ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  CINQUIÈME :

Du  tombeau  vide  à  l’holocauste


La même salle.

Une longue table rectangulaire, autour de laquelle sont assis Nicodème et Salomé, l’un en face de l’autre. Devant le plus long côté de la table, face aux spectateurs, est assise Maria, à l’angle gauche, près de Salomé ; Pierre et Jacques, au centre ; à l’extrémité droite, près de Nicodème, Thomas.
Sur la table, une pierre. À côté du juge, accroché à une colonne , le sindon.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3
- Scène 4

Les Écritures et le Christ

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE TROIS


(Les mêmes)




PIERRE

– Je te remercie, Nicodème, d’avoir reconnu, mal­gré l’ambiguïté des signes, leur rôle dans la problé­matique de la résurrection. J’aimerais que tu nous expliques leur fonction en opposition à la connais­sance rationnelle.


NICODÈME

– D’abord, gardons présent à l’esprit que l’homme est le seul sujet pensant dans l’univers et que sa connaissance, bien que distincte, est complémen­taire de celle Dieu. En effet, alors que Dieu connaît tout « étant » à partir de ses causes, l’homme y parvient grâce à la perception de leurs phénomènes, en vertu des principes universels qui correspondent aux rapports constitutifs de chacun d’eux. Telle est la connaissance rationnelle. Virtuellement, celle-ci est infinie, dans la mesure où elle demeure ouverte à tous les phénomènes perceptibles de l’univers et aux causes respectives, mais chacun de ses actes est limité et fini, s’accomplissant dans un individu qui demeure lié à un moment donné du processus de son évolution.


THOMAS

– En d’autres termes, bien que limitée, elle est, au cours de son accomplissement, dans une relation toujours plus vaste et plus approfondie aussi bien des phénomènes que des causes.


NICODÈME

– Il convient d’ajouter que l’homme ignore les rai­sons de l’origine, comme celles des finalités, de son existence...


THOMAS

– ... Demeurant ainsi continuellement à la recherche de lui-même, interpellé par des questions qui surgis­sent des profondeurs de son être, par ses désirs, ses insatisfactions, et les besoins quotidiens de son exis­tence.


NICODÈME

– Aussi recherche-t-il ses origines dans l’univers, et il existe des signes de ses origines comme de sa des­tinée, de ses chances comme de ses éventuels dan­gers.


PIERRE

– C’est pourquoi les hommes retrouvent ces signes dans des phénomènes, exceptionnels d’apparence, comme l’apparition d’une étoile, les cycles des sai­sons, les tremblements de terre, le tonnerre, la fou­dre, le vol des oiseaux, la mort et la naissance des êtres. Et, dans la vie de chacun, les rêves et tout fait inhabituel.


NICODÈME

– Nous sommes donc en possession de deux sour­ces de connaissance : la raison et les signes. La pre­mière a pour objet la nature des choses, et la se­conde le sens qu’elles reçoivent, une fois dans la vie de la conscience. Mais elles ne présentent pas la même valeur de certitude, car celle de la raison se fonde sur des principes universels en correspon­dance avec les lois de la nature ; les signes, sur l’in­terprétation des phénomènes en fonction de ce qu’ils apportent de bonheur ou de malheur. Dès lors, il est possible d’affirmer que la raison tend vers la vérité, et que les signes demandent à être inter­prétés afin de donner sens à la vie.


JACQUES

– Qu’allons-nous devenir sous cette avalanche d’élucubrations philosophiques ? La question à dé­battre n’était-elle pas celle de la résurrection ?


THOMAS

– C’est pourquoi, Jacques, nous nous sommes per­dus dans ces divagations philosophiques. Ne cher­chions-nous pas à savoir plutôt si la mort de Jésus a été dépassée par la résurrection ? Or, pour répondre à cette question, nous devons préciser les sources de notre connaissance. Ne le penses-tu pas ?


JACQUES

– Oui... Je vois.


NICODÈME

– Nous savons donc qu’existent deux sources de connaissance : la raison et les signes. Quelle con­naissance nous permettra d’espérer trouver la ré­ponse à notre interrogation sur la résurrection de Jésus ?


THOMAS

– Cela ne pourra pas être au moyen de la raison, puisque celle-ci part de l’expérience. Or, personne n’a fait l’expérience de sa mort et de sa résurrec­tion.


JEAN

- Il est possible de croire que Jésus n’est pas ressus­cité pour recommencer une vie semblable, mais une autre entièrement nouvelle.


THOMAS

– Dans ce cas, il faudrait pouvoir prouver qu’elle est possible. Or, la rationalité n’offre à la résurrec­tion aucune chance dans le domaine des causalités, car la vie n’est possible que par un processus de naissance, et non de résurrection. Une fois mort, l’homme revient dans le néant ou retourne à la matière originelle.


