ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  QUATRIÈME :

L’apparition  du  ressuscité
aux  disciples  en  quête  de  la  résurrection


La maison de Thomas :
Comme au deuxième acte.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3

Du tombeau vide à l’holocauste

Les Écritures et le Christ

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE DEUX


(Les mêmes)




(Un fantôme passe la porte de l’appartement, avançant à un rythme soutenu vers le jardin. Il ne peut être vu des frères que de profil. Un drap le couvre de la tête aux pieds, le pan gauche replié sur sa poitrine, le droit entourant sa tête et ses épaules. Le bord du drap cache son visage comme un voile).


MARIA

(Se levant et regardant fixement le fantôme de la tête aux pieds).

– Mon
Dieu ! (Elle s’affaisse, en larmes).


PIERRE, JACQUES et JEAN

(
Ils se tournent vers le fantôme et reconnaissent en lui, bouleversés, le Ressuscité. S’élançant vers lui, ils se prosternent).

Jésus, Jésus !


THOMAS

(Serrant
Maria contre lui).

– Tu souffres plus qu’au moment de sa mort, Ma­ria ! C’est une terrible épreuve pour ta foi !

(Pour toute réponse, Maria sanglote. Thomas de­meu­re à ses côtés, en silence, les yeux fixés sur l’apparition).


PIERRE

(À genoux, contemplant la robe du ressuscité).

– Il est tâché du sang de ses blessures... C’est le sindon que
Jésus nous rapporte.


Le Ressuscité

– La paix soit avec vous !


JACQUES

(Bouleversé).

– Il n’a pas la voix d’un homme.


PIERRE

– Il est esprit, mais pas encore ressuscité... C’est naturel,
Jacques. Sa voix est celle d’un ange, ni mâ­le ni femelle.


Le Ressuscité

– Pourquoi êtes-vous troublés et le doute agite-t-il votre cœur ? (Montrant ses mains et ses pieds). Voyez mes mains et mes pieds : ce sont bien les miens...

(Les trois apôtres s’approchent pour embrasser ses pieds).


PIERRE

– Mais ce sont les pieds...


JEAN

– ... d’un
ange, Pierre !


JACQUES

(Pensif).

– Non, ce sont ceux d’une femme.


Le Ressuscité

(Se découvrant).

– Ce sont bien ceux d’une femme ! C’est moi,
Salomé ! et je vous rapporte le sindon... M’offri­riez-vous quelque chose à manger ?


Tous

(Ébahis et hors d’eux–mêmes).

– C’est bien
Salomé ! Évidemment, c’est Salomé !


SALOMÉ

– C’est bien moi,
Salomé... Et non Jésus.


PIERRE

(S’avançant vers
elle, les mains tendues).

– Comment
as-tu osé te déguiser en Jésus ressus­cité ? Amoureuse au service de Jésus, à quelle dé­pravation de l’esprit es-tu parvenue pour ravaler l’événement de la résurrection à une telle comédie ?


SALOMÉ

– De quoi parles-tu ? Quel événement de la résur­rection ?


PIERRE

Tu oses le demander ? N’as-tu pas été, avec Maria, le témoin de la résurrection ? N’as-tu pas cru, devant le tombeau vide, que Jésus était ressus­cité ?


SALOMÉ

– J’ai vu le tombeau vide, et j’ai compris tout na­tu­rellement qu’il s’agissait d’un vol. C’est pourquoi, je suis aussitôt retournée en ville l’annoncer à
Jo­seph, afin qu’il porte plainte auprès des autorités de la Loi... Mais je n’ai vu Jésus ni mort, ni ressuscité. Par contre, j’ai constaté que son corps n’était plus là.


JEAN

(
Pierre reste stupéfait).

– Certes ! Mais, comme nous aussi, tu as découvert les signes qu’il était ressuscité et tu peux, toi aussi, en témoigner.


SALOMÉ

– Non ! Je n’ai vu aucun signe, hormis les traces du vol. Par contre, j’ai entendu parler de ces signes, accompagnés de l’histoire que les voleurs se sont affrontés à l’âme de
Jésus, venue reprendre son corps dans sa tombe !
   En écoutant vos interprétations, j’ai compris que, pour certains frères, Jésus était parvenu à se res­saisir de son corps avant l’arrivée des voleurs. Pour d’autres, au contraire, les voleurs l’auraient précédé et se seraient emparés de son corps, laissant Jésus rôder autour du tombeau. Mais cela n’a rien à voir avec l’événement de la résurrection. Il s’agissait seulement de la représentation que vous avez imagi­née de l’action de Jésus, à partir des signes décou­verts : le vol du corps de Jésus a été déguisé en scène de résurrection !


PIERRE

– Comment
oses-tu nous accuser de la sorte ? Se­rions-nous des comédiens ? Ne te souviens-tu pas des signes sur lesquels notre foi en la résurrection est fondée ?


