ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie



Jérusalem,  ville  de  paix ?




Les deux grandes lignes culturelles



1- Le messianisme temporel



La logique ou l'art de penser, de Nicolle et Arnauld, 1664





Présentation

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Les deux grandes lignes culturelles
Messianisme temporel
Mouvement prophétique

Jérusalem aujourd'hui



e messianisme temporel a eu pour conséquence la plus évidente le « nationalisme » et la « constitution de l'État ». À l'origine, sans doute, on trouve cette controverse dont témoigne l'Ancien Testament au­tour de l'« institution de la royauté » (cf. 1 Samuel, chapitre 8). Dans le dialogue entre Samuel et le peuple apparaît déjà cette dialectique entre le « charismatique » et le « dynastique ».
   Avoir un roi comme les autres nations », ce sera pour les uns un signe d'« infidélité » et pour les au­tres le signe qu'Israël est « comme les autres » et l'affirmation de son identité envers ses voisins, les Philistins (« Palestiniens ») particulièrement. Ce sera également le moyen de s'unifier politiquement dans le cadre d'un État (sous Saül, d'abord, puis surtout sous David et Salomon). Voilà donc nettement présentes les deux tendances, royaliste et anti-royaliste.

Quel est le lien avec la terre de Palestine ? Il con­vient de se rappeler que la terre de Canaan (ou de Palestine) avant l'installation des « tribus israéli­tes » (qui est difficile à préciser : sans doute entre 1500 et 1200 avant Jésus-Christ) n'était pas une terre déserte. Sans remonter à la préhistoire, la terre de Palestine a connu trois grandes périodes : une période « babylonienne » (1926 avant J.C.) ; puis l'énigmatique période des « Hyksos », probablement d'origine sémite ; enfin, la période « égyptienne ».

La terre de Palestine appartenait alors à l'intérieur du pays aux Cananéens, qui étaient aussi des sémites ; et les Philistins, d'origine égéenne, étaient fixés sur la côte. D'autres peuplades vivaient tout alentour : les Ammonites, à l'est de la Transjordanie ; les Moabi­tes, à l'est et au sud-est de la Mer Morte ; les Édo­mites, au sud-est du futur territoire de Juda. Tous ces peuples étaient loin d'être arriérés. Bien au con­traire, leur civilisation était souvent très avancée et raffinée ; en tout cas, beaucoup plus à l'époque que celle des tribus nomades d'Israël.

Ce lien avec la terre de ">Palestine sera prépondérant au moment de la constitution de ce premier État avec la royauté. Il faudra « conquérir la terre » (ce sera l'installation des tribus israélites), puis « vaincre les résistances » des peuples déjà sur place : ce seront les guerres de Saül et David principalement. On peut déjà affirmer que Philistins et Israélites furent incapa­bles de partager pacifiquement la terre de Palestine.

Ce lien avec la terre a eu un certain nombre de con­séquences. Au temps du nomadisme, les pâturages et les sources furent un « domaine indivis ». Il y avait égalité de nourriture entre le riche et le pauvre.
   Avec la fixation des Israélites, on vit apparaître le « droit de propriété ». Seuls les possesseurs d'une parcelle de terre étaient des « citoyens à part entière » (cf. 2 Rois 15:20) ; mais on vit aussi se préciser la formation de « classes sociales » de plus en plus tranchées (cf. Amos 8:5 ; Osée 12:8-9). On trafiquait sur les terres et sur les grains. Une « aristocratie » prenait naissance, surtout militaire après la royauté, et des grands après Salomon. Ces « grands » réclameront des palais copiés sur celui du roi avec appartements d'hiver et d'été.
   Le bakchich s'étendra. Les riches seront de plus en plus durs envers les pauvres. On opprimera la veuve et l'orphelin ; on s'appropriera les terres des débiteurs insolvables (cf. Amos 2:6-8 ; 8:6 ; Michée 2:2). On verra encore apparaître des « latifundia » à la suite de la disparition de la petite propriété (cf. Isaïe 5:8).

Jérusalem deviendra alors une ville symbole. Pour­quoi le roi David a-t-il choisi « Jérusalem » qui était restée aux mains des Cananéens (cf. 2 Samuel 5:6-9) ? « Jébus » était une place forte qui ne semblait pas prédestinée à devenir une capitale politique, étant trop à l'écart des voies de communication. David s'en empara pour favoriser le rapprochement entre les tribus du Nord (Israël) et celles du sud (Juda) : c'est là que se trouvera le point faible de l'État nouveau, car là, bientôt, se consacrera la « rupture », le schisme en deux royaumes de ce premier État après la mort de Salomon.

