ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  HUITIÈME :

Jésus, fils du Dieu incarné,
ou prophète de l’humanité de Dieu ?


Dans le jardin rocailleux du tombeau.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste

Les Écritures et le Christ

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3
- Scène 4
- Scène 5
- Scène 6
- Scène 7
- Scène 8


SCÈNE SEPT


(Les mêmes)




NICODÈME

– Il semble qu’il y ait entre nous certains mal­entendus.

(S’adressant à Pierre).

Tu étais informé des noces de Jésus avec Maria. Pourquoi as-tu exigé d’elle qu’elle vive affublée de l’habit d’une pénitente publique ? Et aussi qu’elle se martyrise à l’aide d’un cilice, alors que grâce au pardon accordé par Jésus, elle a retrouvé son in­no­cence ? N’as-tu pas de la sorte attenté à son hon­neur et affaibli son rôle dans l’œuvre du prophète ?


PIERRE

– Son mariage n’était pas établi selon les règles tra­ditionnelles, mais une figure emblématique de l’œu­vre de Jésus, tandis que son péché tangible imprime sa chair, même absoute, d’une tache in­délébile, d’une souillure dont elle devra sans cesse être dé­barrassée.


NICODÈME

– Votre foi vous enseigne-t-elle donc que le pêché demeure dans la chair des hommes, en dépit du sacrifice rédempteur du Christ ?


MARIA

– Non, Pierre, mon mariage a bien été authentique, comme le fut celui d’Osée. Mais, étant l’emblème de l’union de Dieu avec les hommes, il a requis que ma chair soit comme un miroir immaculé.


THOMAS

– Pierre, de qui détiens-tu ainsi le Pouvoir d’agir de la sorte sur la chair et sur l’âme d’une de tes sœurs et, en conscience, la lier, au nom de Jésus, à sa­crifier sa vie ?


PIERRE

– De Jésus lui-même, qui m’est apparu ! Il m’a dé­claré avec autorité et solennellement : « Tu es " Pier­re ", et sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donne les clés du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »


THOMAS

– Comment est-il possible que Jésus ait pu te con­fier ce pouvoir uniquement à toi, alors qu’il l’avait concédé à quiconque pardonnerait à son frère ? Non, Pierre, je ne discerne point Jésus en celui qui t’est apparu. J’imagine plutôt un prince qui, ayant rompu avec sa famille, s’en est séparé pour s’en­fer­mer dans son château, cédant la direc­tion des affaires à une personne de confiance, lui octroyant le pouvoir de vie et de mort sur ses su­jets.


PIERRE

– Je ne vois aucune contradiction entre le pouvoir que Jésus m’a octroyé et son message. En effet, Jésus l’a toujours présenté dans la perspective d’un royaume des cieux, dont il est le monarque. Ce ro­yaume devait prendre une double envergure, cé­les­te et terrestre. En ressuscitant et en montant au ciel, il était compréhensible que sur la terre où il ne demeure plus, il confie à un homme le gouverne­ment de son royaume. Et si Jésus m’a choisi pour assumer ce pouvoir, qu’y puis-je, Thomas ?


THOMAS

– As-tu conscience, Pierre, que Jésus abandonne à ta discrétion son pouvoir de rédemption et de ju­ge­ment sur tous les hommes, qu’il détient en tant que Christ et Fils de Dieu ? Tu deviens ainsi, toi-mê­me, le Christ sur la terre, dont l’autorité et le pou­voir sans limites ne pourront être enfreints par personne au monde ? Quelle différence existerait-il, dès lors, entre le Christ et toi ?


PIERRE

– Celle qui distingue le roi en personne et son re­présentant !


THOMAS

– Pendant sept séances, nous nous sommes entre­tenus de la résurrection de Jésus et de sa person­nalité christique, et nous voici confrontés à deux Christ, l’un céleste et l’autre terrestre, l’un mort et ressuscité et l’autre pas encore mort, mais déjà ressuscité ! C’est à nous donner le tournis !


NICODÈME

– En présence d’une telle aberration, faisons une pause dans notre démarche pour en revenir aux cau­ses. Il est vrai que, dès le début de notre recher­che, nous nous sommes heurtés à une contra­dic­tion ! Apprenant que le tombeau était vide, nous avons été convaincus de nous trouver devant un di­lemme : vol ou résurrection, alors que cette situa­tion pouvait laisser supposer, selon toute vrai­sem­blance, le vol du cadavre qui, déposé dans le tom­beau par des hommes, ne pouvait avoir été dérobé que par des hommes ou par des bêtes, mais en aucun cas par une résurrection, qui excède l’expé­rience commune. Faire allusion à la résur­rection exigeait d’en appréhender la possibilité à cause de la fonction prophétique de Jésus, sans qu’il soit né­cessaire, pour autant, de renoncer au fait du vol du cadavre. Ainsi, nous nous trompions.
  Notre erreur provenait de ce que nous confon­dions deux fonctions différentes de l’esprit : la rai­son et la foi. La raison qui argumente, conduit à des vérités concernant le phénomène et l’être dont il dépend, la foi qui concerne le sens de la finalité de la vie, comme de toute expérience vécue. Mais puisque nous ignorons cette finalité, nous la for­mu­lons par l’imaginaire, à partir de paroles, de désirs, d’espérance, de l’effet sur notre vie des évé­nements, des rêves ou de perceptions inopinées... Les propositions de foi ne comportent en elles-mê­mes aucune vérité, mais du sens. L’homme qui pen­se est en quête de vérité, mais l’homme qui croit est en quête de sens.


