hez Luc (Lc 24: 1-12) le récit, bien qu’historique dans sa forme, ne résiste pas, dans son contenu, à la critique objective propre à l’histoire. Les anges apparaissent sous l’aspect de deux hommes adultes, capables d’accréditer le message. La Torah, en effet, exige la présence de deux témoins dans tout contrat. Ils annoncent aux femmes la résurrection de Jésus, selon ce qu’il avait proclamé lui-même de son vivant. Elles y croient et retournent chez elles, heureuses et fières de rapporter le message aux apôtres.
Mais ceux-ci ne prennent pas au sérieux leur annonce, qu’ils estiment n’être que de la « rêverie ». Pierre se lève alors et décide d’aller au tombeau afin de vérifier, à travers des signes, si jésus est véritablement ressuscité. Il découvre les bandelettes (othonia) éparses à terre. Il retourne chez lui « tout étonné de ce qui s’était accompli ».
Pourquoi les bandelettes étaient-elles les signes de la résurrection plutôt que ceux d’un cambriolage ? Parce que Pierre a supposé qu’un voleur n’aurait pas pris la peine de les défaire, tandis que Jésus le devait absolument pour quitter le tombeau ? Mais on peut supposer aussi que le voleur a été contraint de défaire les bandelettes afin de transporter plus aisément le cadavre de Jésus.
De plus, pourquoi Luc a-t-il oublié ce qu’il avait affirmé dans le prologue du récit en déclarant que Joseph s’était borné à envelopper le corps de Jésus dans le sindon (Lc 23: 53) ? Faut-il alors supposer que, selon Luc, Jésus aurait été entouré de bandelettes par des anges, afin que sa résurrection soit évidente pour tous ? Ou il s’agit d’une affirmation gratuite, ou Luc a utilisé une source opposée à la précédente, afin de sortir de l’impasse créée par le manque d’informations « oculaires » sur la résurrection, contrairement à ce qu’il avait affirmé dans le prologue de son évangile (Lc 1:2-3).
Quant à nous, lecteurs, nous restons surpris que Luc n’ait pas affirmé que Pierre avait trouvé comme signe le sindon dans lequel Jésus avait été enveloppé. Mais, évidemment, son absence pouvait laisser supposer que Jésus l’avait revêtu pour se couvrir ! Alors, y a-t-il chez Luc une invention, une omission, une fable imaginée pour compenser le défaut d’information objective ?
L’écrivain ne relate pas des faits qu’il a vérifiés, mais qu’il a construits à partir d’un a priori de foi. Il les décrit en présupposant la phénoménologie de l’enterrement, selon laquelle un mort est toujours mis au tombeau après que ses jambes et ses pieds aient été entourés de bandelettes. Luc a conscience de faire œuvre d’historien (Lc 1: 2-3), pas de faits qui se seraient accomplis, mais qui se sont forgés dans son imaginaire pour être façonnés sur le modèle de ceux du Christ des Écritures. Il ne rapporte pas un événement, mais il le crée sur un modèle de pensée. Certes, il a conscience d’être un historien, pas d’événements accomplis, mais à venir.