Jérusalem sera déjà une ville ambiguë : à la fois signe politique d'unification du royaume, et ville con­testée. En définitive, l'histoire de Jérusalem sera celle de sa contestation et, pour finir, celle de sa ruine. J'y reviendrai à propos du mouvement prophétique. Notons déjà qu'après la mort de Salomon et le schisme en deux royaumes séparés, Jérusalem est devenue une ville contestée par sa rivale du Nord, Samarie. Puis, après la destruction du royaume du Nord et la prise de Samarie par les Assyriens, au 8ème siècle avant J.C., est venu le tour du royaume de Juda au 6ème siècle, avec la prise et la destruction de Jérusalem et du Temple par les Babyloniens. Ce sera la fin de l'espoir nationaliste d'Israël.
   Certes, après l'exil babylonien, l'édit perse de Cyrus permit-il un retour en Palestine de Juifs dé­portés ; mais celui-ci fut loin d'être massif. On trouve là une situation qui n'est pas sans analogie avec celle de nos jours. Une partie importante des Juifs resta en Babylonie, « sur les bords du fleuve », où ils étaient bien intégrés et participaient à la vie générale. L'his­torien juif Josèphe écrit : « Beaucoup demeurèrent à Babylone parce qu'ils ne voulaient pas abandonner leurs biens ».
   Adolphe Lods, de son côté, a écrit : « Pour par­tir, les juifs aisés de Mésopotamie auraient dû les uns liquider à vil prix leurs terres ou leur fonds de commerce, d'autres renoncer à un emploi lucratif, pour aller recommencer leur vie dans un pays pauvre, relativement peu fertile, occupé par d'au­tres et que la plupart d'entre eux ne connaissaient que par les récits de leurs pères. Beaucoup sans doute remirent de pareils sacrifices à des temps meilleurs, se bornant, pour le présent, à soutenir de leurs sympathies et de leurs dons ceux qui avaient le courage de quitter leur nouvelle patrie pour l'ancienne » (A. Lods, Les prophètes d'Israël, page 213).

Une « petite minorité » seulement revint donc en Judée. Alors, débuta la période du « judaïsme » comme société juive, organisée sous la forme, non d'un État, mais d'une communauté à la fois nationale et religieuse. Sans parler de la période troublée des Macchabées, nous arrivons ainsi au début de l'ère chrétienne et à la « domination romaine ». Ce mou­vement national, et même nationaliste, existait en­core, exprimé de manière modérée (et religieuse) dans le « parti des pharisiens », et de manière extré­miste dans le « parti des zélotes ». Enfin, en 70 de l'ère chrétienne, ce fut la prise de Jérusalem par le général Romain Titus et la destruction du Temple, la disparition définitive des Juifs en Palestine.

Il nous faut dire un mot du « Temple de Jérusa­lem ». À cet aspect nationaliste était liée une « idéo­logie religieuse », signifiée par ce sanctuaire religieux, construit une première fois par le roi Salomon, puis détruit en 586 et reconstruit sous Esdras et Néhémie au 6ème siècle avant J.C (520-515), ensuite pillé et déshonoré par Antiochus Épiphane au 2ème siècle avant J.C., puis transformé de fond en comble par Hérode le Grand en 20 avant J.C. ; enfin, définitive-ment détruit en 70 après J.C. par Titus.
   Dès le temps de Salomon, ce sanctuaire religieux semble avoir été un sanctuaire royal, sorte de « cha­pelle du palais », au double but religieux et politique de faire éclater aux yeux des nations voisines la puissance et la richesse de l'État israélite et d'ac­croître le prestige politico-religieux de Jérusalem.
   Plus tard, à l'heure de la menace babylonienne, au temps du prophète Jérémie, le Temple était devenu le symbole de la sécurité d'Israël en tant que peuple privilégié. Malgré la réforme accomplie par Josias, le prophète proclamera le caractère illusoire et trompeur de ce sanctuaire (cf. Jérémie 7:4-7; 26: 2-6). Par la suite, il fut encore un centre de résistance à l'oppres­sion étrangère.

En définitive, ce premier mouvement de l'histoire d'Israël a toujours abouti à l'enlisement d'Israël, souvent à l'exil du peuple, à la destruction de l'État, à la perte de la terre, à l'anéantissement de Jérusalem et à la destruction du symbole exemplaire de la gloire d'Israël, le Temple.




Conférence du 27 février 1968




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tc112100 01/11/2017