ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa résurrection de JésusFiction dramatique en huit actes |
ACTE CINQUIÈME :
Une longue table rectangulaire, autour de laquelle sont assis Nicodème et Salomé, l’un en face de l’autre. Devant le plus long côté de la table, face aux spectateurs, est assise Maria, à l’angle gauche, près de Salomé ; Pierre et Jacques, au centre ; à l’extrémité droite, près de Nicodème, Thomas. Sur la table, une pierre. À côté du juge, accroché à une colonne , le sindon. |
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SCÈNE DEUX(Les mêmes et Nathanaël)(Maria entre avec Nathanaël, mais, silencieuse, elle s’arrête au seuil de la porte pour ne pas interrompre Nicodème qui a repris la parole). – Fermons cette parenthèse douloureuse que nous avions ouverte pour juger Salomé, mais qui nous a tracé un chemin, sinon vers la solution du problème, du moins pour mettre en lumière les difficultés qui nous interdisaient toute solution... En interrogeant Salomé avec équité, nous avons emprunté la bonne voie. Et je constate qu’elle a délivré plutôt une parole de témoin que d’accusée. De même, aussi, les frères qui s’étaient présentés en accusateurs ont eu la sagesse de se comporter en chercheurs de vérité... Moi, je n’ai pas varié dans mon comportement, voulant, coûte que coûte, agir en juge. Mais, puisque Maria a fait disparaître la pierre de la table, je me suis trouvé dans l’impossibilité de prononcer la sentence. (Rire général). Revenons-en à notre enquête sur la résurrection, et à mon rôle de modérateur. (Il jette sur tous un regard interrogatif). Êtes-vous d’accord ? (Tous répondent par un mouvement de tête affirmatif). (Elle entre, suivie par Nathanaël). – Pardonnez–moi, frères, de n’être pas revenue aussitôt. En me débarrassant de la pierre, j’ai vu un homme tourner en rond dans le jardin. C’était Nathanaël ! Le voilà ! (Elle dépose un baiser sur sa joue). – Heureux de vous rencontrer, frères ! Et quelle chance de pouvoir le faire ! (Avec un sourire). Maria a lancé la pierre avec une telle force qu’elle m’aurait assommé, si elle était tombée sur ma tête ! Sans doute, aurais-je reçu ma consolation en entendant les exclamations qui ont accompagné son geste : Épargne le cœur des hommes et enfonce-toi dans les entrailles de la terre ! (Tout le monde rit et applaudit). – Sois le bienvenu ! Avertis par Jean de ta venue, certes, nous t’attendions, mais l’aspect un peu tragique de notre rencontre, nous a fait t’oublier. – Quant à moi, je ne t’avais pas oublié ! En effet, je t’avais réservé une place à mes côtés ! (Il l’invite à s’asseoir). – N’ayez aucun souci pour moi... Je suis à mon aise parmi vous ! En ce qui concerne « le tragique » de votre rencontre, Maria m’en a fait part... (Se tournant vers Salomé, il lui mime un baiser). Tu es sortie indemne de l’épreuve du feu ; mais, esprit de braise, tu as mis la maison en effervescence ! – Revenons-en au fait ! – Où irons-nous, si nous devons abandonner notre voie actuelle ? – Le tombeau vide n’est pas un chemin vers la résurrection ; c’est plutôt une occasion d’égarement, de confusion et de contradiction. Nous devons en sortir au plus vite et retourner en arrière. – Revenir en arrière ! Mais, pour nous retrouver où ? Aller du tombeau vide... au néant du tombeau ? – Oui ! Et sonder ce néant de nos propres yeux... – Et qu’y découvrirons-nous ? – Que des hommes ont déposé dans cette béance le corps de Jésus, puis qu’ils s’en sont emparés, tout simplement ! Ce qui nous met dans l’obligation de rechercher les voleurs et de déposer plainte pour ce méfait. – Et la résurrection ? – En quoi la résurrection est-elle impliquée dans ce néant ? – Je demanderais plutôt : en quoi ce néant concerne-t-il la résurrection ? Ma réponse sera : c’est elle qui l’a enfanté. – En t’écoutant, je pense que, même adulte, tu as l’imagination riche et rafraîchissante d’un enfant. Quand il voit une feuille tomber de l’arbre, l’enfant s’écrie en fermant les yeux : « Tu as vu... le papillon s’est envolé ». Son regard accompagne la feuille dans sa chute, puis son imagination la lance à nouveau, plus loin et plus haut, avec vivacité. Pour lui, la feuille est devenue papillon ! – Je n’ai pas joué d’imagination, Thomas. J’ai argumenté selon les principes de la raison : Jésus gisait mort dans le tombeau, or il n’est plus là. Alors, s’il s’est déplacé, il était vivant, car on n’a jamais vu marcher un mort ! Voilà pourquoi, il est ressuscité ! – Tu dirais vrai si Jésus s’était couché lui-même. Il y serait allé et il en serait sorti. Mais non ! Des hommes l’y ont déposé après sa mort. Pour en sortir, des hommes ont dû l’emporter avec eux... toujours mort ! – Tu as en partie raison : des hommes ont bien déposé son cadavre dans le tombeau ! Ils sont bien revenus le rechercher ; mais il n’était plus là... Ce mort est ressorti seul et vivant du tombeau ! Selon son désir ! – Tu nous apportes la preuve que l’idée de la résurrection n’était que dans ta tête, et que tu étais envoûté par elle ! Tu t’es rendu au tombeau, mais ne trouvant plus le corps de Jésus, convaincu raisonnablement qu’il avait été dérobé, tu as fait semblant de croire qu’il s’était envolé au ciel, ressuscité. Comme l’enfant, qui voit dans la feuille portée par le vent un papillon virevoltant dans le ciel... – Thomas, toi aussi, comme un enfant, tu es en train de nous mentir, car tu ne tiens pas compte des signes... – Pierre, je t’en prie, ne me force pas à te redire une fois encore que les signes dont tu parles sont ambigus ! Il est possible de les rapporter aussi bien au vol du cadavre qu’à la résurrection de Jésus. – Mais alors, comment expliques-tu que, dans mon esprit, la résurrection ne fait aucune place au vol ? – Permets-moi, Thomas, de répondre à ta place à Jacques, car son interrogation marque le point de rupture d’où naît votre controverse. Tu ne te trompes pas en affirmant que la résurrection ne trouve pas sa place dans le domaine de la raison, mais tu t’abuses quand tu accuses Pierre de raisonner comme un enfant quand il fait référence à des signes. Il n’est pas le seul à se laisser envoûter par des signes, parce que tout homme est soumis au langage des formes comme à celui de la parole. Je crois qu’il faut partir de là pour comprendre notre controverse et approfondir la question de la résurrection. Il nous faudra remuer beaucoup de terreau ! Je propose de retirer de cette salle tout ce qui pourrait lui donner l’apparence d’une cour de justice, afin que chacun se sente libre dans ses interventions, sans être soumis à quelque contrainte. (Tout le monde se met à rétablir la salle dans son ordonnancement habituel, pour une rencontre libre et informelle). – C’est une bonne idée, de donner à la salle ce décor qui s’accorde à l’esprit nouveau de notre entretien. |
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t345020 : 19/03/2020