ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Prométhée et Jésus :
d’Eschyle aux évangiles


(esquisse d’une théologie du mythe)





Deuxième partie :
Le mythe d’Io et l’évangile de Marie

V – La naissance du fils de Dieu




Sommaire

Introduction

Dieu, le Sauveur et la mort

Le mythe d’Io et l’évangile de Marie
- Dieu et la vierge
- La fortunée et la
  graciée
- Le souffle et l’esprit
- Les persécutions
- Les naissances
  . Kanobos
  . Bethléem
- Les vierges
- Épaphos et Jésus
- Prométhée et Siméon

Conclusion théologique



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Kanobos


   Nous avons laissé la future mère du mythe continuer sa course folle, sous les morsures du taon. Elle espère trouver un peu de repos dans la terre de Cypris, mais c’est dans cet endroit que la bête persécutrice devient tellement insistante et mordante qu’Io s’élance désespérée vers la terre d’Égypte.

   Pourquoi en Égypte ? Jusqu’à ce moment, Io ne s’était pas aperçue que le taon, tout en obéissant à la jalousie d’Héra, était guidé par la volonté de Zeus (Prom. 673). Ses piqûres étaient bien l’expression de la jalousie de la déesse, mais le chemin par lequel il faisait marcher la génisse était tracé par Dieu. Le grand roi n’avait pas abandonné l’enfant et sa mère à la vengeance de l’Olympe : dans ce voyage qui semblait, à première vue, aveugle et sans frein, c’était Zeus le pilote, lui qui utilisait la haine de son épouse pour amener la jeune-fille sacrée vers l’orient, dans la terre qui était la sienne, au delta du Nil.
   Eschyle décrit la terre de Zeus comme un jardin arrosé par les eaux du Nil et plein de toutes sortes de fruits : les eaux et les fruits sont le symbole de la fécondité céleste. Cette terre est aussi éclairée par le soleil, qui exprime l’amour de Dieu se répandant sur les humains. Io est amenée dans la terre de Zeus afin d’enfanter dans la maison du père, à l’abri de tout danger. La ville que Dieu a établie comme lieu de la naissance est Kanobos (Prom. 845), petit promontoire qui surgit des eaux, comme une terre sauvée du déluge.
   C’est sur ce promontoire que s’opère le premier miracle : Io retrouve un visage humain, bien que restant génisse pour le reste du corps (Prom. 846). Zeus a voulu dévoiler en partie le mystère que cachait son épouse terrestre. Io devient donc un monstre qui suscite l’attention des hommes en les appelant à la connaissance et à l’admiration de ce que Dieu accomplit pour eux. Saisis d’une peur indicible devant l’horrible prodige, ils comprennent seulement lorsqu’Io pleure. Ce sont les larmes qui annoncent la délivrance, ce sont les larmes humaines que Zeus essuiera de son souffle.

   L’attente religieuse des hommes crée l’ambiance de la venue du fils de Dieu. On suppose, en lisant le texte, que Zeus est là, mais on ne voit pas son visage : invisible aux yeux, il ne peut être saisi que par l’intelligence. Ce qu’on voit, c’est Io, qui s’offre à Dieu pour être par lui comme une matière transformée et recréée. Son visage humain est le signe qu’elle est encore prisonnière de la matière, visage éclos du corps de la génisse comme une fleur d’une terre boueuse.
   L’invisible alors souffle sur son visage, et Io sort de la génisse, elle naît toute entière, purifiée de sa démesure, délivrée de sa souffrance, s’offrant aux regards des dieux et des hommes comme une femme nouvelle. Elle est la femme de race divine, la femme qui s’accomplit et se définit dans sa maternité, elle est la nouvelle femme que Zeus donne aux hommes, pour remplacer celle qu’il avait offerte en Pandore. Par cette dernière, les hommes avaient reçu le piège de leur vie, la compagne de leurs erreurs et de leurs souffrances ; par Io, Zeus donne aux hommes la mère d’une humanité renouvelée.

   La gestation de l’enfant divin ne suit pas les lois naturelles de la grossesse. C’est Zeus qui a fixé le temps pendant lequel son mystère doit rester caché aux hommes, et le temps de sa révélation. L’enfantement représente précisément le moment de cette révélation : après avoir soufflé sur Io, Zeus étend doucement son bras et touche la jeune mère du bout de ses doigts (Prom. 843).
   Ce geste est le signe de la puissance divine : Zeus n’a pas besoin de façonner l’homme pour le faire naître ; il ne parle pas, il ne bouge pas, il touche seulement de son doigt, pour exprimer que l’enfant qu’il a conçu naît de sa volonté.
   En effet, aussitôt qu’elle est touchée par Dieu Io accouche. Aucune souffrance sur le visage de la mère : elle enfante son fils dans la joie et dans la paix. On doit remarquer aussi qu’Io est seule, l’homme étant éloigné de son accouchement comme il l’avait été de sa conception.
   Si Io n’est pas vierge aux yeux des immortels, elle l’est toujours par rapport aux hommes. Zeus a voulu rester seul pour que le fils né d’Io soit vraiment à lui, coupé de tout héritage avec la génération historique des hommes. Et si les hommes s’approchent de la mère, c’est seulement pour adorer le prodige de Dieu.



c 1960




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t920510 : 05/02/2021