ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisProméthée et Jésus : |
Deuxième partie : |
Sommaire Introduction Dieu, le Sauveur et la mort Le mythe d’Io et l’évangile de Marie - Dieu et la vierge - La fortunée et la graciée - Le souffle et l’esprit - Les persécutions - Les naissances . Kanobos . Bethléem - Les vierges - Épaphos et Jésus - Prométhée et Siméon Conclusion théologique . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
BethléemDe même qu’Io, menacée de mort par Héra et Argos, fuit ensuite sous les morsures du taon jusqu’à la terre de Zeus, de même Marie, menacée de mort par la loi et par Hérode, est amenée dans « la cité de David » par un recensement de César Auguste (Lc 2:1). Ce recensement joue dans le récit de Luc le même rôle que le taon dans le mythe. Le taon a, en effet, un double but : par ses morsures, il est symbole de la volonté d’Héra qui cherche à faire avorter Io, tandis que par son vol il réalise la volonté de Zeus qui pousse son épouse vers sa cité afin qu’elle y accouche par l’effet de son attouchement. Le recensement aussi a pour but de conduire Marie à Bethléem, afin qu’elle enfante le rejeton de David dans la cité du roi. Mais, par ses incommodités et ses dangers, il est pour Marie une source de peines et de morsures morales et physiques. Si le voyage de Marie est court, la peur de l’avortement, le souci pour la santé de l’enfant, l’angoisse de ne pas trouver une chambre pour accoucher, rendent sa situation fort semblable à celle d’Io. « Il n’y avait pas de place pour eux dans les hôtelleries » (Lc 2:7). L’expression « pour eux » trahit l’intention de Luc de souligner que les hommes refusent le fils de Dieu, de même que le fils d’Io est refusé par les dieux. Tué virtuellement par la loi, recherché par Hérode, méconnu par l’empire romain bien qu’il naisse au moment du recensement, le fils de Marie ne peut pas naître dans les cités des hommes. Marie comprend qu’elle ne peut pas accoucher comme toutes les autres femmes ; après avoir erré de porte en porte, toujours chassée, elle aboutit loin des humains, dans le lieu de pâturages où Dieu avait choisi David. Petit village dans le jeu politique et économique de la nation, Bethléem représente le point spatial de l’élection de Dieu pour son royaume. Héritier des promesses de Dieu et de son royaume, le fils de Dieu doit naître dans la cité de David. La narration de Matthieu nous parle, comme le mythe, de l’orient. Au lieu cependant de pousser Marie vers l’orient, il fait venir l’orient vers Marie pour le faire aboutir au Christ. « Voici que des mages d’orient arrivèrent à Jérusalem » (Mt 2:1). Ces mages sont la personnification des empires orientaux, qui ont été le support de la civilisation et de l’histoire du peuple juif. Ils viennent pour adorer le roi des juifs. Babylone, l’Assyrie, la Perse et tous les anciens empires qui avaient écrasé par leur puissance et par leur grandeur le petit royaume de Juda, viennent maintenant rendre hommage au roi des juifs, comme des vassaux aux pieds de leur maître et seigneur. L’étoile qui les précède, c’est la lumière qui se déplace de l’orient en Palestine, des villes des grands rois vers la cité de David. Comme dans le mythe, dans l’évangile aussi le centre spirituel de l’histoire se déplace. L’orient est là où l’étoile s’arrête ; la royauté, symbolisée dans les cadeaux des mages, est confiée au fils de Dieu, né de la vierge Marie. L’orient perd sa signification spatiale pour se personnifier en Jésus, de même qu’il avait été personnifié en les mages. Lorsque ceux-ci quittent Bethléem, ils ne retournent pas « vers l’orient », mais « dans leur pays ». Appelée dans la cité de David Marie, ne trouvant pas de place, avait couché son enfant « dans une crèche ». La théologie et la piété chrétiennes ont vu dans cet événement l’expression de la pauvreté de Jésus, de son détachement du monde. Celui qui n’aura pas un grabat pour mourir n’a pas eu un berceau pour naître. Le mythe d’Io nous donne le motif d’une nouvelle réflexion. Marie accouche dans une crèche parce que son fils ne pouvait pas naître comme un homme : ayant conçu du Saint Esprit, en dehors de la loi et de la nature, son accouchement revêt une forme qui n’est pas concevable pour l’homme, c’est un phénomène anormal, c’est un événement monstrueux, voici un homme qui naît comme un petit de jugement… Ce prodige suscite l’étonnement des bergers de Bethléem, comme la forme monstrueuse d’Io soulevait la stupeur des habitants de Kanobos. Lorsque les anges donnent aux bergers un signe par lequel ils reconnaîtront le fils de Dieu, ils indiquent la crèche : « Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : un enfant emmailloté et couché dans une crèche » (Lc 2:12). Le prodige ne concerne pas seulement l’enfant, mais aussi sa mère car, si la crèche rend l’enfant prodigieux, elle présente Marie comme monstrueuse, elle qui a accouché à la façon d’une bête. C’est par ce signe que les bergers reconnaissent dans l’enfant leur Messie, de même que les hommes de Kanobos le fils de Zeus. Au sujet de l’accouchement, le récit évangélique est plus laconique que la narration du mythe. Le Dieu qui était intervenu par son souffle dans la conception semble être absent au moment de la naissance de l’enfant. La différence entre les deux récits tient dans le fait qu’en Marie tout a déjà été accompli au moment de l’annonce, tandis que pour Io tout est encore à accomplir. La parole qui devient chair en Marie aussitôt qu’elle a été reçue, doit s’accomplir en Io par la souffrance et l’angoisse. Dieu n’est absent qu’en apparence au moment de la naissance de Jésus, car l’ombre de sa puissance est toujours avec Marie. C’est pour cela que Marie garde pendant la gestation un silence et une paix qu’Io recevra seulement au moment de son accouchement. Marie n’a pas besoin d’une nouvelle intervention de Dieu pour être transformée, car elle a été renouvelée par le souffle qui l’a fécondée. De même qu’Io, Marie est la nouvelle femme que Dieu offre aux hommes à la place d’Ève. Celle-ci a été la mère d’une génération pécheresse, Marie, par contre, est la mère du fils de Dieu. Elle est le prototype de la femme délivrée des malédictions que Dieu avait prononcées sur Ève à cause de son péché. Ève est la femme reine par orgueil, Marie la femme servante de Dieu par l’obéissance à sa parole. Au moment de l’accouchement, Marie est seule. Joseph, bien que présent, n’intervient pas dans l’événement. Marie accouche sans aucune aide, elle emmaillote elle-même son enfant et le dépose dans la crèche. Aucun signe de douleur sur son visage, la malédiction annoncée depuis Ève est effacée. Éloignée des hommes comme Io, elle est vierge plus qu’Io, car elle l’est aussi aux yeux de Dieu. Au sein de cette paix et sous le signe visible de la monstruosité, l’enfant naît sans besoin d’aucun attouchement de Dieu. Car Dieu ne l’a pas abandonné, comme Zeus abandonna l’enfant d’Io ; il est resté en lui par la présence de son esprit saint. |
![]() ![]() ![]() ![]() t920520 : 06/02/2021 |