ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa création de la femmeGenèse 2: 18-25 |
Analyse et interprétation
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Texte et contexte Excursus exégétique Analyse et interprétation du récit - Introduction - La création de la femme - Les fiançailles . Introduction . La présentation . La reconnaissance . Le nom . L'engagement au mariage - ... |
Le nomÀ partir du schéma de l’erousim, le lecteur s’attend à ce qu’Adam impose un nom à la femme, peut-être parce qu’à l’homme revient cette fonction et parce que la femme est issue de lui, comme d’une mère. Effectivement, après avoir reconnu la femme, Adam poursuit : « On l’appellera femme (ichah) parce qu’elle a été prise de l’homme (ich) ». Dans le monde biblique, les mères donnaient le nom à leurs enfants à partir des signes qu’elles avaient découverts dans leur naissance, et qui étaient supposés être l’apanage de leur personne, en accord avec la finalité de leur existence. Plus exactement, le nom peut se comparer au Ka égyptien, dont le sens oscille entre l’âme et la personnalité, l’image idéale et l’essence, son identité et son double, car il précède, investit et suit l’individu. Il ne désignait donc pas seulement la personne, mais l’entité métaphysique qui lui donnait un sens. Dans la création de la femme, Adam trouve dans le fait qu’elle vient de l’homme, le signe qui désigne son nom. Elle sera appelée ichah (femme), parce qu’elle a été prise de l’homme. Mais Adam impose-t-il vraiment un nom à sa femme ? À l’évidence, « ichah » n’est pas le nom propre d’une femme, mais le mot générique qui qualifie « la femme », ce qui surprend puisqu’on attendait le nom propre. Le récit connaît ainsi un brusque changement de référence. Dans sa première déclaration, Adam évoque son existence et sa relation avec sa femme, présente à ses côtés : il ne s’adresse pas à elle par la parole, il l’enveloppe de son regard. À présent, il détourne son regard pour se tourner vers « la femme » qui appartient à tout homme. Sa parole n’évoque plus son mariage mais celui de tous les hommes. Plus précisément, sa femme n’exprime plus sa personnalité propre mais la femme générique. N’ayant pas de nom propre, elle n’existe pas en tant que personne, elle est plutôt l’image de la femme que la femme existant réellement. Comme je l’ai dit précédemment, elle ne parle pas, ne réagit ni positivement ni négativement au fait d’avoir été créée pour l’homme, ni d’avoir été prise de lui et reprise par lui. Elle laisse l’homme s’emparer d’elle, comme une image se laisse absorber par son objet. Elle retourne à sa réalité d’origine dès que l’homme l’a faite sienne. Elle n’a, semble-t-il, d’autre existence que celle d’une figure rhétorique, représentant la femme telle que l’exprime le mot « ichah » : l’être extrait vivant de l’homme, pour n’exister que pour lui. Dans ce récit, nous sommes comme confrontés à un papyrus où chaque mot est suivi d’une figurine de la chose signifiée. Le mot « ichah » est suivi d’une figurine de femme, issue de l’homme pour se placer devant lui comme une servante. Mais le contour de cette figurine ne correspond pas exactement au tracé de la femme « sortie de l’homme » selon le récit de la création. Rappelons l’expression « Et Élohim-Yahvé forma une femme, de la côte qu’il avait prise de l’homme. » (Gn 2: 22) On notera que le texte dit « Ha-Adam » et non « ich ». La différence est profonde. « Ha-Adam » désigne l’individu humain unique de son espèce, bisexuel, à la fois mâle et femelle ; « ich », par contre, est l’individu mâle par opposition à la femme. Il s’ensuit que « Le Adam », d’où la femme a été retirée par Dieu, n’est pas le « ich » qu’Adam devient lors de la séparation des sexes opérée par la création de la femme. De plus, l’affirmation selon laquelle la femme a été prise de « ich » est inexacte, car elle laisserait penser que la femme vient du mâle, qui pourrait alors revendiquer sur la femme qu’il prend comme épouse un droit d’appartenance comparable à celui qu’il détient sur un fils. Enfin, l’affirmation que le mot « ichah » dérive de « ich » ne prouve pas que la femme vienne de l’homme, puisqu’il s’agit d’une dérivation lexicale qui n’a pas de valeur étymologique. En respectant la logique de l’intrigue, l’affirmation que la femme vient de l’homme mâle, parce que « ichah » vient de « ich », ne peut pas être attribuée à Adam, ce qui suppose une aporie, c’est à dire une rupture de sens. Pour l’heure laissons en suspens la recherche des raisons de cette aporie pour n’en mettre en évidence que le sens. Toutefois retenons que, puisque la référence change, nous sommes en présence d’un récit nouveau. Poursuivons la lecture non pour découvrir Adam engagé dans le mariage, mais fiancé s’apprêtant à cohabiter avec son épouse et à « s’attacher » à elle, et devenir ensemble une seule chair. |
t473230 : 30/07/2017