ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisProméthée et Jésus : |
Conclusion théologique |
Sommaire Introduction Dieu, le Sauveur et la mort Le mythe d’Io et l’évangile de Marie Conclusion théologique - Le salut par la loi - Le Christ prime sur la loi - Le mythe, manifesta- tion de Dieu . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Paul et la primauté du Christ sur la loiÀ la primauté de la loi, Paul oppose la primauté et la souveraineté du Christ. L’Écriture ne dit pas que Dieu a confié ses promesses à Abraham et à ses descendants, à savoir le peuple, mais à « sa semence », c’est-à-dire au Christ. Dieu a promis à Abraham de réaliser son royaume et son salut dans son dernier fils, Jésus. Le temps qui s’écoule entre Abraham et le Christ est une période d’attente en même temps que d’absence de Dieu. Dieu est comme un père qui, devant s’absenter longtemps, a confié le soin de ses enfants à des « pédagogues ». C’est dans cette période qu’apparaît la loi, instrument temporaire, relatif, destiné à disparaître lorsque le père reviendra pour reprendre, en Christ, la maîtrise de la maison. Il en est de même de la circoncision, signe temporaire d’une alliance dont le sceau doit être, par l’Esprit, non dans la chair mais dans le cœur de l’homme. Le Christ est donc le premier, l’aîné de Dieu, l’héritier par excellence, mais aussi la raison de la filiation et de l’héritage. La circoncision et la loi disparaissent comme la nuit à l’arrivée du jour. Les païens accèdent à l’Évangile sans passer par la circoncision ni la loi : ils deviennent fils d’Abraham par la « semence » qu’est le Christ, et ils héritent les promesses par la foi, qui est la foi au Christ. Cette solution entraînait logiquement une objection qui ne devait pas échapper aux adversaires de Paul : comment les païens peuvent-ils accéder à l’Évangile s’ils n’ont pas été instruits par « le pédagogue », si, sans la loi et sans les Écritures, ils ne connaissent même pas Dieu ? Dans l’épître aux Galates, où Paul développe la logique de la loi-pédagogue, cette question ne pouvait pas, à notre avis, surgir dans l’esprit de l’apôtre car cette lettre n’était adressée qu’à des lecteurs d’origine juive. Ce problème, Paul l’a cependant posé dans l’épître aux Romains, dans laquelle il s’adressait non seulement à des juifs, mais aussi à des païens. L’occasion lui est offerte par l’universalité du jugement de Dieu, dont la colère atteint les juifs en même temps que les païens. Comment ceux-ci peuvent-ils être l’objet de ce jugement, s’ils n’ont pas reçu la révélation de Dieu et s’ils n’ont pas eu la loi ? Paul répond en reconnaissant chez les païens « une manifestation » de Dieu et une loi, qui les situent vis-à-vis du jugement de Dieu et de la grâce du Christ sur le même plan que les juifs. Dans les versets 18-19 du chapitre I, l’apôtre répond d’une façon générale à l’objection de ses adversaires, tout en les introduisant dans sa thèse. Si les païens ne peuvent être sauvés sans être circoncis, parce qu’ils ne connaissent ni Dieu ni la loi, ils ne peuvent pas non plus être condamnés, car toute condamnation suppose la connaissance de Dieu et de la loi. Si, par contre, ils sont justement condamnés au même titre que les juifs, c’est qu’ils ont cette connaissance préalable qui justifie le jugement de Dieu. Le Dieu qui les juge est celui-là même qui leur a fait connaître ce « connaissable » préalable à son jugement. Bien que la colère propre au jugement de Dieu soit révélée et le connaissable seulement manifesté, Dieu est toujours le même, sujet unique de cette double manifestation. L’universalité de la condamnation présuppose l’universalité du péché, et l’universalité du péché ne peut s’expliquer que par l’universalité de la connaissance de Dieu et de sa loi. C’est à cause de leur péché que les païens peuvent accéder à l’Évangile, et non en raison de leur circoncision, comme les juifs, car tous sont sauvés par grâce. De même que les juifs sont appelés à la réconciliation après leur échec à l’égard de leur loi, les païens sont élus après leur échec à l’égard de leur loi, contre laquelle ils ont péché. Deux lois, un seul sauveur, de même qu’un seul sauveur et un seul Dieu. Le verset 20 nous explique le déroulement de cette manifestation du « connaissable » de Dieu chez les païens. Si les juifs ont connu le « connaissable » de Dieu par les Écritures, comment les païens l’ont-ils connu ? « En effet, les choses invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa déité sont visibles depuis la création du monde, lorsqu’on les considère dans ses ouvrages » (Rm 1:20) On peut interpréter les paroles de l’apôtre en disant que Dieu a manifesté ses perfections invisibles et sa déité par sa création, au sens que l’homme parvient à les connaître à travers les œuvres de la nature. C’est le principe de la théologie naturelle qui, en raison de l’analogie de l’être, s’élève à la connaissance de Dieu par la connaissance de la nature. Cette interprétation n’est cependant pas conforme à la pensée de l’apôtre. Paul ne nous dit pas qu’on parvient à la connaissance des choses invisibles de Dieu par les œuvres de la nature, mais que ses perfections invisibles deviennent visibles lorsqu’on les considère par les œuvres de la création. Dans le processus propre à la théologie naturelle, l’intelligence de l’homme (en grec nous) a pour objet les œuvres de la nature, et c’est précisément la connaissance de ces œuvres qui lui fait connaître les perfections invisibles de Dieu, reflétées comme par un miroir. Chez Paul, par contre, le nous se porte directement aux choses invisibles, tout en regardant les œuvres de la création. Lorsqu’il contemple la nature, l’homme connaît déjà l’existence de Dieu, car il sait que la nature est œuvre de Dieu. La création est un poiôma de Dieu, en même temps qu’une manifestation. Effet de la poiêsis de Dieu, elle est aussi effet de sa parole. Il ne s’agit pas de trouver dans la nature une image où tout le monde peut reconnaître Dieu, mais un livre qui parle seulement à ceux qui croient en Dieu. Les choses invisibles de Dieu deviennent visibles en raison de la foi. La nature est seulement un instrument de cette connaissance, dont la foi est raison. La foi agit chez les païens de la même façon que chez les juifs, avec cette différence que ceux-ci lisent le connaissable de Dieu dans les Écritures, tandis que ceux-là le lisent dans la création. Loin de justifier la théologie naturelle, Paul la nie, car il considère que toute connaissance de Dieu est par la foi. Le verset 21 tire les conséquences par rapport au jugement. Si les païens n’avaient pas connu Dieu, ils seraient « irresponsables » en ce qui concerne leur péché. Du fait que Dieu s’est manifesté à eux, ils deviennent inexcusables et objets de la condamnation que Dieu a révélée en Christ. Les païens, non seulement connaissent Dieu, mais possèdent aussi la loi. « Quand les païens, qui n’ont point de loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont, eux qui n’ont point de loi, une loi pour eux-mêmes. Ils montrent que l’œuvre de leur loi est écrite dans leur cœur, leur conscience en rendant témoignage et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour » (Rm 2:14-15). Les deux versets sont connexes, car le premier vise à démontrer l’existence de la loi chez les païens, tandis que le second décrit la différenciation par rapport à la loi mosaïque. L’affirmation de l’apôtre est marquée par l’antithèse entre « ils n’ont point de loi » et « ils sont une loi ». C’est le signe que le mot « loi » exprime un contexte analogique. Car s’il était univoque, à savoir si ce mot désignait seulement la Thora, l’apôtre n’aurait pu affirmer que les païens ont une loi écrite dans leur cœur, du moment qu’il avait affirmé qu’ils n’avaient pas de loi. Si, par contre, le mot était équivoque, c’est-à-dire s’il signifiait deux concepts, la Thora et une loi naturelle, Paul aurait agi en sophiste, en ne donnant pas la même signification au mot « loi ». Mais l’analogie permet à l’apôtre d’avoir une notion théologique de la loi qui, tout en comprenant la Thora, ne s’épuise pas en elle. La loi étant la manifestation de la volonté de Dieu pour les hommes, la Thora est la loi de Dieu pour la raison qu’elle est la manifestation écrite de cette volonté, spécialement pour le peuple juif. Elle n’épuise pas toute la notion de loi, car la volonté de Dieu peut être manifestée pour les autres d’une façon différente. Le même sens analogique est donné par Paul à l’expression « œuvres de la loi », car ces « œuvres » sont les préceptes de la loi, à savoir « ce que prescrit la loi ». Bien que les prescriptions de la Thora soient « les œuvres de la loi », il n’empêche cependant pas que ces mêmes œuvres puissent être formulées dans une autre écriture, et connues par une autre promulgation de la volonté de Dieu. L’antithèse de l’apôtre devient alors compréhensible. Les païens « n’ont