ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Autobiographie








Sous le Christ, Jésus



P. Danet : Magnum dictionarium latinum et gallicum, MDXCI 



EN SARDAIGNE



LE DÉPART



L’ITALIE



PUIS LA FRANCE


Sur les routes du protes-
tantisme


Sous le Christ, Jésus


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a thèse de doctorat avait comme objet les écrits de jeunesse de Vico, et non la Scienza nuova, œuvre de la maturité. Mais j’avais en tête d’approfondir la pen­sée de celle-ci, qui plus que l’autre me tenait à cœur.
    L’affirmation que l’origine culturelle du peuple était l’expression de jeunes enfants, mythique et loin de la conscience réflexive rationnelle de la maturité m’avait frappée. Il exprimait la nature de cette origi­ne culturelle par la proposition, qui était pour lui un « principe » : mythe = logos ; la parole est mythe, et le mythe parole.
    Cette affirmation est suivie d’une autre, plus complexe, qui divise le développement de la culture en trois ères : l’ère des Dieux, l’ère des héros et l’ère de l’homme. Dans les deux premières ères, il ins­cri­vait la religion judaïque et la chrétienne, la première dans l’ère mythique des Dieux et la seconde, celle du Christ, dans celle des héros. Jésus-Christ un hé­ros ? Vico n’eut pas le courage de l’affirmer philo­sophi­que­ment, sans doute par peur de l’inquisition, mais il la supposait. C’était le nouvel apport du Vico de la Vita nuova ! Nouveauté qui m’avait amené à chan­ger radicalement la structure philosophique de ma pensée : de docteur en théologie dogmatique j’étais passé à docteur en philosophie du mythe.

    Le problème de Jésus-Christ s’imposa alors com­me le premier des problèmes de ma recherche, con­duite à travers l’analyse des évangiles. Dans l’or­tho­doxie, Jésus-Christ surgit de l’esprit par voie théo­logique, que l’on parte du péché ou de la finitude de l’homme. Du péché, en ce sens que c’est l’existence du péché qui, pour être absout, exige le Christ : si l’homme n’avait pas péché, dit Thomas d’Aquin, le Christ ne serait pas venu. De la finitude, en af­fir­mant qu’il serait quand même venu pour donner à l’homme sa perfection (Duns Scott). Mais, pour les modernes, le Christ ne peut venir à l’esprit que dans les Écritures qui l’ont annoncé : les passages mes­sia­niques de l’Ancien Testament, et le Jésus-Christ du Nouveau. Il n’y a pas d’autre « lieu » où nous puis­sions le trouver. Ennio Floris raconte
    Le problème est complexe. Reconnaître Jésus com­me Christ d’après les évangiles, quand il n’exis­te pas d’autre texte profane, de valeur historique, qui parle de lui. Il faudrait alors prendre au sérieux le mes­sage des évangiles, sans supposer l’existence de Jésus ; comme plusieurs l’affirment, et parmi eux le plus célèbre, Bultmann. Ou alors, comme toute l’or­tho­doxie, se fonder sur les évangiles, en prenant au sérieux l’affirmation de Luc dans son prologue selon laquelle ils reposent sur le témoignage « occulaire » de ses disciples (Lc 1:1-2).

