ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



Sous le Christ, Jésus :

Le portrait de Jésus sous la fresque de Marc






Présentation du troisième volume :
La crise galiléenne



   Dans le troisième volume, j’examinerai cet échec de Jésus, notamment à travers le récit de la multiplication des pains.

   J’ai réalisé une première étude de ce passage, quand j’ai commencé à jeter les bases de mon analyse référentielle de l’évangile de Marc. C’est en effet d’abord le récit de la multiplication des pains qui a retenu mon attention, et c’est en l’étudiant que j’ai fait pour la première fois l’hypothèse que le texte de Marc était constitué de deux couches d’écriture hétérogènes : d’une part, la bénédiction et le partage du pain (le prodige), d’autre part, le contexte biographique dans lequel ceux-ci s’inscrivent. En effet, le même prodige se retrouve ailleurs dans les évangiles, placé dans d’autres contextes, ou même sans aucun contexte ; et la structure qui le sous-tend n’y est pas la même que chez Marc. De plus, le récit de Marc comporte des hiatus et des incohérences dans l’articulation du sens, bref des apories.

   J’ai donc procédé à des analyses séparées, en mettant alternativement des péricopes entre parenthèses. J’exposerai ici quelques-uns des résultats auxquels cette analyse m’a conduit. Cependant, je serai peut-être amené à les modifier plus ou moins profondément, quand je rédigerai le troisième volume, en fonction des résultats obtenus dans les volumes précédents.



Première partie : la mise entre parenthèses du contexte biographique et l’analyse du miracle.


   L’action opérée, selon le texte, sur les pains et les poissons (bénir, rompre, donner), est celle-là même que l’église célébrait dans la liturgie eucharistique. Et l’aboutissement de l’action (la multiplication des pains et le rassasiement de la foule) correspond aussi au symbole de cette liturgie. En effet, l’église n’y voyait pas seulement le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, mais aussi l’accomplissement de son action prodigieuse dans la communauté des croyants : par lui, ceux-ci étaient réunis dans une communauté fraternelle, qui suffisait aux besoins de chacun, et se développait dans le but de couvrir l’univers habité ; chose surprenante, le nombre des pains – cinq mille – marque, dans les Actes, l’aboutissement de la croyance symbolique des fidèles sous l’action de l’Esprit du Christ (et c’est aussi celui des premiers disciples, « multiplié » par mille). L’efficacité du partage du pain, parvenant à rassasier une grande foule, permet donc d’inscrire celui-ci dans la doctrine paulinienne du « surplus », de la thésaurisation. Dans ce symbole, l’action miraculeuse du Christ et la stratégie sociale de l’Église coïncident.

   Le récit n’est donc que la projection, sur la personne de Jésus, du miracle opéré dans l’église par le Christ. Au niveau littéraire, cette anticipation se réalise par l’emprunt structural fait au récit de multiplication des pains dans le cycle d’Élisée, sur la base du modèle topique des récits miraculeux. Jésus agit en tant qu’image accomplie de ces hommes de Dieu que furent Moïse, David, Élie et Élisée. Mais il serait vain de chercher ce miracle dans la biographie de Jésus, car il est celui du Christ de la gloire. Le Jésus du récit n’est qu’une représentation, une ombre, dont la réalité est d’une part l’Écriture, et d’autre part le Christ de la foi. Quant à Jésus, il demeure dans le non-dit du texte.



Deuxième partie : la mise entre parenthèses du miracle et l’analyse du contenu biographique.


   Détaché du miracle, le contexte apparaît comme un épisode mutilé, déstructuré, à l’état de débris. Toutefois, ces derniers se présentent à nous comme des ruines antiques, dont la forme et la situation de base permettent de tenter une reconstitution de l’édifice originel. Évidemment, cette reconstitution ne peut se faire qu’au travers d’hypothèses d’approche. Or, au cours de cette approche, les bribes du récit trouvent une cohérence dans l’intrigue suivante :
   À la fin d’un rassemblement autour de Jésus, la foule, invitée par les disciples à s’en retourner, refuse : elle exige que ceux-ci lui donnent à manger. Pressentant le déclenchement d’une émeute, Jésus décide de la renvoyer lui-même, mais, n’étant pas sûr que son autorité suffise, il oblige les disciples à s’éloigner, leur ordonnant de l’attendre aux environs de Bethsaïda. Jésus s’approche alors de la foule, et cherche à la convaincre de s’en aller, mais en vain. À l’instigation des pharisiens, mais aussi parce qu’éclate une tension dont il est possible par ailleurs de retrouver les causes, elle s’obstine dans son refus. De plus, se trouvant dans un lieu désert, et Jésus ne pouvant la rassasier, elle exige que, comme Moïse, et pour prouver son prophétisme, il fasse tomber le pain du ciel. Jésus est soumis à la terrible épreuve du jugement de Dieu. Lucide, il cherche à échapper, par la ruse, au piège tendu et à la violence.
   Profitant du délai qui lui est accordé pour prier, il parvient à s’éclipser et, par la suite, à rejoindre les disciples à l’endroit convenu. Il se trouve cependant en porte-à-faux vis-à-vis de ceux-ci, et de ce qu’ils attendaient de lui. Poursuivi par la police religieuse et par le peuple, conscient du danger et saisi par la peur, Jésus, au lieu de rentrer à Capharnaüm, passe par les marais et quitte la Galilée pour les pays non-juifs environnants. C’est la crise et le com­mence­ment de la fin.

   Cette intrigue permet de résoudre les différents problèmes au seuil desquels la critique historique ne fait que marquer le pas : la décision de Jésus de renvoyer lui-même la foule, la contrainte subie par les disciples, la raison du rendez-vous, la détresse des disciples lors de leur départ, leur incompréhension dans l’affaire des pains, etc. Reconstruite grâce à des hypothèses, cette intrigue trouve sa vérification dans les récits parallèles de Matthieu et Jean, le premier n’ayant qu’une fonction de censure vis-à-vis de Marc, et le second en étant une reprise dans le cadre d’une sublimation allégorique.



Troisième partie : Jésus face au défi des pharisiens


   Pourquoi ce défi des pharisiens, et quel fut son impact dans la vie de Jésus ? Poursuivi par une enquête policière, chassé souvent des synagogues, encerclé par une foule qui ne demandait que du pain et des guérisons, Jésus se trouvait dans une solitude tragique. Les pharisiens parvinrent à saisir ce point de rupture, et ne firent que transformer le besoin des pauvres en instrument d’une justice détournée. Jésus fut pris au piège de sa mission prophétique, victime du jugement de Dieu exigé par le peuple.

   Devant l’alternative de mourir lapidé ou de se sauver par la ruse, Jésus choisit ce dernier parti. Mais il ne put échapper au mépris populaire, pas plus qu’au scandale de ses disciples. Plusieurs d’entre eux l’abandonnèrent, et probablement se posèrent plus tard en témoins à charge dans le procès que les scribes avaient de longue date préparé contre lui (j’estime que la plupart des éléments de l’accusation juive s’appuyèrent sur ces témoignages). Jésus ne reviendra en Galilée que pour la traverser, dans son voyage vers Jérusalem, où il cherchera à relever le défi des pharisiens.




 
   Voir le texte intégral de La crise galiléenne.

   Voir aussi, sur la multiplication des pains :
   - une version romancée, écrite en 2002 ;
   - une analyse réalisée en 2007.
 







Retour à l’accueil En Galilée Haut de page Volumes 4 à 6

t240130 : 21/08/2019