ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  CINQUIÈME :

Du  tombeau  vide  à  l’holocauste


La même salle.

Une longue table rectangulaire, autour de laquelle sont assis Nicodème et Salomé, l’un en face de l’autre. Devant le plus long côté de la table, face aux spectateurs, est assise Maria, à l’angle gauche, près de Salomé ; Pierre et Jacques, au centre ; à l’extrémité droite, près de Nicodème, Thomas.
Sur la table, une pierre. À côté du juge, accroché à une colonne, le sindon.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3
- Scène 4

Les Écritures et le Christ

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE UNE


(Les mêmes)




NICODÈME

(S’adressant à Salomé).

– Tu as été accusée, Salomé, d’avoir souillé l’image de Jésus, en utilisant malhonnêtement son sindon, l’endossant pour te déguiser en Jésus ressuscité. Tu t’es moquée de lui, de la résurrection et de tes frères. Or, la découverte que ce drap, dans lequel tu t’es enveloppée, est le véritable sindon de Jésus, a semé le trouble et a renforcé l’accusation contre toi. Je me vois contraint de t’interroger en tant qu’ac­cusée, alors que tu n’étais jusqu’à présent qu’un témoin. Je pense que tes réponses nous conduiront à croire que tu n’as pas cherché à ridiculiser la résurrection, mais à suggérer qu’il ne s’agissait que de l’apparition d’un fantôme.


JACQUES

– Frère, ton intervention nous surprend, car ton arbitrage contredit notre accusation.


NICODÈME

– N’oubliez pas qu’il est de ma responsabilité de juge d’estimer si l’accusation a détourné les faits pour lesquels l’accusée est poursuivie... Réfléchis­sez ! La solution au problème de la résurrection, telle que nous l’avons envisagée, tenait à l’inter­prétation donnée à l’absence du sindon dans le tombeau. Pour Thomas, elle était la preuve certaine que le corps de Jésus avait été dérobé, et pour Pierre, qu’il était ressuscité. Chacun espérait que son hypothèse se verrait confirmée par la décou­verte éventuelle du sindon, soit venant des voleurs, soit de Jésus lui-même.


THOMAS

– Or, puisque nous avons sous nos yeux le sindon et la personne à qui il a été rapporté, il nous suffira, pour savoir, de l’interroger afin qu’elle nous dise de qui elle l’a reçu : de Jésus, ou des voleurs... Nous pouvons être assurés que ses réponses ne seront pas entachées de mensonge, puisqu’elle parlera en sa double qualité d’inculpée et de témoin.


NICODÈME

– C’est pourquoi, en tant que juge et arbitre de notre enquête, je t’interroge, Salomé : comment es-tu parvenue en possession du sindon ?


SALOMÉ

– De façon tout à fait fortuite. J’étais à la maison, quand un haut personnage, un pharisien, je crois, a frappé à ma porte pour me donner un paquet, et m’a dit : « Ceci vous appartient, Madame ! J’ai été chargé de vous le rendre. Au revoir ».


NICODÈME

– Est-ce tout ?


SALOMÉ

– C’est tout ! À ce moment-là, j’ignorais encore ce que contenait ce paquet. En le tâtant, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un tissu replié. Ma curiosité était vive ! J’ai un moment hésité à l’ou­vrir... À la fin, j’ai déchiré le paquet : mes mains tenaient un large tissu de lin blanc, taché de sang. Nul doute ! Il s’agissait bien du sindon de Jésus. Aussitôt descendu de la croix, le corps de Jésus avait été déposé dans un linceul pour être enseveli dans le tombeau de Joseph. De loin, aux côtés de Maria, j’avais assisté à la cérémonie. (Les regards des deux femmes se croisent).


NICODÈME

– Avais-tu la certitude que ce drap était le véritable sindon ?


SALOMÉ

– J’en étais sure. Toutefois un doute me tenaillait : qui était ce mystérieux expéditeur ? Sans doute, un messager des voleurs ! Je compris que le corps de Jésus avait été retiré du tombeau par des sectaires qui jugeaient intolérable que Jésus ait été compté parmi les justes, alors qu’il avait été reconnu com­me un homme maudit. Naturellement, ils ont aussi emporté le sindon, qui leur a servi au transport du corps. En le restituant à présent, ils ne pouvaient avoir d’autre intention que d’apporter la preuve que Jésus n’était pas ressuscité.


PIERRE

– Mais alors, pourquoi te l’ont-ils donné à toi, et non pas à moi ou à Jacques, par exemple ?


SALOMÉ

– Je me le suis demandé. Peut-être savaient-ils qu’aussitôt découvert que le tombeau était vide, j’avais entrepris les démarches pour déposer plainte.


