Sommaire
Avertissement au lecteur
Introduction
Le Christ et les Écritures
La foi en Jésus-Christ
Le Christ selon les apôtres
L’action des apôtres
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Dans leurs controverses, les apôtres accusent les juifs d’être les meurtriers du Christ. Les juifs contre-attaquent en accusant les apôtres de l’avoir trahi, mais ceux-ci rétorquent que le traître a été Judas, qui s’est rendu seul chez eux pour leur livrer Jésus la veille de la Pâque.
Dans leurs controverses, les juifs et les chrétiens se réfèrent toujours aux Écritures, pour fonder leurs affirmations et leurs argumentations sur le témoignage de la parole de Dieu. Nous constatons cependant que cette référence, loin de les réconcilier, les sépare par l’équivoque et la contradiction, comme il résulte des débats entre Pierre et le Sanhédrin, ou entre Étienne et les anciens qui, à la fin, le lapidèrent. L’aboutissement est le même dans la dispute de Paul et de ses congénères à Rome, lors de sa détention : « Lorsqu’il eut dit cela, les juifs s’en allèrent, discutant vivement entre eux » (Ac 28:25). Les Écritures étaient certes les mêmes, mais les critères de leur interprétation différents et antithétiques.
On constate que leur opposition est rhétorique et non dialectique, puisqu’elle se fonde sur des critères épistémologiques différents : les juifs sur l’évidence des faits, les apôtres sur l’interprétation des Écritures au sujet du Christ.
En effet, les juifs ont accusé et condamné Jésus parce qu’il a transgressé la Loi, en violant par exemple le sabbat, en mettant en doute son origine divine, enfin en occupant le temple pour arrêter les sacrifices et renverser ainsi l’ordre établi.
Les apôtres accusent les juifs d’être les meurtriers du Christ et Judas le traître, parce qu’ils croient que Jésus est le Christ. Mais comment le savent-ils ? Parce qu’ils ont trouvé en Jésus, surtout dans sa mort, les signes du Christ des Écritures.
Ainsi, pour les juifs, l’évidence des faits est un critère autonome de vérité, alors que pour les apôtres elle est conditionnée par l’interprétation des Écritures.
Plusieurs questions se posent à ce sujet. Dans quels passages des Écritures les apôtres ont-ils trouvé une image du Christ correspondant à Jésus au point de les obliger à affirmer qu’elle s’est accomplie en lui ? Pourquoi ont-ils été contraints de renier les faits de leur expérience pour les remplacer par ceux de la parole biblique ? Enfin si les juifs, en tuant Jésus, sont meurtriers du Christ et si Judas, en le livrant, lui est traître, doit-on conclure que les Écritures annoncent prophétiquement non seulement le Christ, mais aussi ces crimes ? Où les apôtres ont-ils trouvé ces prophéties ?
On notera tout d’abord le changement dans la lecture des Écritures, dont le sens ne vient plus d’une parole prophétique qui ouvre le chemin vers l’exaltation au-dessus des autres nations, mais l’avènement du fils de Dieu comme Christ et Seigneur. Les faits de l’histoire ne sont pas abolis pour autant, mais ils n’ont que la valeur de signes de l’avènement du Christ.
Il s’ensuit que, ne recevant de sens que dans le Christ, l’histoire cesse par sa venue, comme la nuit se dissout au point de l’aube et celle-ci à l’éclat du jour. L’histoire du peuple juif ne peut être comprise que comme parabole de la vie et de l’œuvre du Christ, tout devient figure et symbole. La Loi n’est plus qu’une propédeutique à la parole de Jésus-Christ, la culture qu’une image du sacrifice du Christ, de même que les personnages sont ses figures prophétiques et leurs actions des paraboles initiatiques. Quant au Serviteur de l’Éternel, il n’est que la figure du Christ qui se livre au jugement comme un pécheur, pour racheter les hommes du péché et de la mort.
Pierre et les apôtres annoncèrent l’évangile de la résurrection dans cette perspective. Mais si beaucoup de juifs le comprirent car ils avaient été, comme eux, attirés par l’attente du Christ fils de Dieu, d’autres, en plus grand nombre, vivaient dans la foi du Christ de la tradition juive.
Les sadducéens, responsables à la fois du pouvoir politique et sacerdotal, ne pouvaient reconnaître dans cette nouvelle croyance que la négation de la Loi, des prophéties, de la tradition et du culte, donc de Dieu lui-même. D’ailleurs ils avaient traduit Jésus en jugement pour avoir remis en question l’élection des fils d’Abraham, l’origine divine de la Loi, la tradition et le sacrifice du culte. Le fait même de faire appel à un fils de Dieu, de la même nature que lui, était un blasphème qui ne pouvait être considéré que comme une abomination : Dieu n’a pas d’autre enfant que le peuple qu’il a élu, il n’y a pas d’autre réalité qui puisse correspondre au sacrifice des animaux que celle des souffrances du peuple dont les victimes du sacrifice ne sont que le symbole. Dieu est celui qui reçoit en sacrifice la vie des hommes, et non la victime du sacrifice. Sacrificateurs et anciens, pharisiens et scribes, ne pouvaient donc que maudire et chercher à faire disparaître cette nouvelle superstition s’ils voulaient sauver le culte, la Loi, les prophéties, et la tradition du peuple.
Quant aux apôtres, ils furent étonnés de cette réaction, et ils ne purent la comprendre que comme un péché contre le Saint Esprit. En effet, ils savaient que le Christ de la foi ne pouvait être trouvé dans les Écritures que par une illumination de ce même Esprit qui les avait inspirés. Le péché des juifs reposait sur le fait qu’ils étaient restés au niveau de la lettre, sans pouvoir pénétrer le sens selon l’Esprit. C’est qu’ils n’étaient pas liés par la parole de Dieu mais l’utilisaient en fonction du pouvoir et de l’argent : comme leurs pères, ils avaient reconnu comme Christ le veau d’or. D’où la condamnation prononcée par Étienne à leur encontre comme traîtres au Christ, qu’ils avaient livré à ses ennemis et meurtriers.
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