La résurrection de Jésus

THOMAS
(Flânant seul dans les sentiers sinueux du jardin, attendant les frères. Il s’arrête pensif, regardant alentour et traçant avec ses mains des figures dans l’air).

– Trois à gauche, trois ou quatre à droite, au centre le rouleau des Écritures... Il vaudra mieux rester au dehors, plutôt que dans la véranda comme des oiseaux en cage, pour déployer nos ailes ! Ici, on pourra dialoguer, discuter, et même se battre, ou prendre notre envol ! (Il rit). D’autre part, le tombeau largement ouvert semble nous sourire, comme si Jésus venait de sortir pour aller à la rencontre de Moïse et d’Élie, d’Osée et de Jean ; mais aussi de nous, qui l’attendons...
   Quant aux premiers, ils sont sortis de leur tombeau sans se soucier de reprendre leur corps. Certains d’entre eux n’y sont même pas entrés. On les attend, ou alors, ils sont déjà revenus. Pour Moïse, personne n’attend son retour ! Il ne man­querait plus que ça ! Élie, lui, serait déjà venu en la personne de Jean, comme Osée en celle de Jésus, qui viendra, me semble-t-il, dans la personne de ceux qui, en son nom, annoncent sa parole. Dès lors, il n’y a aucune raison pour qu’il ressuscite !
   Mais pourquoi quelques-uns des frères veulent-ils, coûte que coûte, qu’il revienne avec son corps ? Je m’efforce de savoir pourquoi et je n’y trouve aucun motif ! Pour être sincère, cela me gêne même de supposer qu’il soit ressuscité, car j’ai peur de ne plus trouver en lui celui que j’ai connu par expé­rience, et qui m’a saisi jusqu’au plus profond de moi-même !