Sommaire
Introduction
L’intrigue du récit
Le sens du message
Le statut du mariage
- Le Deutéronome
- Les tentatives de réforme
Le sens du codicille
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Dans le Deutéronome
La recherche nous mène au Deutéronome, dans un passage concernant les époux qui ne cohabitent pas encore avec leur épouse et sont appelés à s’engager dans un combat. Moïse, auteur supposé du livre, les invite à aller tout d’abord rencontrer leur épouse, puisque le combat les met en danger de mort : « Qui est fiancé à une femme (eras) et ne l’a point encore prise ? Qu’il s’en aille et retourne chez lui, de peur qu’il ne meure dans la bataille et qu’un autre ne la prenne » (Dt 20:7).
La raison principale de ce texte est sans doute que l’époux doit assurer sa descendance, au cas où il mourrait, mais ce passage met aussi en évidence la nécessité de ne pas laisser le mariage inaccompli.
Un autre problème suscita le souci des législateurs, celui du mariage avec des femmes étrangères, problème d’une particulière gravité puisqu’il impliquait le renoncement au mariage avec une femme juive, en faveur du mariage défendu et considéré comme une abomination avec une femme étrangère. Ces mariages furent fréquents pendant et après l’exil.
Rapportons-nous au récit de Néhémie, qui revient de Suse à Jérusalem, envoyé comme gouverneur par Artaxerxés. Il fait restaurer les murailles de la ville, reprendre le culte, rassembler le peuple pour entendre la lecture de la Thora par Esdras. L’attention du gouverneur se porte aussi sur la situation morale du peuple ; il se rend compte que « des juifs avaient pris des femmes Ashdodites, Ammonites et Moabites… je leur fis des réprimandes et je les maudis… vous commettez un grand crime et vous péchez cotre Dieu en prenant des femmes étrangères » (Ne 13:23).
Nous trouvons la même attitude chez Esdras, qui obligera les hommes à renvoyer les femmes étrangères et à se purifier de leur infidélité (Esd 10).
La réforme de Néhémie marquait sans doute un retour à l’alliance des pères, mais par le biais de la Thora et des traditions du judaïsme, ce qui était compréhensible puisqu’il s’agissait aussi du rétablissement de la nation dans sa structure sociale et politique comme dans sa culture. Or Moïse avait défendu le mariage avec des femmes étrangères tout en donnant aux hommes le droit de divorcer. Néhémie restait conforme à cette tradition, puisqu’il reprochait aux juifs leur infidélité non pas parce qu’ils avaient divorcé mais parce qu’ils avaient épousé des femmes étrangères.
Le statut du mariage juif était fondé sur la subordination totale de la femme à l’homme, qui en était le maître. Gardons présent à l’esprit que le verbe « bahal » signifiait à la fois se marier et cohabiter, et posséder et dominer. Le verbe étant le même, un homme, en épousant une femme, la possédait et la tenait en son pouvoir (bahal), en sorte que l’épouse était « bahoulah », c’est-à-dire possédée et dominée. Étant « dominée », la femme appelle son mari « maître » (bahal), et reconnaît en lui celui qui l’a choisie selon son bon plaisir, qui la constitue comme épouse parce qu’il l’achète et la fait « sa femme » parce qu’il la possède, soumise, comme une servante amoureuse dans sa maison et sous son nom. De même qu’il l’a choisie et déclarée comme son épouse selon son bon plaisir, il peut la répudier selon son bon plaisir (1).
Mais venons-en à la loi principale du statut du mariage selon le code deutéronomique, celle du divorce, permis seulement aux hommes (Dt 24). Alors que la femme ne peut se séparer que si elle est trompée, l’homme peut renvoyer sa femme si « elle ne trouve plus de grâce à ses yeux » parce qu’elle a commis une « chose honteuse », c’est-à-dire désagréable pour sa sensibilité sexuelle, motif qui demeure subjectif, puisque l’homme en est seul juge ( Dt 24).
Moïse avait donné une loi conforme à la situation sociale du peuple, en train de quitter le désert pour conquérir la « terre promise », il fallait dans le mariage aussi un chef qui en assume la maîtrise, la raison sociale et politique primant sur les raisons morales. D’ailleurs, Moïse ne s’était-il pas lui aussi remarié avec une Éthiopienne, jusqu’à susciter les critiques de sa sœur Marie puisqu’il était déjà marié avec Sephora, fille de Jethro ? (Ex 2:21 ; Nb 12:1).
Cette loi nous permet de comprendre le comportement des juifs en exil. Leur vie dans des pays étrangers les mettait en situation de vivre selon les possibilités qui leur étaient offertes, et ils n’avaient pas de scrupules pour divorcer de leur femme puisque cela faisait partie de leur droit. Le fait qu’il s’agisse de femmes étrangères n’avait pour eux plus de sens, puisqu’ils vivaient déportés chez d’autres peuples et que ces mariages pouvaient améliorer leurs conditions d’existence.
Quant aux réformateurs, ayant pour but de reconstituer la ville et le culte, la tradition et la conscience sociale, ils étaient plus touchés par le mariage avec des femmes étrangères, en contradiction avec la judéité, que par le divorce qui était un droit reconnu par la Thora.
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(1) Voir l’étude d’Ennio Floris Jésus rejette la loi sur le divorce (2001). 
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