ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa naissance de JésusMatthieu 1: 18-25 |
Analyse du récit |
Le texte Regards sur le récit Analyse du récit - Introduction - Jésus et le Christ - Marie se trouva enceinte - Joseph, son époux - L’annonce de l’ange - Voici la vierge sera enceinte - Une fois réveillé Regard rétrospectif |
Voici la vierge sera enceintePar ces paroles, Matthieu fait un résumé sous forme d’oracle du texte des Écritures auquel il renvoie le lecteur pour confirmer par l’autorité de Dieu, qui parle par elles, ce que l’ange avait annoncé à Joseph. Rapportons-nous au texte des Écritures. Il s’agit d’un oracle d’Isaïe, dont le contexte nous conduit à la guerre Syro-Ephraïmite. Le roi d’Aram, Rançon, et le roi d’Israël, Péqah, cherchaient à entraîner Achaz, Roi de la Judée, dans la guerre contre l’Assyrie. Achaz refusa, s’appuyant sur d’autres alliances, mais il fut assiégé par eux. D’où sa peur d’une invasion. Isaïe l’assure qu’ils ne pourront pas y parvenir et lui propose pour y croire de demander un signe à Dieu, mais Achaz refuse. Isaïe lui annonce que Dieu lui-même lui donnera un signe. « Voici la jeune femme est enceinte et elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera du lait caillé et du miel jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien. Mais avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée la terre dont les deux rois te jettent dans l’épouvante. » (Is 7: 14-16). Ce signe assure que la terre et le peuple de Juda ne subiront aucune occupation par les assaillants, et que le peuple pourra vivre tranquille, sans subir de restrictions dans sa nourriture. La jeune fille du règne de Juda qui, à partir de ce jour, va se marier aura un enfant qui sera nourri de lait et miel, jusqu’à la fin de son enfance quand, précisément les deux rois non seulement ne pourront plus encercler la nation, mais disparaîtront dans le néant. C’est le signe que Dieu donne pour assurer au peuple qu’il ne subira pas une défaite de la part des deux nations qui veulent l’assujettir. Quelques précisions dans les détails. Premièrement, il s’agit de la jeune fille, non de la vierge au sens qu’elle n’a pas la marque de relations sexuelles. En effet en hébreu il s’agit du mot « alma », jeune fille, et non de « betoula », vierge. Dans la Septante, le mot est « parthenos », non cependant dans le sens qui lui est propre de vierge, mais de jeune fille, car selon l’usage, la virginité était propre et obligatoire aux femmes de cet âge. Également, dans la Vulgate, le mot « parthénos » est traduit par « virgo ». Deuxièmement, le mot « alma » est précédé de l’article, « ha alma », et ne désigne donc pas une jeune fille précise, mais « la » jeune fille, désignant collectivement toutes les jeunes filles existant dans une ville ou une époque, donc en Judée, pendant le cours d’enfance des filles nées à partir du signe donné. On peut affirmer, par exemple, qu’en France la jeune fille française d’aujourd’hui n’est pas celle du Moyen-âge. Quant au nom « Emmanuel », il est pris relativement à son signifié : « Dieu avec nous ». Tous les enfants de la période déterminée par le signe s’appelleront Emmanuel, parce que Dieu sera vraiment avec le peuple de la Judée. On remarquera que, dans le texte hébreux, le nom « Emmanuel » est écrit comme une phrase : « son nom avec nous Dieu » : (chemo imanu el). Donc, expressément, il est n’est pas écrit comme un nom, mais comme la signification de celui-ci. Ces remarques suffisent pour déterminer le signe : il ne s’agit pas de l’affirmation : « enceinte – vierge », sens tout à fait étranger à ce deuxième texte. Le signe est par contre la situation paisible de vie des jeunes filles, non troublée par l’occupation tentée par Rançon, roi d’Aram et Peqah, roi d’Israël. Mais dans le récit de la naissance, nous venons de lire que le signe donné par Dieu dans ce texte est le suivant : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel » (Is 7: 14). À la lecture de ces paroles, je ne suis pas seulement étonné mais, franchement, abasourdi. Je me suis adressé à ce texte à l’invitation du récit de Matthieu sur la virginité de Marie enceinte. Or, à la lecture de ce texte, non seulement je n’ai pas trouvé cet oracle de la conception virginale de Marie, mais j’ai constaté qu’il ne fait même pas allusion à la conception du Christ. L’oracle de la naissance du Christ à partir d’une mère vierge est absent, la référence à lui est donc fausse. Mais le fait que l’évangéliste indique ce texte au lecteur pour y trouver la confirmation de l’événement de la conception virginale me pousse à penser qu’il n’est pas un faussaire pour autant, ni victime d’une erreur, mais qu’il écrit dans un état de « rêve ». Ce mot pourrait me faire accuser d’être un critiqueur à scandale, si nous ne venions pas de l’avoir trouvé dans le récit de Matthieu lui-même. L’ange apparaît à Joseph en rêve ! Mais cela nous a obligés à conclure que tout, dans le récit de l’apparition de l’ange à Joseph, devient songe : l’ange, son apparition, Joseph lui-même, qui ne voit l’ange qu’en rêve. J’y ai fait allusion dans l’introduction. L’expression « en rêve » traduit, à mon avis, une fuite par l’auteur de l’évangile de la situation réelle de la naissance de Jésus. En croyant que Jésus montrait être le Christ surtout par sa mort, l’auteur de l’évangile fuit dans son esprit la situation réelle de sa naissance, pour la comprendre en vue de la rédemption. Le Christ ne peut naître que d’une vierge enceinte parce qu’il est le Sauveur. La naissance de Jésus telle qu’elle est donnée par les informations vient à être refoulée, pour être comprise comme issue d’une conception virginale. Étant le sauveur des péchés, Jésus ne peut être contaminé par eux. Sa conception ne peut s’accomplir que dans un sens virginal, par le Saint Esprit. Et de même qu’il a compris la naissance de Jésus à partir de la foi au Christ, Matthieu, l’auteur de l’évangile, ne peut interpréter les Écritures qu’à partir de la même foi. On peut résumer ce que nous venons de lire ainsi : Au premier regard sur le texte d’Isaïe, Matthieu ne tient pas compte du contexte, qu’il refoule pour porter son attention sur la proposition qui prend la forme d’un oracle : « Voici la vierge est enceinte. » Le texte est en grec, et on y trouve le mot « parthenos » qui, au premier sens, signifie « vierge », au deuxième, mais très usité, « jeune fille ». Pratiquement les jeunes filles pas encore mariées étaient des vierges. Ne connaissant pas l’hébreu, Matthieu ignore que le texte n’emploie pas le mot « vierge », (betoula), mais « jeune fille » (almah). Il lit donc « vierge », donnant à l’affirmation la forme d’un oracle dont le sens serait : « Voici la vierge est enceinte » ! Matthieu est ainsi libéré des informations selon lesquelles Marie fut enceinte à la suite d’un péché par viol. Étant vierge, Marie devient La vierge, la seule sans ombre de péché dans sa grossesse. L’a priori de sa foi donne au texte un autre sens, celui qu’il fallait lui donner pour la naissance du Christ. Ce sens semble surgir de l’interprétation des Écritures, mais en réalité il naît du code de la foi au Christ sauveur. |
t382500 : 19/01/2021