PIERRE

– C’est bien pourquoi je ne me suis pas trompé en recourant à des signes.


THOMAS

– Des signes différents de ceux que tu as découverts dans le tombeau vide, j’espère !


PIERRE

– Des signes qui distinguent la mort de Jésus de cel­le commune à tous les hommes. Nous l’avons dit souvent : une mort qui diffère de celle que nous voyons chaque jour et qui ne survient pas du fait d’accidents ou de maladies, mais qui est une peine en réparation de crimes que l’homme n’a pas com­mis.


JACQUES

– Une mort pour racheter les péchés des autres !


JEAN

– Une mort que la justice ne peut pas légitimer, que le tombeau refuse de garder et que même les morts ne peuvent accueillir !


JACQUES

– Tu as raison : cette mort ne peut être reçue que si elle est un sacrifice expiatoire pour des péchés que d’autres hommes ont commis. Elle est un Holo­causte !


NATHANAËL

– Moi aussi, Jean, je suis parvenu à cette conclusion et j’en suis heureux. Je pense qu’elle est conforme à des paroles précises des Écritures, mais aussi à la réponse qu’elle apporte au péché de l’homme et à la souffrance de Dieu à son endroit.


NICODÈME

– C’est très pertinent, ce que tu viens de dire, Na­thanaël, et je t’écoute avec un vif intérêt.


MARIA

– Je suis émue d’entendre que Dieu a souffert pour l’homme. Je comprends mieux maintenant le mes­sage et la mort de Jésus. J’ai été convaincue que c’est à cause de la souffrance de Dieu en faveur de l’homme que Jésus est venu parmi les hommes !


NATHANAËL

– Vous vous souvenez que, selon les Écritures, Dieu créa l’homme pour connaître l’immortalité, l’établissant sur une terre conçue pour son bonheur, où coulent le lait et le miel, où le soleil resplendit sans interruption le jour, où les étoiles resplendis­sent au firmament, où la lune éclaire la nuit. On l’a nommé l’Éden !
   Mais ayant péché par désir d’égaler Dieu, l’hom­me a été puni de la mort qui l’a plongé dans le mal­heur. Dès lors, l’univers souffre aussi en consé­quence, frappé par le mal et par Dieu lui-même. Son cœur est plongé dans le chagrin, à cause de la contradiction entre la Justice et l’Amour ! Le Créa­teur aurait souhaité se réconcilier avec l’homme, si celui-ci avait été capable de réparer le dommage créé par son péché. Mais, puisque le péché n’a pas été commis par un individu, mais par l’homme, re­présentant l’humanité entière, la remise de sa dette pour le péché devenait inaccessible. En effet, l’homme seul est incapable de trouver une énergie telle qu’elle le rende apte à supporter une peine éga­le au mal commis par les hommes. Il fallait donc la venue d’un être, animé par l’esprit de tous les hom­mes, et dans lequel la nature humaine puisse s’in­carner en une personne... Un homme capable d’of­frir à Dieu sa souffrance pour la rémission du péché commis par l’Adam-Homme, personne représentant tous les individus composant la nature humaine. Or, les Écritures annoncent la venue d’un tel homme, le Christ.
   Nous avons appris que le Christ s’est accompli en Jésus qui, par sa mort, s’est offert à Dieu en holo­causte pour le salut de tous les hommes. En lui, la souffrance de Dieu a pris fin dans la réconciliation de la Justice et de l’amour !


JEAN

– Un homme n’aurait pas pu incarner la nature hu­maine, s’il n’eût été rempli du Saint-Esprit de Dieu dès le sein maternel, se manifestant dès sa naissance comme le... Fils de Dieu !


PIERRE

– À présent, je comprends aisément qu’il était in­utile de rechercher les signes de la résurrection de Jésus en dehors de lui, parce que sa mort les avait inscrits dans sa chair.


NICODÈME

– Considérant le chemin parcouru au cours de nos débats actuels, nous ne pourrons en tirer que des motifs de réjouissance. Nous avons été surpris de redécouvrir le sindon, que les voleurs nous font parvenir pour dénoncer la foi en la résurrection de Jésus, et voilà que nous constatons que ce défi se révèle le témoignage le plus surprenant de cette cro­yance, même s’il nous atteint indirectement et si nous sommes tentés d’imaginer qu’en agissant de la sorte, les voleurs ont été poussés, à leur insu, par le Saint-Esprit !


PIERRE

– J’avais donc bien raison d’affirmer que le sindon nous a été livré par Jésus en personne.


NICODÈME

– Il ne semblerait pas ridicule de notre part de les remercier pour leur initiative.


JACQUES

– Et qui pourrait alors nous interdire de relever leur défi, et d’affirmer la résurrection de Jésus ?


