ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  création  de  la  femme



Genèse 2: 18-25




Excursus exégétique


Verset 18

Yahvé–Élohim dit : il n’est pas bon que l’Adam soit seul, je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis.







Texte et contexte

Excursus exégé-tique
- Introduction
- Verset 18
- Versets 19 et 20
- Verset 21
- Verset 22
- Verset 23
- Verset 24
- Verset 25

Analyse et interpré-tation du récit





   Qui prononce ces paroles ? Dieu, le sujet du récit, celui-là même qui a créé Adam. Or, s’il n’était pas bon qu’Adam soit seul, pourquoi l’a-t-il fait ainsi ? L’ignorait-il auparavant ? Ou bien n’était-ce de sa part qu’une mise en scène pour démontrer l’impossibilité de la pleine humanité d’un homme célibataire ? La solitude le concerne aussi en tant que prototype de tous les hommes. On remarquera que le texte ne dit pas « Adam », mais « l’Adam », l’hom­me.
   Dieu s’adresse logiquement à lui-même, mais puisqu’il est nommé « Yahvé-Élohim », on peut supposer qu’en lui s’unissent deux personnalités divines, « Yahvé », le Dieu qui s’est manifesté à Moïse (Ex 3 - 4) et « Élohim », le Dieu de la création du premier chapitre de la Genèse. Laquelle alors de ces deux personnes divines parle-t-elle à l’autre ? Élohim ayant déjà créé l’univers et l’homme, il est logique que ce soit lui qui fasse cette remarque sur la solitude d’Adam. Il le peut parce qu’il en possède, pour ainsi dire, l’expérience. En effet, il avait constaté que tout ce qu’il avait fait, du soleil à l’homme, « était bon » (Gn 1: 10; 12; 18; 21; 25; 31). Ne pouvant donc approuver que Yahvé ait créé l’homme sans la femme, alors que lui-même l’avait fait mâle et femelle, il avertit son partenaire « qu’il n’était pas bon que l’homme soit seul ». Yahvé se décide, pourrait-on dire, à compléter la création de l’hom­me par celle de la femme, à la suite de la remarque d’Él­ohim.


   Ces notations précritiques donnent un aperçu de l’équi­voque du texte avant qu’on en ait déterminé la structure littéraire et épistémologique. Entrons donc dans l’exégèse du récit, en en recherchant le sens.

   D’abord, la « solitude » d’Adam. Il est seul (lebad), mot fréquent dans la Bible, qui désigne les différentes situations de solitude : Seul, l’homme poursuivi comme l’oiseau sur le toit (Ps 102: 8) ; seul, le lépreux (Lv 13: 46) ; seuls aussi une ville déserte (Is 27: 10), un peuple délaissé (Mi 7: 14). Pour Adam, le mot contient un suf­fixe : « lebedo ». Solitude réelle qui atteint l’âme, puisque ce suffixe donne à penser qu’Adam se trouve dans l’im­possibilité de rencontrer un autre être semblable à lui, car non seulement celui-ci n’existe pas encore, mais il n’a mê­me pas été envisagé lors de la création. Le regard d’Adam est dirigé sur lui-même (le-do), comme pour y rechercher l’autre qu’il ne découvre pas à l’extérieur.
   « Je lui ferai une ‘aide’ qui sera comme son vis-à-vis. » Réponse de Yahvé, qui assure à Élohim le prolonge­ment de sa création ? Ou explosion en Yahvé lui-même de la parole qui engendre l’acte créateur ? « Je lui fe­rai » (Asah) : ce verbe exprime cet acte, le faire corres­pond au dire. Dans la solitude, Adam découvre qu’il n’est pas encore une personne accomplie pour vivre pleinement sa nature humaine.

   Il s’agit d’une « aide » (Hezer) au sens de « second », c’est à dire d’un être qui l’assiste dans sa solitude, et donc semblable à lui, son « vis-à-vis » qui lui permettra de se voir et de se reconnaître en tant que personne humaine. Le texte ne permet pas encore de comprendre que ce « vis-à-vis » est une femme.
   Étrangement, Adam est un homme incapable de rela­tions avec d’autres hommes, parce qu’il n’existe pas en-dehors de lui-même. L’humain s’épuise en lui. Homme solitaire, il est l’homme. En cela, le récit yahviste se dis­tingue de la narration élohiste, où Dieu crée l’homme mâle et femelle, pour que la nature humaine s’incarne en deux individualités : celles de l’homme et de la femme. Selon le récit yahviste, Yahvé crée un individu unique, « l’Adam », qui englobe l’humain tout entier. La solitude d’Adam est profonde, car elle surgit du conflit intérieur entre nature et personne.
   Cependant, Dieu veut le soustraire à cette solitude par un acte qui le délivre d’une manière d’être homme, en vue d’une existence personnelle délivrée de lui-même. L’aide dont il veut le seconder, est cet autre « qui s’élève (kene­gedo du verbe nagad, s’élever) devant lui comme (ke) son vis-à-vis », c’est à dire une nouvelle créature qui n’exis­tera pas pour elle-même mais pour Adam, comme son secours et son salut.
   Une personne qui le regardera, pour qu’il puisse se voir comme dans un miroir : un acteur représenté à lui-même, au moment où il se cherche.






Le 6 juin 2001




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t472018 : 25/07/2017