ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Pierre CurieJérusalem, ville de paix ? |
Les deux grandes lignes culturelles2- Le mouvement prophétique |
Présentation Les positions protestantes . Options traditionnelles . Options non-conformistes . Options oppositionnelles Les deux grandes lignes culturelles . Messianisme temporel . Mouvement prophétique Jérusalem aujourd'hui |
l s'est exprimé, en particulier avant l'exil, par les grands prophètes Isaïe et Jérémie (pour le royaume de Juda) ; pendant et après l'exil, par Ézéchiel et le Deuxième Isaïe. Ce fut un autre « souffle culturel » qui, le plus souvent, entra en tension, voire en conflit déclaré, avec le mouvement d'un messianisme national et nationaliste, étroitement lié à la terre, à la cité de Jérusalem et au Temple. Cette tension fut salutaire pour Israël. Ce mouvement prophétique, ou « charismatique » (c'est-à-dire qui se déclarait « inspiré ») présenta les caractéristiques suivantes : -- Les prophètes se sont situés à contre-courant de l'opinion patriotique de leur peuple. Par exemple, un prophète comme Jérémie passera auprès du peuple pour un traître à la cause nationale. En effet, ces prophètes de Juda se sont levés à l'heure de la menace et de l'invasion assyro-babylonienne du 6ème siècle avant J.C.. Ils annoncèrent que « la nation périrait sous les coups des envahisseurs ». Ils déclaraient même que cette destruction d'Israël serait le fait du Dieu d'Israël. -- La vie nationale est radicalement viciée. En particulier, la ville de Jérusalem est comparée par ces prophètes à une « enfant trouvée » (Ézéchiel 16:6-7), choisie par Dieu comme l'épouse par l'époux (image pour désigner la prise de la cité par David). Wilhem Vischer écrit à ce propos : « Quand le prophète raconte l'histoire de Jérusalem comme étant l'histoire du mariage de Dieu avec l'enfant trouvée, c'est bien à l'histoire vécue, en temps et lieu, par cette ville qu'il pense, avec toutes ses manifestations de vie, et toutes les phases de son développement, sa vie commerciale et sociale, sa politique et son armée, ses arts et sa science, sa morale et sa religion » (in Foi et Vie, « Le mystère d'Israël »). Mais Jérusalem s'est « prostituée » (Ézéchiel 16:15 , 31 , 33) : « Tu t'es infatuée de ta beauté, tu as profité de ta renommée pour te prostituer. Tu as offert tes débauches à tout venant ». Jérusalem a même été pire que Sodome (Ézéchiel 16:44-52). Le prophète Isaïe utilise la même expression. « Comment est-elle devenue une prostituée, dit-il, la cité fidèle, Sion, pleine de loyauté ; la justice y habitait, et maintenant des assassins » (Isaïe 1: 21, aussi 5: 3-7). Juda et Jérusalem veulent, comme toutes les nations, jouer la politique des alliances, tantôt avec l'une, tantôt avec l'autre des grandes puissances de l'heure : Égypte et Assyrie. C'est pourquoi Juda et Jérusalem seront détruites par ce jeu de pactes. « Malheur à ces fils rebelles... ils exécutent des plans qui ne sont pas les miens et se lient par des pactes que je n'inspire pas » (Isaïe 30:1-5 ; 36:4-6). L'Assyrie détruira Juda et Jérusalem pour vaincre cette coalition politico-militaire. -- Les prophètes et la situation sociale dans le pays. L'oppression des petits et des pauvres, la corruption par l'argent règnent dans le pays (Isaïe 1:16-17 , 23). Tout cela, sous le couvert de la religion hypocrite (Isaïe 1:11-16). C'est pourquoi, il s'agit de « défricher à fond le champ ». « Ainsi parle Yahvé aux gens de Juda et aux habitants de Jérusalem : "Défrichez à fond vos champs, ne semez rien parmi les épines » (Jérémie 4:3-4). Une « circoncision du cœur » (c'est-à-dire un changement complet des attitudes de vie) est devenue une nécessité. -- Le messianisme des prophètes. Les prophètes annoncent l'avènement d'« un roi, fils de David », symbole de justice pour les pauvres de la terre (Isaïe 11: 1-8) qui fera « droit aux malheureux en toute justice », qui rendra « une sentence