THOMAS

– En restituant le sindon pour dénier tout fonde­ment à la foi en la résurrection, ils ont choisi quel­qu’un qui, dès le début, était convaincu que l’ab­sence du corps de Jésus dans le tombeau n’était pas le signe de sa résurrection, mais provenait d’un vol ; c’est pourquoi il aurait conservé chez lui le sindon et ne l’aurait pas détruit.


JACQUES

– Si je me fie à mon intuition, j’en arrive à me convaincre qu’elle était de connivence avec les vo­leurs pour faire barrage à la foi en la résurrection.


NICODÈME

– Non, Jacques, le contexte exclut cette supposi­tion ! Par contre, il faut poser une question à Salo­mé (Se tournant vers elle) : pourquoi n’as-tu pas rapporté aussitôt le sindon à tes frères ?


SALOMÉ

– Étant ainsi assurée qu’un vol (et non la résur­rection de Jésus) expliquait que le tombeau ait été vide, j’ai éprouvé le sentiment que le sindon était devenu le symbole de la mort de Jésus... J’ai alors compris que, non seulement Jésus avait été ôté du monde des vivants, mais aussi de celui de morts. En effet, il n’avait pas été enlevé du tombeau pour être enseveli en un autre lieu, mais pour être jeté comme un être de rien dans une fosse commune. À leurs yeux, non seulement Jésus était impur, mais la souillure de son être était telle qu’il devait être retiré de l’humanité.
   Cette conviction m’a tellement secouée, que je n’ai pu retenir mes larmes. Un mort, auquel on avait contesté la réalité d’homme pour en faire de la chair destinée à la corruption ! Alors, dans ma dou­leur, j’ai jeté le sindon sur mes épaules et je l’ai serré fortement contre ma peau pour qu’il s’identifie à elle... Et j’ai eu l’impression que Jésus habitait mon corps !


MARIA

– Ton expérience est analogue à celle que j’ai con­nue au moment où tu m’as quittée pour demander aux frères de porter plainte pour vol et où, moi aussi, j’ai découvert que le tombeau était vide... Je tournais en rond, espérant retrouver le corps de Jésus dans quelque endroit du jardin. C’est alors que j’ai aperçu un homme errant parmi les vivants et les morts, venant du tombeau et porté par un élan qui l’entraînait vers la vie...


SALOMÉ

– ... Oui... en passant par toi !


MARIA

– Grâce à toi, je comprends mieux le mystère de cette apparition, qui me réjouit et me trouble à la fois !


NICODÈME

– Je respecte votre expérience, mais mon rôle m’oblige, Salomé, à te rappeler que tu dois achever ton histoire.


SALOMÉ

– Oui, revenons à ce que je racontais. J’avais con­science que je devais vous rapporter le sindon, mais je savais que vous étiez en conflit à propos de la résurrection. Alors, je me suis décidée à venir vers vous avec le sindon que je vous cacherais tant que je ne verrais pas clair sur vos projets et vos diver­gences.
   Vos discours me mettaient mal à l’aise. Je com­prenais bien que le sindon était la cause de vos hésitations, et j’ai eu peur, en vous le donnant, de susciter le désarroi, l’incompréhension, et une forte opposition à mon égard ; surtout lorsque Pierre fut convaincu qu’il avait été emporté par Jésus et non par les voleurs. Reconnaître à ce moment-là que je le possédais et qu’il m’avait été donnée par les voleurs, et non par Jésus, aurait suscité, chez Pierre et Jacques, une réaction si violente que je n’aurais pas pu la supporter. J’ai préféré partir.


JACQUES

– Pour retourner chez toi et te préparer à ce déguisement honteux, afin de te gausser d’être prise pour Jésus lui-même... Quelle folie !


SALOMÉ

– Pardon Jacques, je n’ai pas pris le déguisement du ressuscité, mais celui du spectre en qui vous avez cru reconnaître Jésus.


JACQUES

– Perverse en plus ! Tu nous tournes en ridicule, nous aussi !


PIERRE

– Ainsi, avec cette ruse, tu as osé te présenter devant nous ?


SALOMÉ

– Oui... Mais savez-vous pourquoi ? Pour vous empêcher de représenter le ressuscité sous les traits d’un comique de cirque, en vous laissant tromper par la supercherie de cette représentation.


JACQUES

– Oh ! Femme... tu nous accuses de faire de Jésus, mon frère et mon Seigneur, le fantoche d’une farce ?

(Il se penche vers elle, tendant ses mains vers la pierre posée sur la table... Soudain, Maria s’élance et saisit la pierre, qu’elle élève haut, pour que tous la voient ; et elle court au jardin la jeter au loin.
   Il se fait un grand silence, puis chacun s’adresse de nouveau à son voisin, en attendant le retour de Maria)
.


THOMAS

– N’attendons pas ! Sans doute, après ce tumulte qui a été pour elle une dure épreuve, Maria s’est-elle rendue auprès de ma femme pour trouver quel­que apaisement !




Écrit en 2005




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t345010 : 19/03/2020