SALOMÉ

– Que sont ces signes, sinon des traces ambiguës de la disparition du corps de
Jésus ? Ils peuvent sug­gérer la résurrection de Jésus, par le biais du vol de son cadavre...

(Pierre la regarde avec stupéfaction).

   Pour comprendre vos paroles, on ne doit pas se référer à une résurrection du corps de Jésus, mais à son détournement.


JACQUES

– Femme, toute cette histoire est le fait de ton ima­gination !
Tu as construit une farce que tu nous as jouée astucieusement et avec délices ! Tu t’es pro­curée un drap de lin que tu as badigeonné de tâches rouges, que tu as ensuite jeté sur tes épaules com­me le voile d’un fantôme. Toute cette mascarade pour te faire passer pour Jésus ressuscité ! Abomi­nation qui t’éloigne de Dieu et te rend indigne de l’amitié des hommes ! Tu as ridiculisé Jésus, l’au­teur de no­tre salut ! (Il jette sur elle un regard mé­prisant). Tu mériterais la lapidation, comédienne ! Mais tu ne resteras pas impunie. Va-t’en, si tu veux te sauver !


SALOMÉ

– Si j’étais celle dont tu parles, je jouerais dans la rue le rôle d’un ressuscité, pour affoler le peuple. Excité par ce scandale, je le mènerais jusqu’à vous afin qu’il vous lapide !


PIERRE

(Voyant que, à son tour,
Jacques est consterné et muet).

Salomé, te rends-tu compte de ce que tu dis ? Et de celui, à qui tu t’adresses de la sorte ?


SALOMÉ

(Sans tenir compte des paroles de
Pierre).

– Ces gens ne se laisseront pas émouvoir : ils vous lapideront sur le champ.


JACQUES

(Se couvrant le visage de ses mains).

– Abomination ! Abomination !

(Stupeur et crainte chez les frères, qui demeurent paralysés. Silence mortel dans la pièce, interrom­pu par des balbutiements confus et par les sanglots de Maria).


SALOMÉ

(Se tournant vers
Jacques, avec une voix attendrie et sans accents de colère).

– Moi, comme vous, nous sommes menacés de la­pidation ! Alors, nous sommes quittes ! Jacques, je pense à Jésus, pas à celui de vos rêves, vagabon­dant dépouillé de ses vêtements autour du tombeau, comme un spectre, mais à ce simple manant, ton frère Jésus. (Jacques sursaute et la regarde avec curiosité, sans agressivité). S’il était là (et peut-être, est-il là), il vous aurait empêché de me lapider sans un procès préalable devant un juge qui aurait entendu votre accusation et devant qui j’aurais pu me disculper du crime dont vous me chargez.


PIERRE

– Voilà un conseil d’une grande sagesse,
Salomé...


JACQUES

– Je crois, en effet, que le
Seigneur mon frère nous aurait conseillé ce jugement.


THOMAS

– Qu’attendons-nous pour le rendre ? Allez dans le jardin ramasser les pierres du jugement !


JACQUES

Toi aussi, tu espères devenir ce juge !


THOMAS

– Vous me situez aux côtés de
l’accusée ? Eh bien, oui ! je me reconnais plus coupable qu’elle ! (Il court vers elle, les bras tendus). J’attendais cette occasion, Salomé, pour me lier à toi d’un amour que la mort ne pourra pas briser.

(Ils s’embrassent. Main dans la main, ils se rap­prochent de la rampe).

Le jour où tu es venue m’annoncer que le corps de Jésus avait été dérobé, nous nous sommes, aussitôt, accordés pour déposer plainte pour vol. La mort de Jésus nous est apparue comme un événement mys­térieux. Mort, qui l’a ôté des vivants ! Mort, de la communion avec les morts ! Mais pourquoi ? Cette lancinante interrogation nous a unis jusqu’à ce jour... Ils t’accusent d’outrage envers Jésus, eux qui espèrent en la résurrection, peut-être, pour fuir la honte de leur lâcheté devant sa mort ! Mais tu n’es plus seule, maintenant !


PIERRE

(S’approchant
d’eux et s’adressant à Thomas).

– Pouvons-nous, nous qui accusons cette femme d’avoir outragé notre Seigneur, devenir les témoins de son mariage ?


THOMAS

Pierre, vous êtes à la fois ses accusateurs et ses témoins ! Et plus encore ses témoins après l’avoir jugée (Se tournant vers tous). Ne vous imaginez pas que nous vous annonçons notre mariage pour que vous leviez votre accusation contre elle ! Où est la pierre du jugement ? Pourriez-vous la lapider sans la pierre mortelle ?


JACQUES

– C’est vrai ! Et la pierre ?


THOMAS

– Va dans mon jardin. Il y a là des pierres rouges autour des parterres de fleurs ! Elles te feront pen­ser au sang !


JEAN

– Et le juge ? Parmi nous, quelqu’un peut-il jouer le rôle du juge ?




Écrit en 2005




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