pas de loi », en ce sens qu’ils ne sont pas sujets aux obligations de la Thora, celle-ci étant une manifestation de la volonté de Dieu spécifique pour les juifs. Mais, bien que n’ayant pas la Thora, ils ont la loi, car Dieu la leur a manifestée d’une autre façon, par une écriture différente, propre à eux. Le signe que les païens ont la loi, c’est qu’ils « font naturellement ce que prescrit la loi ». N’ayant pas la Thora, ils observent les préceptes que la Thora ordonne. Il s’ensuit que cette loi que la Thora exprime – à savoir la volonté de Dieu pour l’homme – est en eux. Mais comment ? Quelle est la forme et l’écriture de cette manifestation de la loi de Dieu pour les païens ? Le mot « phusei » a toujours eu une valeur relative, en ce qu’il exprime une condition d’existence logiquement antérieure à une autre. Pour Platon, par exemple, la phusis est la raison idéale des choses, par opposition à leur existence matérielle, tandis que pour Aristote c’est le contraire, étant donné que l’individu précède l’universel, le concret l’abstrait. Chez les juristes romains, la « nature » – qui est la phusis grecque – désigne l’état des choses antérieur à l’ordre apporté par le droit. « Naturel », c’est tout ce que le droit présuppose : des institutions, des mœurs, des situations non encore réglées par la loi. Paul conserve au mot sa signification relative. Le païen dont il est question dans ce texte, c’est l’homme privé de la révélation mosaïque. Son état est « naturel » par rapport à cette révélation-là. C’est l’homme anomos, situé en-dehors de la postérité d’Abraham. Cet homme agit « naturellement », parce qu’il n’est pas soumis à l’alliance propre à la circoncision. Cela ne veut pas dire que son action soit naturelle, par opposition à la grâce et à la révélation de Dieu. C’est précisément le contraire, car en observant « naturellement » ce que prescrit la loi, il démontre qu’il possède la même loi que les juifs, bien qu’elle soit écrite et manifestée d’une façon différente. Comme la loi mosaïque a été manifestée par le fait qu’elle a été écrite sur les tables de l’alliance, la loi propre aux païens se manifeste en ce qu’elle a été écrite dans le « cœur de l’homme ». Les préceptes de la loi propre aux païens ne sont pas les fruits d’une élaboration juridique humaine ; ils ont été donnés à l’homme. La forme passive du verbe exprime que l’homme les a reçus. Ici, nous avons les tables, image d’une proclamation qui confère aux préceptes une valeur historique et sociale ; là, au contraire, nous trouvons le « cœur », à savoir le fond de l’âme humaine, où résident les sentiments et les désirs. La réalité de la loi est alors psychologique et intérieure. Une autre différence apparaît en ce qui concerne le moyen par lequel la loi est témoignée à l’homme. Le peuple a eu besoin que la loi proclamée par Moïse fût accompagnée des signes extérieurs de la présence de Dieu, tels que les éclairs, le tonnerre, les vents et le tremblement de terre. Dans le cœur de l’homme, par contre, la loi est témoignée par le suneidêsis, la conscience. L’apôtre emprunte le mot à la philosophie néo-platonicienne. Platon ne connaissait pas la suneidêsis, car il définit l’homme par le logos, qui s’inspire de l’objectif, de l’absolu, du monde idéal. Les néo-platoniciens, au contraire, avaient découvert cette dimension intérieure, sans renier pour autant le monde des idées. Mais, chez Paul, la suneidêsis prend une signification propre à l’Évangile, car elle n’est pas une aptitude ou un pouvoir de l’esprit, mais un « témoignage » (summarturêsas), une voix qui révèle à l’homme l’origine divine d’une écriture qu’il porte gravée dans son âme. Possédant les notions de Dieu et de la loi, les païens n’ont pas besoin de passer par l’institution mosaïque. Ils ont eu, eux aussi, le « pédagogue » qui les a guidés dans la période de l’attente. À l’égard du jugement de Dieu, juifs et païens sont situés sur le même plan. De même que la loi de Moïse n’a pu donner la justification, celle des païens n’a pu conférer le salut. L’une et l’autre ont eu pour tâche de donner à l’homme une connaissance de lui-même, en lui faisant découvrir à nouveau la limite de sa liberté et son insuffisance en vue du salut. Au lieu de le sauver, ces lois ont prononcé sur l’homme un jugement de condamnation et de mort. Leur rôle est terminé pour ceux qui sont dans la foi, car c’est au Christ de réaliser la délivrance. |
![]() ![]() ![]() ![]() t930200 : 09/02/2021 |