NICODÈME

– Nous devons encore réaliser deux choses avant d’annoncer la résurrection : passer nos conclusions au crible des Écritures et, avant tout, demander à Thomas, à Maria et à Salomé, s’ils approuvent no­tre démarche... Et à vous, s’il convient de le leur demander !


Tous

– Oui, bien sûr !


NICODÈME

(Avec humour).

– Moi-même, je n’avais pas l’intention de t’inviter, Thomas, car je me doutais bien que tu ne resterais pas silencieux quand nous avons procédé à la lec­ture des Écritures. Certain qu’il y aurait entre nous des divergences, je ne souhaitais pas jeter de l’huile sur le feu ! (Se tournant vers ses frères). Mais puisque vous en avez manifesté le désir, il ne me reste (S’adressant à Thomas) qu’à te donner la parole en leur nom.


THOMAS

– J’avais décidé de ne pas troubler votre euphorie dont (soit dit en passant), je me suis réjoui. Que cette satisfaction ne n’empêche pas, cependant, de vous dire que de profondes divergences subsistent entre nous dans trois domaines. D’abord, parce que le péché originel, pour lequel une rédemption s’im­po­sait, n’a pas été le fait d’un individu, mais de tout homme depuis Adam, l’être des origines en qui l’humanité entière trouve sa référence. Ensuite, je présuppose la même universalité dans la personne du Christ. Enfin, Jésus a été le prophète que Dieu a envoyé, non dans un but d’expiation, mais pour offrir aux hommes le moyen de racheter les peines infligées par Dieu à cause de leurs péchés.
   Grâce au pardon de Dieu en Christ, chacun doit se donner à son prochain pour les offenses reçues. Jésus a lui-même, à de nombreuses reprises et sur la croix, donné l’exemple au regard de tous, quand il a accordé le pardon à ceux qui l’avaient crucifié. Dieu accorde son pardon aux hommes, à condition que chacun pardonne à son tour à son prochain ses pro­pres offenses. Ce rachat ne réclame ni sauveur, ni victime, ni sacrificateur, si ce n’est le pécheur lui-même que le pardon présente comme victime, sacri­ficateur et sauveur par lui-même. C’est la raison pour laquelle chaque homme est responsable, lui-même, du pardon de Dieu, comme il l’est de l’ordre du monde.


PIERRE

– Et Jésus, en tout cela ?


THOMAS

– C’est le prophète annonciateur de ce salut aux hommes. Comme prophète, sa mort est le sceau par lequel il a authentifié la vérité de son message. Celui qui ressuscite n’est pas Jésus, le prophète, mais l’homme auquel son message a été adressé, et il ne peut ressusciter qu’avec lui, à l’heure de l’ac­com­plissement de l’existence humaine.

(Étonnement et murmures de contestation chez les frères).

PIERRE

– Que devons-nous comprendre de ce discours ? Celui qui a livré Jésus au jugement, qui l’a attaché au bois pour subir une mort maudite, celui qui l’a arraché au tombeau pour que son nom ne s’éternise pas parmi les morts et qui, en définitive, l’a défié quand Dieu l’a déclaré Christ, ce serait donc l’hom­me qui ressusciterait à sa place ?


THOMAS

– C’est cela : cet homme-là, même s’il a atteint un tel degré de dépravation et si, recevant l’écho des paroles prononcées par Jésus sur la croix : « Par­donne leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font », s’approprie cette promesse et la demande aussi pour ceux qui l’ont offensé, reçoit la grâce du pardon promis par Dieu pour ses péchés.


JEAN

– Alors, toi aussi, tu crois que nous sommes sauvés par Jésus, qui a prononcé ces paroles ?


THOMAS

– Non ! nous sommes sur le chemin de la résurrec­tion par l’efficacité de la parole de pardon annoncée par l’Écriture.


PIERRE

– Mais cette parole demeure sans effet, sans la foi en Jésus, le Christ !


THOMAS

– La foi au Christ demeure vaine si nous ne pardon­nons pas les offenses de notre prochain.

(Les disciples se trouvent ainsi prisonniers de leurs divergences comme des poissons dans le filet, où chacun se heurte à l’autre et s’efforce de ne pas se laisser gagner par l’autre ! Des paroles, contradictoires résonnent en l’air, comme autant de coups d’épée).

– C’est la parole !

– Non, c’est Jésus !

– C’est le pardon de Dieu qui s’accomplit dans celui de l’homme.

– À quoi ça sert de pardonner, si on ne croit pas que Jésus est le Christ ?

– Et à quoi bon croire que Jésus est le Christ si tu demeures dans tes péchés ?

– Ne succombons pas à l’hérésie avant d’avoir la foi !




Écrit en 2005




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