur me semble donc idéaliste, car il ne tient pas compte de ce que la religion, non seulement pénètre l’être des églises, mais aussi en constitue le pouvoir. Peut-être pourrai-je proposer une voie différente. Il me semble que la théologie nouvelle est aujourd’hui capable d’entreprendre une élaboration positive du christianisme sur la base d’une lecture a-religieuse des Écritures. Je pense aussi qu’il conviendrait d’appeler tous ceux qui sont à la recherche d’une réforme radicale de l’Église à s’unir pour assumer la conscience de la nouvelle Église : celle de l’Église pour les autres. Il s’agirait de commencer cette « reconstruction » à laquelle Bonhœffer lui-même s’était consacré après la contestation de la religion (p.196). Quand l’« Église pour les autres » existera en vivant l’Évangile comme la conscience de l’homme nouveau, elle pourra se présenter comme véritable lieu de rencontre de tous les hommes pour l’homme. Ce que cette Église apportera au monde, ce sera de détacher l’Évangile de la religion, du cléricalisme, du sacré pour l’offrir comme une « parole pour l’homme ». En elle les chrétiens, détachés des paroisses et de l’orthodoxie classique, trouveront la capacité de se retrouver de façon inédite après le choc subi par les contestations du monde. Ils le pourront d’autant mieux quand, dans cette « Église pour les autres », ils se rencontreront avec les autres attirés par la même recherche. Alors, il n’y aura plus lieu de les récupérer parce qu’ils se seront retrouvés dans une nouvelle découverte de l’Évangile. La tâche de cette Église ne consistera pas à combattre le christianisme religieux propre aux églises, mais à se saisir de l’homme, de ses aliénations, de ses capacités de libération, de sa croissance dans le monde. |
t562400 : 17/12/2017