ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  multiplication  des  pains



Marc 6: 30-45




Du banquet miraculeux au repas communautaire fraternel







etons un regard sur le contexte de ce repas. Les apôtres sont de retour de leur tournée de prédication dans la Galilée, fatigués mais contents de se retrouver avec Jésus. Mais de nombreuses personnes les suivent, en sorte qu’ils n’ont pas la possibilité de se réunir pour le repas. Ils mangent, sans doute, mais individuellement. Jésus leur propose d’aller à l’écart. Ils prennent la barque pour échapper à la vue de la foule, mais ils ne vont pas loin. Ils sont suivis par le peuple, au point que beaucoup ont même réussi à les précéder. Ils ne peuvent fuir la foule. Ému de compassion pour ces brebis sans berger, Jésus ne peut pas éviter de leur annoncer son évangile. C’est à la fin de son discours que les apôtres saisissent l’occasion pour lui dire de renvoyer les gens qui, fatigués, ont aussi besoin d’aller acheter de quoi manger dans les fermes et villages environnants.
   C’est à ce moment que Jésus prononce les paroles fatidiques : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! ». « Irons-nous acheter de quoi manger pour deux cent deniers ? » lui répondent les disciples « Mais que reste-t-il de votre repas ? » « Cinq pains et… deux poissons ! ». Leur dialogue s’arrête ici. Les apôtres crurent que la proposition de Jésus n’était qu’une marque d’humour. Mais Jésus leur faisait comprendre que si, après avoir mangé, ils avaient des restes, le peuple lui aussi n’avait pas été insouciant au point de ne pas apporter ses restes ! On pouvait donc inviter tout le monde à les partager. Repas communautaire des frères qui se rencontrent !
   Mais avant de le proposer, Jésus jette un dernier regard sur la foule. Il s’aperçoit que des vendeurs étaient là, prêts à offrir la nourriture dont les gens avaient besoin. Ce fut ce dernier regard qui le poussa à décider d’inviter les gens à s’asseoir pour un repas fraternel. Il s’ajoutait à cela que l’endroit n’était pas un désert, car l’herbe y poussait verdoyante. Le terrain s’offrait comme un tapis pour que les gens puissent se coucher pour manger.

   Le lecteur s’étonnera de lire que Jésus avait remarqué la présence autour de la foule de vendeurs ambulants, car le texte n’y fait pas allusion. C’est vrai ! Mais à la fin on lit : « Et l’on emporta les morceaux, douze couffins pleins avec les restes des poissons. » D’où ces corbeilles (kophines) autour ou parmi la foule ? Leur forme était fonction de la nourriture qu’ils portaient. Quant aux vendeurs ambulants, ils accourent là où il y a du monde. Si les gens avaient faim, ils auraient pu trouver de quoi manger, sans besoin d’aller l’acheter dans les villages. Dès lors, on peut comprendre que, après l’invitation de Jésus, tout le monde s’était étendu sur l’herbe pour se disposer au repas. Vers la fin du repas Jésus pouvait bien quitter les lieux satisfait.

   Doit-on le croire ? Une affirmation finale du récit nous oblige à en douter : « Et aussitôt, il obligea ses disciples à monter dans la barque et à le devancer sur l’autre rive vers Bethsaïda, pendant que lui-même renverrait la foule » (Mc 6:45). Pourquoi Jésus se prive-t-il de l’aide de ses disciples au moment où ils l’auraient aidé efficacement pour quitter la foule ? Pourquoi les oblige-t-il à le précéder sur l’autre rive, quand lui reste sans barque ? S’agit-il d’une séparation, ou d’une prise de distance ?
   Une proposition qui suit l’affirmation finale du récit nous permet de saisir le surgissement d’un conflit entre Jésus et ses disciples : « Ils n’avaient pas compris le miracle des pains, puisque leur esprit s’était affaibli (peporro-mene) » (Mc 6:52).
   Rappelons que les disciples avaient suggéré à Jésus de renvoyer la foule, parce qu’elle était fatiguée et avait besoin de se nourrir. Ce conseil venait aussi de leur fatigue et du grand désir de partager entre eux et avec Jésus leur première expérience de prédication. D’ailleurs, ils étaient venus dans cet endroit solitaire pour avoir un peu de solitude et de paix. En les obligeant à prendre la responsabilité de l’organisation du repas, Jésus les avait mis au service de la foule jusqu’à épuisement. Il y avait aussi en eux l’attente d’un événement miraculeux, qui ne vint point. Ils n’avaient pas compris la bénédiction donnée par Jésus sur les pains. Ils s’attendaient à une multiplication, alors qu’elle était le symbole d’un partage long et pénible de la nourriture. Ils boudèrent donc.
Jésus les fit partir sans lui, assumant la charge du renvoi de la foule. Puis il s’en alla dans la montagne pour prier (Mc 6: 46).







Le 8 novembre 2007




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t361000 : 27/01/2019