ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La  création  de  la  femme



Genèse 2: 18-25




Excursus exégétique


Verset 19

Et Élohim-Yahvé forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel et les fit venir vers l’homme pour voir comment il les appellerait.


Verset 20

Et l’Adam donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais pour l’Adam il ne trouva point d’aide semblable à lui.







Texte et contexte

Excursus exégé-tique
- Introduction
- Verset 18
- Versets 19 et 20
- Verset 21
- Verset 22
- Verset 23
- Verset 24
- Verset 25

Analyse et interpré-tation du récit





   a name="tbaa">Dieu crée les animaux pour parfaire la construction du monde et a name="tbab">il les fait venir vers l’homme afin qu’il leur donne un nom, ce qui implique que a name="tbac">Dieu lui ait confié de gouverner la terre d’où il l’a tiré, et de soumettre les vi­vants aux lois de la nature a name="tbad">qu’il a établies. Pour cela, a name="tbae">Adam devait connaître aussi bien leurs lois, leurs espèces et leurs comportements, que le climat des régions et le cycle des saisons. C’est une tâche unique, car l’homme est le médiateur auquel a name="tbae">Dieu confie l’ordre de l’univers : a name="tbaf">il est le « vice Dieu », le Dieu visible.

   Cependant, l’affirmation « Pour l’homme, il ne trouva point d’aide semblable à lui » est étonnante : Dieu espérait-il donner à l’homme « un second », son « vis-à-vis », par la création des animaux, ou le récit se sert-il d’un procédé psychologique pour faire comprendre que l’aide ne peut venir que de l’homme lui-même ? Mais il peut être choquant de laisser supposer au lecteur que l’homme trouve un « vis-à-vis » chez les animaux, et que ce « vis-à-vis » est la femme.
   Quoiqu’il en soit, le texte témoigne que l’homme ne peut avoir d’aide semblable parmi les animaux, et que la femme, son second, surgit de l’humain et non de la bête. Cependant (soit dit par anticipation), ce texte est condition­né par l’image négative de la femme, puisque, comme on le verra ensuite, elle vient de l’homme, mais comme le corps de son corps, sans que Dieu lui donne une âme, dont l’homme la gratifiera par un processus de partici­pation. La question de savoir si la femme a une âme, am­plement débattue au Moyen-Âge, serait donc beaucoup plus ancienne.

   Quant au masculin d’« aide », on pourrait imaginer que Dieu a voulu former un individu de même sexe, mais dans la proposition suivante il est bien précisé qu’il s’agit d’une femme. Dans sa solitude, Adam ne souffre pas comme individu, mais dans sa personnalité universelle, comme homme global. Il souffre parce que l’humanité, qu’il inté­riorise, ne parvient pas à se diversifier, à s’extérioriser et à exister comme une personne. Dès lors, l’aide que Dieu lui donne devra connaître une nouvelle création atteignant son individualité, et surtout sa nature qui devra se détacher en deux individualités distinctes.

   À ce point, une question peut venir à l’esprit du lec­teur : Élohim, associé à Yahvé dans cette création, n’a-t-il pas déjà créé l’homme et la femme ? Si la femme a été créée et qu’elle existe véritablement, comment accepter cette création nouvelle ? Mais si elle n’est pas nouvelle, comment la présenter comme identique ? Ceci impose d’avoir présent à l’esprit la différence des deux narrations de la création du premier et du second chapitres de la Genèse.
   Remarquons seulement, à propos de la première, qu’elle est le remaniement d’un mythe antérieur, où Dieu est un couple qui ne crée pas l’homme mais l’engendre, comme un être bisexuel et androgyne. Élohim est le Dieu issu du processus de démythologisation de ce couple, un Dieu qui s’adresse à lui-même par un « nous » plutôt que par un « je », et se présente comme une « conscience », dont l’unité est la rencontre des oppositions distinctives des êtres. « Élohim » est un Dieu dont la parole est dialo­gue. Il crée l’homme à l’issue d’un dialogue au dedans de lui-même et pour un dialogue au dehors de lui, opérant dans sa nature une distinction en deux personnes, mâle et femelle, dont l’union reconstitue son unité.

   Quant au récit yahviste, il a été écrit dans l’intention de refouler le Dieu et l’homme de la narration élohiste. En effet, Yahvé est la personnification de l’Absolu dans un « je » qui recouvre l’être : « Je suis celui qui suis » (Ex 3: 14). Il crée l’homme à son image, un être qui récapitule dans son individualité sa nature globale qui porte en elle le mâle et la femelle. Dès lors, il n’est en lui-même ni mâle ni femelle : un être neutre. Il n’est pas un ich, un homme, mais l’Adam qui incarne tout homme.
   Ceci permet de discerner le tragique de sa solitude : il ne parvient pas à trouver la femme, qui n’existe que dans la virtualité de sa nature. Comment Dieu peut-il donner une femme à l’homme, si elle se cache en lui ? Seulement en le soumettant à une opération qui l’extirpera de lui.






Le 6 juin 2001




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t472019 : 30/03/2012