ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les récits de la naissance de Jésus





Genèse et méthode d’approche
des récits :

la généalogie de Jésus et son enjeu théologique


Sommaire

GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
La généalogie de Jésus
- Introduction
- Prédication apostolique
- Recherche du signe
- Perspective historique
- Attente de reconnaissance

LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU

LECTURE DU RÉCIT DE LUC

CONCLUSION



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

L’ouverture de l’Église à une perspective historique



   L’Église en sortit complètement changée. Sans rompre avec l’eschatologie, qui resta sa visée constante, elle se trouva aussi ouverte vers une perspective historique dont elle ne pouvait pas encore mesurer l’ampleur. Sans doute demeura-t-elle fidèle à la croyance que le Christ apparaîtrait à toutes les nations afin de renouveler l’univers par la résurrection des morts, mais au lieu de concevoir ce bouleversement comme se passant en un seul « instant », le dernier, elle l’étala, pour ainsi dire, tout au long de l’histoire que la présence du Christ agitait et dominait.
   L’apparition finale du Christ (apocalypse) ainsi que la résurrection étaient à l’aboutissement d’un processus historique, dont le Christ et l’Église étaient les principaux acteurs. Celle-ci ne devait plus rester passive et insoucieuse des conditions actuelles d’existence, mais au contraire elle devait œuvrer pour s’édifier à l’image du Christ. Puisque le Christ était déjà dans le monde, il fallait que les hommes le reçoivent, s’unissent autour de lui afin de constituer « son corps ». Cette image, quoique propre à l’auteur de l’épître aux Éphésiens, exprimait l’orientation nouvelle de la vie et de la perspective de l’Église. Il ne fallait plus se résigner à subir le conditionnement de l’histoire, la sachant déjà condamnée par le jugement, mais au contraire chercher à la modifier dans le sens de son renouvellement par le Christ.
   Le Christ, donc, n’avait pas voulu rester caché dans le ciel, obéissant encore au Père pour accomplir le mystère de sa « patience » envers les hommes, mais il devenait un fils impatient, je veux dire agissant, puisque le temps du renouvellement du monde s’était accompli dès sa résurrection d’entre les morts. Il était venu dans le monde – son règne – comme tout roi à la suite de sa nomination, mais pour qu’il puisse définitivement établir son règne, il fallait que toutes les puissances qui détenaient encore le pouvoir soient vaincues.

   S’il est vrai qu’au début l’Église était apparue comme une congrégation eschatologique juive ou une secte des mystères païens, maintenant elle ressemblait plutôt à une synagogue, dans la mesure où elle se considérait comme étant l’héritière du messianisme juif. Tout se passait comme si Dieu – le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob – avait cédé au Christ son pouvoir sur son peuple, avec la différence que ce peuple était maintenant devenu « une multitude de peuples » à la dimension de la terre. Dieu entrait ainsi dans son repos – son sabbat – laissant au fils la tâche de gouverner le monde. Le Christ devenait donc aussi historique que le fut Dieu dans le peuple juif. De plus, il était un Dieu qui prétendait à la domination du monde entier, à l’encontre des autres dieux et au-dessus de tout autre pouvoir, aussi bien politique que religieux.
   À partir de ce moment-là, l’Église devint créatrice d’une nouvelle culture et en pris conscience. Ses relations avec les autres religions et l’empire étaient changées, de même qu’elles changeaient avec le judaïsme. Ni attente passive du Christ, ni coexistence, mais situation de lutte pour le renversement de toutes les instances des valeurs. Du moment que le Christ était présent dans le monde pour renverser toutes ses structures, l’Église ne pouvait envisager qu’une situation de persécution.

   Les généalogies de Jésus trouvent leurs motivations les plus profondes dans ce contexte culturel. Puisque le Christ avait un pouvoir (exouxia) qui, quoique spirituel, s’exerçait comme une véritable domination d’empire sur tous les hommes et sur toute nation, il s’ensuivait qu’il devait posséder tous les titres qui pouvaient accréditer son autorité. Or, selon la praxis de prise de pouvoir des temps anciens, ces titres étaient contenus dans la généalogie qui, d’une part, faisait remonter le prétendant à Dieu lui-même, et d’autre part l’inscrivait dans l’héritage légitime d’une génération royale ainsi que dans la tradition historique du peuple.
   Mais, en tout premier lieu, la généalogie était nécessaire moins pour les païens que pour les juifs, face auxquels l’Église devait prouver que Jésus, ayant hérité la royauté messianique, agissait désormais en seigneur. Jésus apparaissait ainsi inscrit dans la lignée davidique qui le rattachait à Dieu et aux promesses messianiques, la généalogie montrait qu’il était, par son origine, ce roi où l’histoire du peuple s’était accomplie.



1982




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tj11300 : 27/11/2018