JEAN

– Que nous dis-tu là ? La parole de foi ne serait pas une parole de vérité ?


EUGÈNE

– Je partage le point de vue de Nicodème, pour af­firmer que la parole de foi n’a pas pour but de nous révéler l’être des choses, mais le sens qu’elles ac­quièrent, une fois comprises dans une perspective de finalité de l’existence. Mais puisque, par l’expé­rience et par la raison, nous ignorons les cir­cons­tances de cette finalité, nous les exprimons en métaphores et en symboles : bref, dans un langage figuratif. La foi offre à la conscience des valeurs, et non la connaissance de l’être des choses. Et ces valeurs désignent les choses, du fait qu’elles sont vécues dans une finalité. C’est ce que nous en­sei­gne la parole. Lorsqu’un mot entre dans le corps d’un discours, il se revêt du sens de ce discours, en plus de son sens propre.


JEAN

– Et Dieu ? N’est-il pas le sujet de la parole dans les Écritures ?


EUGÈNE

– Bien que nous affirmions que les récits des Écri­tures sont parole de Dieu, rien ne peut le prouver, sinon l’effet salutaire qu’ils produisent en nous com­me parole de Dieu, car ils s’inscrivent dans le cadre de cette finalité dont bénéficie l’esprit grâce à la foi, qui est sens existentiel et non argumen­ta­tion rationnelle !


THOMAS

– Pour en revenir à notre erreur, mis en présence du tombeau vide, nous avons refusé d’y voir un fait d’expérience pour en rechercher la raison di­recte­ment en Dieu, par le recours aux Écritures. En effet, nous avons cherché à comprendre cet évé­nement au moyen du chant du Serviteur de l’É­ter­nel.


PIERRE

– Jean, Jacques et moi, nous avons reconnu dans le Serviteur de l’Éternel l’image prophétique de Jé­sus, qui a subi la mort pour la rédemption des péchés des hommes. S’étant offert en sacrifice ex­piatoire, sa mort a été le gage de sa résurrection.


THOMAS

– Mais en fin de compte, Nicodème et Eugène, Jo­seph et moi, nous avons, par contre, remarqué que le Serviteur n’est pas une personne, mais le peuple juif qui, tout en ayant subi le châtiment en ex­pi­a­tion des péchés de ses enfants, n’est ressuscité que comme peuple et comme Nation. Il est donc im­pos­sible d’attribuer sa figure à Jésus. En outre, à approcher Jésus de plus près, nous avons constaté que le châtiment immérité qu’il a subi lui a été ju­ri­diquement attribué comme sanction de son op­po­sition au pouvoir de la Loi et des législateurs. Pei­nes injustes, mais légales. Si Jésus a bien été un martyr du Judaïsme, il en fut, tout autant, l’adver­saire. Il est donc impossible de l’assimiler à la figure du Serviteur de l’Éternel.


PIERRE

– Alors ? À quelle conclusion parviens-tu ?


THOMAS

– À une conclusion opposée à la tienne et à celle de ton groupe : rien, en Jésus ni dans les Écritures, ne nous autorise à affirmer que Jésus est ressuscité. Mort comme tous les prophètes sur les traces des­quels il a accompli sa fonction prophétique, il nous a confié son message, afin que nous le trans­met­tions au monde. L’idée d’une résurrection s’inspire de sa démarche, de ses paroles, de ses actes, et mê­me de sa mort, inscrits dans le mouvement de l’être qui de Dieu se tourne vers le monde, puis revient à Dieu par la médiation de l’homme. Dieu, avait déclaré Jésus, est le Dieu non des morts, mais des vivants. Tout ce qui arrive, la mort elle-même, s’inscrit dans le mouvement de l’être. Jésus ressuscite, dans la mesure où l’homme expé­ri­men­te cette valeur d’existence.


PIERRE

(S’adressant à Thomas).

– Selon tes dires, je tombe dans l’abomination, par­ce que je suis l’exécutant de la volonté de Jésus sur la terre ! Mais toi, tu es devenu l’objet de notre rejet, parce que, selon ta foi, Jésus est un prophète de la parole et non de l’événement, incapable de réaliser ce royaume de cieux dont il avait annoncé la venue. Son royaume des cieux est un règne sur des morts. Je n’ai plus qu’à vous souhaiter une lec­ture avisée de son message, afin que vous parve­niez à consoler les vivants de leur mort prochaine !

(Il s’achemine vers la porte du jardin, avec un cal­me et une dignité affectés).


THOMAS

– Oh ! Pierre, tu oublies de reprendre la chaîne avec laquelle, grâce au pouvoir que Jésus t’a con­fié, tu lies et délies sur la terre comme dans ciel...

(Avec dignité et solennité, Pierre s’arrête, se re­tourne, reprend la chaîne, la mettant dans une de ses poches et, sans dire un mot, reprend son che­min. Il ne s’aperçoit pas que le cilice tache son vêtement de sang).

  Merci pour tes souhaits. Nous nous reverrons sans doute, puisque je suppose que tu comptes fi­xer ton siège à Ninive. Quant à moi, je compte bien m’y rendre pour lire aux Gentils le message de Jésus et les consoler de leur mort prochaine !

(Tandis que Pierre s’en va, Jacques se lève et le suit. Jean se lève aussi, suivant Jacques, mais brus­que­ment il s’immobilise, comme saisi par une vision intérieure).




Écrit en 2005




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t348070 : 19/03/2020