ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


La  crise  du  protestantisme  français

(Essai d’explication sociologique)




Conflit et crise :

Tension intra-idéologique et orthodoxie fluctuante



Sommaire

Conflit et crise
- Trois analyses des
   conflits
- Tension intra-idéo-
   logique et orthodoxie
   fluctuante

   . Universaliser
     le particulier

   . Contestation de
     l’idéologie dominante

Conflit et changement social



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .
   

Universaliser le particulier


   Tout d’abord, la fonction idéologique de la confession de foi du protestantisme français cherche à universaliser le particulier. Le discours chrétien (protestant) se prétend universel et au-dessus de tous les autres, particuliers, relatifs, voire partisans. La tâche du sociologue consiste à analyser cette prétention du discours de l’église à l’universalité (non pas « métaphysique », mais « sociale »). Il pose comme hypothèse que le discours des églises (qui s’affirme transcendant, vertical) est un phénomène superstructurel qui voile une médiation idéologique qui possède une fonction d’intégration et de cohésion du groupe socio-religieux concerné ; en effet, cette prétention à l’universalité et à la transcendance du discours de l’église a pour fonction d’étendre à l’ensemble des groupes sociaux dans le temps et dans l’espace, un système de normes et de valeurs (un système culturel) particulier.
   Ce transfert du « particulier » à l’« universel » est un des aspects majeurs de l’idéologie. J’en avais donné plusieurs exemples dans le Protestantisme français des dernières années. En particulier, l’éthique de l’argent. En 1953, le Synode national de l’Église réformée de France avait mis à son ordre du jour « l’usage de l’argent ». Il y a été fait référence à la fois à la théorie de la neutralité de la monnaie et de la richesse, aspect dominant de l’idéologie économique libérale voilée sous une référence biblique, et à l’égalité des pauvres et des riches devant la corruption de l’argent, qui est une représentation de l’idéalisme de la classe bourgeoise. Ont été également cités les comportements des chrétiens protestants en face du conflit algérien. Là aussi, entre 1956 et 1962, le « discours » de l’église réformée a tenté d’« universaliser » un système particulier de valeurs, où sous le couvert et la médiation idéologique de la foi, les décisions synodales réformées impliquaient une attitude politique correspondant au statu quo d’une présence française en Algérie. Il a été aussi question de l’éthique du mariage et de la sexualité qui constitue, sans conteste, l’universalisation d’un type particulier de mariage auquel il est donné une justification idéologique religieuse : le type monogamique de la société bourgeoise occidentale, inspiré de l’éthique particulariste du judéo-christianisme(1).

   Sur ce point, mon analyse rejoint celle de Jean-Paul Willaime, qui écrit : « L’Église s’institue autour d’une fonction idéologique qu’on peut spécifier, surtout en ce qui concerne les églises protestantes, en parlant de fonction prédicative… L’institution ecclésiale fonde son unité sur la promulgation d’un certain discours qui a la caractéristique d’être universel »(2). N’est-ce pas également ce qu’implique l’analyse de Jean Bauberot ? « Pour servir de fondement, même indirect, à l’action, il faut conférer au système de crédibilité plus que celui-ci ne contient, en donnant une « validité universelle » (donc spatiale et intemporelle) à ce qui est seulement l’ensemble des connaissances les plus élaborées d’une société historiquement donnée… Cette projection dans l’universel nécessite un fondement qui donne ce « plus » au système de crédibilité. Nous l’appelons absolu de crédibilité »(3).


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1 Pierre Curie :
Parole et Société, 1972, n° 4, pp. 332-334, 338-339.
Parole et Pain, mars-avril 1973, n° 55
Parole et Société, 1975, n° 6, pp. 442-446.   Retour au texte

2 Jean-Paul Willaime, : « Institutions ecclésiales et conflits », 3° Colloque de Sociologie du Protestantisme, Strasbourg 1972. Crises et mutations institutionnelles dans le Protestantisme français, p. 134.   Retour au texte

3 Jean Bauberot : « La crise du Protestantisme », in les Cahiers de Villemétrie, mai-juin 1973, p. 14.   Retour au texte



1977




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