    La clef me fut offerte par l’affirmation de Jean, auteur du quatrième évangile, selon lequel celui-ci a été écrit pour qu’on croie que Jésus est le Christ (Jn 20:31). Mais croire que Jésus est le Christ n’est pos­sible qu’à trois conditions : d’abord que l’on con­nais­se le Christ, en deuxième lieu qu’on ait une con­naissance de Jésus, enfin que l’on ait la possibilité d’établir un parallèle entre l’un et l’autre, et trouver des convergences permettant d’affirmer que l’un est l’autre. Ces conditions supposent que l’on ne peut dé­terminer que Jésus est le Christ que par l’in­ter­mé­diaire d’un jugement. Mais comment pouvons-nous connaître le terme de ce jugement, à savoir que le Christ est Jésus ?
    Quant au Christ, il faut revenir aux passages dits « messianiques » de l’Ancien Testament, c’est-à-dire ceux qui parlent du « Messie » (oint, consacré par Dieu, en grec Cristo), personnage que Dieu pro­met d’envoyer dans le monde pour accomplir ses pro­messes. Et Jésus ? Un homme historique, que l’on connaît par quelques informations. Le jugement « Jésus est le Christ » sera possible si l’on constate une convergence qui légitime leur identité.
    Maintenant je demande ce que disent les évan­gi­les pour qu’en les lisant on croie que Jésus est le Christ ? À la rigueur, on pourrait attendre d’eux qu’ils nous fassent connaître le Christ, puis Jésus, avec les informations appropriées, et qu’ils cher­chent à mettre en relief la convergence entre l’un et l’autre. Mais en réalité ils ne cherchent pas à suivre ce processus logique, préférant présenter Jésus per­son­nalisé en Christ, et celui-ci personnalisé en lui. Le lecteur se trouve donc devant un sujet qui est Jé­sus-Christ. Certes, nous noterons que tous les évan­gélistes définissent Jésus sur le modèle du Christ des Écritures, mais nous ne trouvons que l’affirmation, et pas l’argumentation. Pour le croire nous devons ar­gumenter, mais pour argumenter croire. On dira alors que le lecteur peut croire en lui ou par un ju­ge­ment de valeur, par l’impact que l’Évangile a sur lui comme parole de Dieu, ou par son autorité comme parole de Dieu.

    Quant à moi, je vois dans les évangiles un do­cu­ment dans lequel j’ai pu trouver la genèse de la foi en Jésus-Christ, et par conséquent le processus de la phénoménologie de cette foi.
    Mais je dois analyser le texte pour retrouver les interprétations des Écritures faites par les évangé­lis­tes et les informations sur Jésus, enfin les critères qui leur ont permis l’identification de Jésus avec le Christ des Écritures. En soumettant le texte à cette analyse, je m’aperçois que les évangélistes ont avant tout interprété les textes des Écritures sur le Christ, les modelant sur une image de lui préconçue. La re­production est en réalité une interprétation du texte. De même, pour ce qui est de Jésus, ils se sont servis de l’information après l’avoir manipulée pour l’adap­ter au Christ de l’interprétation, ou carrément supprimée pour être remplacée par une information créée pour cela.
    On peut affirmer que le Jésus du texte n’est pas une narration de Jésus, mais une scène dans laquelle Jésus est présenté comme acteur du personnage du Christ. Les évangiles ne sont pas des narrations, mais des représentations théâtrales sous forme de narration.

    Cependant si, au lieu de suivre le texte dans ce qu’il dit, nous cherchons par l’analyse à dissoudre son discours en ses éléments, de façon à faire le che­min inverse de sa construction, nous serons en me­sure de retrouver la source, tant du Christ que de Jésus. Pour le Christ, cela permettra de retrouver les textes dans leur originalité, et d’arriver à connaître leur aliénation par l’interprétation. Pour Jésus, de re­trou­ver l’information interpolée ou effacée, avec la possibilité de la reconstruire au moins partiellement.
    L’analyse démontrant qu’il existe dans le texte un Jésus qui n’est pas produit par le sens de l’inter­pré­tation mais déformé par lui, devient une possible dé­monstration de l’existence de Jésus par critère in­ter­ne. Cela manquait jusqu’à maintenant, soit parce qu’on en niait la possibilité, soit parce qu’on con­si­dérait le texte comme un document historique dans son ensemble.
    Ceci est l’apport de mon livre Sous le Christ, Jésus. En d’autres termes, Jésus existe sous le Christ de la narration du texte. Ce livre présente une mé­thode d’analyse que l’on peut dire archéologique dans le sens où « Jésus est le Christ » est une affir­ma­tion archaïque, mais qui peut servir de base à une autre présentation, comme dans tant de monuments d’antan pris comme base d’une construction plus ré­cente.




Rédigé de 2009 à 2012




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t505900 : 23/12/2020