« Pourquoi ne suis-je pas mort, dès le sein, n’ai-je péri aussitôt enfanté ? Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir, deux mamelles pour m’allaiter ? ... Pourquoi donner à un malheureux la lumière, la vie à ceux qui ont l’amertume au cœur ? ... Pourquoi ce don à l’homme qui ne voit plus sa route et que Dieu cerne de toutes parts ? » (Jb 3: 11-12; 20; 23). Le poème de Job est une suite de variations sur ce thème du « pourquoi » de la vie humaine, de sa signification existentielle, presque charnelle, du malheur qui s’abat sans raison sur l’homme. Ainsi, ce thème n’est pas particulier à un seul peuple, Israël, mais à tous les peuples. Job est le témoin de l’homme et de l’humanité, alors que les « amis de Job » tenteront sans cesse de rechercher une raison théologique liée aux conceptions particularistes du peuple d’Israël.
Cette question première, originelle, de Job ne supporte pas une réponse facile ; elle sera le drame fondamental, le dialogue de sourds entre Job et ses faux amis. Pourquoi donner la vie si l’homme doit ensuite affronter le malheur jusque dans sa chair ? Pourquoi être homme si les conditions de l’existence s’acharnent sans fin à nier et ruiner cette humanité sur terre ?
Et Dieu ? Qui peut-il être pour un homme aliéné de lui-même, jeté sans but sur un sol ingrat, sans avenir ? Dieu ne peut être que son « ennemi » qui « cerne l’homme de toutes parts »…
Pourquoi ? Comment résoudre cette contradiction fondamentale : recevoir la vie sans pouvoir la supporter et la réaliser ! L’homme vit une angoisse profonde, sans issue. N’aurait-il pas été préférable de ne pas venir au jour si cette condition humaine ne peut être qu’absurdité ?