ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  SEPTIÈME :

Jésus


Une véranda adossée au rocher, ouverte sur un petit jardin de culture sauvage, non loin du tombeau. De petites tables et des divans. Au centre, une table, sur laquelle repose un rouleau des Écritures, et un fût, d’où pend le sindon. Sur la paroi du rocher une porte, qui donne sur les locaux de service. Par les portes, on voit les mêmes personnages qu’au quatrième Acte, et un nouveau, Eugène, marchant seuls ou à deux dans le jardin, regardant autour et se dirigeant d’abord vers le tombeau. Ils y entrent et en sortent, restant devant absorbés dans la prière. De là, ils s’approchent doucement de la véranda.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste

Les Écritures et le Christ

Jésus
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE TROIS


(Les mêmes)




(Un fonctionnaire frappe aux vitres de la porte de la véranda et entre dans la salle, se tenant sur le seuil).




LE FONCTIONNAIRE

– Pardon ! Puis-je entrer ?


JOSEPH

(Se levant et allant à sa rencontre).

– Entrez, Monsieur.


LE FONCTIONNAIRE

– Je dois vous donner ce document, Monsieur, de la part du secrétariat de la Procure.

(Il lui remet un pli).


JOSEPH

(Il prend le pli).

– Merci beaucoup !


LE FONCTIONNAIRE

(Jetant un regard sur tous, un peu étonné).

– Au revoir !

(Il s’en va).


JOSEPH

(Il retourne à sa place et, restant debout, ouvre le pli et le lit).
Monsieur,

Suite à votre plainte concernant le vol dans son tombeau de Jésus de Nazareth, j’ai l’honneur de vous communiquer que l’enquête a permis d’établir que ce sont deux vols successifs qui ont été com­mis : d’abord celui du sindon, puis celui du corps de Jésus.
Le voleur du sindon a été pris et iden­tifié, mais il a déclaré ne pas avoir em­por­té le corps, le laissant enveloppé sur la dalle. Touché par des scrupules, il a ren­du le sindon volé aux disciples de Jé­sus.
Il a été par contre impossible d’iden­tifier le voleur du corps et de retrouver celui-ci, qui a été, de toute évidence, jeté dans une des fosses du « champ du sang ».
L’enquête est donc close, et le tombeau est par conséquent libéré de la con­train­te judiciaire y défendant tout enterre­ment.

Salutations distinguées,
Pour le Procurateur...


NICODÈME

– Étrange ! L’enquête affirme que le vol a vrai­ment été accompli, mais sans en apporter les preu­ves, puisqu’elle n’a ni saisi le voleur, ni retrouvé le corps, objet du délit. Sur quoi alors fonde-t-elle la certitude que le vol a été commis ? Seulement sur le fait qu’au niveau de l’expérience, la disparition d’un corps d’un tombeau n’est concevable que par­ce qu’il a été volé. Mais croyant à l’existence de Dieu et à la possibilité de son action dans le mon­de, ce manque pourrait être attribué à son inter­vention. L’enquête laisserait donc au croyant la liberté de re­chercher si l’absence du corps de Jésus est due à une action divine, dans le but de sa ré­surrection...


THOMAS

– Bravo, Nicodème, tu légitimes notre démarche sur un principe de raison.


NICODÈME

– Sur le principe qu’une recherche dans la foi est possible sur un sujet donné, quand la raison se mon­tre impuissante à le comprendre par les lois de la nature.


THOMAS

– Il faut cependant préciser que ce principe rend la recherche possible, mais demeure étranger à son dé­ve­loppement.


PIERRE

– Nous en avons l’expérience !


EUGÈNE

– Il faut donc continuer la recherche, d’autant plus qu’elle est favorisée par l’enquête. En effet, en dé­clarant ne pas avoir trouvé le voleur ni le corps, elle laisse celui-ci, dirais-je, disponible pour la ré­sur­rec­tion.


NICODÈME

– Oui, il faut continuer.


PIERRE

– Si nous devons continuer, pourquoi nous as-tu arrêtés ?


NICODÈME

– Parce que vous n’étiez plus en dialogue, mais dans un système de lutte offensive et défensive. Dans le dialogue, il faut que chacun soit disposé à écouter l’autre, par la conviction que la porte de la vérité s’ouvre par la recherche.


EUGÈNE

– J’ai eu l’occasion de vous parler de Socrate, se­lon lequel celui qui cherche doit avoir conscience de ne pas savoir. Ne sachant pas, il parvient au savoir pré­ci­sément par le dialogue.


PIERRE

– Ah ! Si Jésus venait lui-même pour nous éclai­rer !


JOSEPH

– S’il vient chez toi, il faut le prier de venir demain à notre rencontre, afin que, sur son témoignage, on connaisse enfin la vérité.


THOMAS

– Notre recherche ne s’achèvera donc pas comme l’enquête, car elle aura saisi le voleur et retrouvé le corps volé !

(On rit).


JOSEPH

– À demain après-midi, donc. Et n’ayez pas peur ! Même si le tombeau est libre de toute interdiction d’enterrement, je n’entends pas m’y enfermer ! Je veux le laisser ouvert jusqu’à ce qu’on retrouve le corps de Jésus... mort ou vivant !


NOÉ

– Et si vous ne retrouvez ni le voleur ni le corps du délit ?


JOSEPH

– Alors, je me renfermerai pour toujours dans le tombeau, le fermant avec la grosse pierre, afin qu’aucun voleur ne puisse y entrer... ni vous venir pour rechercher la vérité sur la résurrection !


EUGÈNE

– J’applaudis à ton humour ! Je crois que nous som­mes dans une impasse, comme Nicodème nous l’a fait comprendre tout à l’heure. Nous ne tentons pas de résoudre le problème de la résurrection à partir des données de l’expérience, mais de son impact dans notre existence. Nous ne donnons donc pas une réponse au problème du fait, mais à celui de notre existence, laquelle, étant un évé­ne­ment et non un fait accompli, offrira des solutions diffé­ren­tes selon la perspective que l’impact du problème suscite dans notre conscience. Pourrons-nous met­tre en doute, fut-il méthodologique, nos convictions existentielles et continuer notre re­cher­che ?


THOMAS

– De toute façon, ne ferme pas le tombeau, Joseph, laisse-le ouvert !

(Applaudissements ! Ils sortent tous cependant plu­tôt attristés, en silence... À la tombée du rideau, la lumière du soleil couchant se répand doucement sur la salle).



RIDEAU




Écrit en 2005




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t347030 : 19/03/2020