équitable en faveur des pauvres du pays... le loup habitera avec l'agneau » (Isaïe 61:1-3). Alors, la justice de Dieu sera étendue « à tous les peuples », Israël compris. Surtout après l'exil babylonien, l'idée de « création » et d'« universalisme » se développera chez les prophètes comme le Second Isaïe (Isaïe 40:21,22 , 26 ; 41:4 ; 42:5 ; 43:1 , 7 , 15 ; 44:2, 21 , 24). Ennio Floris exprime ainsi le messianisme universaliste des prophètes : « L'expérience de l'exil a bouleversé la conception religieuse du peuple : ce Dieu créateur dont, aussitôt déporté, le peuple se méfiait parce qu'il était pour lui objet de mythe et de légende, devient maintenant pour tous les hommes sujet de révélation par la souffrance du peuple… Ainsi donc, à travers les bouleversements de l'histoire, les prophètes d'Israël ont annoncé au sein de leur peuple qu'un « processus d'établissement de la justice sur la terre » était engagé (Isaïe 51:4). Cette ligne prophétique a eu un aboutissement dans le christianisme primitif. Certes, je n'oublie pas que l'Église a très tôt détourné ce mouvement à son profit et l'a transformé en un nouveau particularisme : celui de l'Église, précisément. Toutefois, je ne m'y attarderai pas, me limitant à l'« événement » lui-même. En effet, je crois qu'on peut affirmer que, culturellement, socialement (et non seulement théologiquement), « Jésus de Nazareth », qu'on appelait « le prophète de Galilée » (Matthieu 21:11; 46; 16:14 seq), ou encore qui disait de lui-même « qu'un prophète n'est méprisé que dans sa patrie » (Matthieu 13:57), se situe clairement dans ce mouvement prophétique, en opposition au mouvement particulariste, nationaliste et dynastique, comme son « aboutissement » (sa fin) et son « dépassement ». Il y eut, sans doute, une tentative pour relier le christianisme à la lignée nationale et à un messianisme strictement centré sur le peuple d'Israël, sous les traits du « christianisme jérusalémite ». « Jérusalem » devait être le centre du rassemblement de « toutes les nations qui sont sous le ciel » (ce dont témoigne le livre des Actes des Apôtres dans le récit de la Pentecôte). En ce lieu, a surgi la première communauté chrétienne d'origine juive autour de Pierre, puis de Jacques. Par contre, ce fut dans le « christianisme d'origine païenne » (grecque et latine), inspiré par Paul et Jean que ce dépassement de la lignée « judaïque », liée au territoire palestinien et à la société juive, atteignit l'« universalité ». Faisons une constatation : la conscience d'Israël s'est véritablement forgée « hors du pays », loin de Jérusalem, dans « l'exode », « l'exil » et la « diaspora », parfois, hélas, dans la persécution violente. Et cela même si, en permanence, la nostalgie de l'installation ou du retour a été (et demeure) obsédante pour le peuple juif. Certes, au temps de l'Exode, les tribus israélites ne constituaient pas une nation ; mais en dépit de l'absence d'unité visible, elles avaient conscience de former un seul peuple, soudé par une religion commune, exclusive. Ce fut l'oeuvre attribuée à Moïse de créer ce peuple en marche par la fondation d'une religion nationale. Le temps de l'exil babylonien fut le moment où Israël, comme son Dieu national exclu de sa demeure (le Temple de Jérusalem) et exilé parmi les nations, prit conscience des proportions réelles du monde habité et de l'universalité. Puis la grande dispersion depuis 70 après J.C. n'a-t-elle pas approfondi davantage et affiné cette conscience par une « insertion » plus marquée dans les différentes nations ? Cependant, le lien avec la terre a toujours été vivace chez tous les Juifs. Comment expliquer ce paradoxe, ou cette contradiction ? Quand Israël se constitue, non seulement comme nation, mais comme « État » en Palestine, il suscite la tension et il tombe lui-même dans la déformation du nationalisme, voire du chauvinisme. Il connaît alors, de nouveau, l'exil. |
tc112200 02/11/2017