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ne question se pose au terme de ces réflexions : Jésus est-il le Christ parce qu’on ne pouvait le comprendre et le définir que par l’interprétation du Christ des Écritures qui s’actualiserait en lui, ou, croyant qu’il est le Christ des Écritures, cherche-t-on logiquement à ne le définir que par elles ? En effet nous sommes parvenus à comprendre le banquet offert aux foules par Jésus sans avoir besoin des miracles qui le garantissent dans le texte de Marc.
Ces miracles n’ont donc pas été introduits parce qu’ils ont fait partie de la réalité du repas, mais ont été des thèmes destinés à donner au récit un sens qui était étranger à la réalité. Or, puisque ces miracles auraient été accomplis par Jésus dans la mesure où il était le Christ, ce titre de « Christ » demeure au dehors de la réalité de son être.
On dira qu’un seul récit ne suffit pas à formuler comme thèse une telle affirmation. Bien sûr ! Mais il se trouve que les analyses que j’ai menées sur d’autres textes, comme ceux sur la résurrection, sont suffisamment nombreuses et claires pour nous conduire à cette thèse. Il suffirait de rappeler que la foi en la résurrection ne naît pas à partir d’un témoignage de l’événement, mais d’un phénomène tout à fait étranger : l’absence du corps de Jésus du tombeau. On ne peut faire appel à la résurrection, pour expliquer l’absence du corps, sans prouver d’abord qu’elle n’est redevable ni à son déplacement, ni à un vol. De même, affirmer qu’il est ressuscité à partir de la présence dans le tombeau des pièces de linge du défunt, comme si elles ne pouvaient pas appartenir à un autre mort. Ou la présence des bandelettes, alors que Jésus avait été enroulé dans le linceul sans bandelettes. Mais arrêtons-nous avant d’en faire une thèse, pour ne rester que dans le doute.
On ne peut cependant négliger de diriger aussi notre attention sur une zone du même problème, celui concernant Jésus. Si « Christ » est un titre gratuit, on doit reconnaître qu’en cherchant à comprendre et à définir Jésus comme Christ, on refoule Jésus, et aussi le sens qu’il mettait dans ses paroles et dans ses actes.
Pour ne rester que dans notre thème, je rappellerai la différence de finalité entre le banquet obtenu par des miracles et celui mis en route par Jésus. Dans le repas miraculeux, on rappellera la croyance en Jésus comme Christ, et le rassemblement des hommes comme des frères sous le règne du Christ ; dans le repas, on trouve à la fois le rassemblement des hommes comme des frères, et le partage de la vie avec Jésus, pour constituer ensemble l’unité des hommes comme fils de Dieu. L’unité des hommes dans une personnalité exprimant l’homme remplace celle de la personne du Christ.
Un autre évangile ? Peut-être, mais davantage solidaire avec l’expérience humaine. L’union des individus en l’homme, c’est l’homme issu de l’amour de l’autre, de l’être chacun l’autre de soi et cet autre, lui-même.
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