JACQUES
(Se couvrant le visage de ses mains).
– Abomination ! Abomination !
(Stupeur et crainte chez les frères, qui demeurent paralysés. Silence mortel dans la pièce, interrompu par des balbutiements confus et par les sanglots de Maria).
SALOMÉ
(Se tournant vers Jacques, avec une voix attendrie et sans accents de colère).
– Moi, comme vous, nous sommes menacés de lapidation ! Alors, nous sommes quittes ! Jacques, je pense à Jésus, pas à celui de vos rêves, vagabondant dépouillé de ses vêtements autour du tombeau, comme un spectre, mais à ce simple manant, ton frère Jésus. (Jacques sursaute et la regarde avec curiosité, sans agressivité). S’il était là (et peut-être, est-il là), il vous aurait empêché de me lapider sans un procès préalable devant un juge qui aurait entendu votre accusation et devant qui j’aurais pu me disculper du crime dont vous me chargez.
PIERRE
– Voilà un conseil d’une grande sagesse, Salomé...
JACQUES
– Je crois, en effet, que le Seigneur mon frère nous aurait conseillé ce jugement.
THOMAS
– Qu’attendons-nous pour le rendre ? Allez dans le jardin ramasser les pierres du jugement !
JACQUES
– Toi aussi, tu espères devenir ce juge !
THOMAS
– Vous me situez aux côtés de l’accusée ? Eh bien, oui ! je me reconnais plus coupable qu’elle ! (Il court vers elle, les bras tendus). J’attendais cette occasion, Salomé, pour me lier à toi d’un amour que la mort ne pourra pas briser.
(Ils s’embrassent. Main dans la main, ils se rapprochent de la rampe).
Le jour où tu es venue m’annoncer que le corps de Jésus avait été dérobé, nous nous sommes, aussitôt, accordés pour déposer plainte pour vol. La mort de Jésus nous est apparue comme un événement mystérieux. Mort, qui l’a ôté des vivants ! Mort, de la communion avec les morts ! Mais pourquoi ? Cette lancinante interrogation nous a unis jusqu’à ce jour... Ils t’accusent d’outrage envers Jésus, eux qui espèrent en la résurrection, peut-être, pour fuir la honte de leur lâcheté devant sa mort ! Mais tu n’es plus seule, maintenant !
PIERRE
(S’approchant d’eux et s’adressant à Thomas).
– Pouvons-nous, nous qui accusons cette femme d’avoir outragé notre Seigneur, devenir les témoins de son mariage ?
THOMAS
– Pierre, vous êtes à la fois ses accusateurs et ses témoins ! Et plus encore ses témoins après l’avoir jugée (Se tournant vers tous). Ne vous imaginez pas que nous vous annonçons notre mariage pour que vous leviez votre accusation contre elle ! Où est la pierre du jugement ? Pourriez-vous la lapider sans la pierre mortelle ?
JACQUES
– C’est vrai ! Et la pierre ?
THOMAS
– Va dans mon jardin. Il y a là des pierres rouges autour des parterres de fleurs ! Elles te feront penser au sang !
JEAN
– Et le juge ? Parmi nous, quelqu’un peut-il jouer le rôle du juge ?