ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Pierre CurieJérusalem, ville de paix ? |
Jérusalem aujourd’hui |
Présentation Les positions protestantes . Options traditionnelles . Options non-conformistes . Options oppositionnelles Les deux grandes lignes culturelles . Messianisme temporel . Mouvement prophétique Jérusalem aujourd'hui |
ous voici parvenus à l’aspect le plus délicat. Je voudrais éviter une analyse purement économique et politique. Cependant, je serai sans cesse en bordure du « politique ». Je souhaite, surtout, dégager un certain nombre de conséquences de l’analyse précédente sur les arrière-plans socioculturels et historiques de ce problème complexe. -- D’abord, l’histoire est irréversible et non cyclique. Il est impossible de faire fi de vingt siècles d’histoire compliquée dans tout le Moyen-Orient. Un retour pur et simple au passé du 1er siècle de notre ère est un rêve et une illusion ; à plus forte raison, au passé des siècles antérieurs de l’histoire d’Israël. -- Il n’y a plus de « peuple élu » : c’est le seconde conséquence. En effet, quel pourrait être aujourd’hui le critère décisif de cette « élection » ? Serait-ce « Dieu » ? Mais alors, comment expliquer que Juifs, Musulmans et Chrétiens qui se réfèrent au même « Dieu unique » soient dans l’incapacité de vivre en paix sur cette terre de Palestine ? Pourquoi, se fondant même sur la trame culturelle du mouvement prophétique d’Israël et du christianisme, ce critère ne serait-il pas plutôt à chercher chez « les pauvres du monde » ? Enfin, est-il raisonnable d’amalgamer aujourd’hui les aspects religieux, économique et politique ? Pourquoi les facteurs mystico religieux seraient-ils des « instruments d’analyse » de façon préférentielle ? -- Il n’y a plus de « terre promise » ni de « terre sainte ». Ou alors, la terre promise et sainte est l’humanité entière. Là aussi, j’essaie de demeurer dans la perspective des prophètes d’Israël et du christianisme. La terre de la promesse est le lieu commun à tous les hommes. C’est sur cette terre commune, dure et aliénante souvent, mais aussi sans cesse promise à toutes les libérations que, désormais, doivent se poser les véritables questions des hommes. Israël a sa place sur cette « terre commune à tous », cette « oikouméné » ; et personne n’a le droit de lui porter atteinte. Les peuples arabes eux aussi y ont leur place, et personne n’a le droit, non plus, de leur porter atteinte. Cette terre du Moyen-Orient doit rester la « terre commune » où Juifs et Arabes, tous deux des Sémites, fils d’Abraham, sont destinés à « vivre ensemble ». -- Jérusalem n’est ni une « ville sainte », ni une « ville maudite » (pas plus que la terre de Palestine). C’est une terre au passé et au présent complexes. C’est pourquoi, Jérusalem peut devenir une « ville symbole », un lieu de rencontres et d’échanges entre Sémites ; mais aussi entre Sémites et non Sémites, entre croyants et incroyants. Devenir le creuset de cultures complémentaires destinées à s’enrichir mutuellement, un terrain de coexistence pacifique de peuples et de nations presque condamnés à vivre ensemble. -- Et l’« État d’Israël » ? Il existe aujourd’hui. Il faut prendre acte de ce « fait », comme il a existé en d’autres périodes de l’histoire sur cette terre particulière. Mais nous devons considérer son existence comme intangible selon les « critères d’aujourd’hui ». Cet État doit être apprécié avec les mêmes critères qui servent au jugement de « tous les États du monde ». Il est imbriqué dans un contexte international compliqué, soumis à des pressions économiques, politiques, diplomatiques. Alors, la question de l’État israélien doit pouvoir être appréciée dans la dialectique de toute l’histoire culturelle, sociale et politique d’Israël, dans cette tension permanente entre le mouvement nationaliste, légaliste et juridique, d’une part, et le mouvement universaliste, prophétique, d’autre part. En ce sens, Jérusalem deviendra une « ville symbole », une « ville de paix », un terrain fécond de coexistence pacifique, et même un lieu de « proexistence », défiant tous les antisémitismes : l’antisémitisme juif comme l’antisémitisme arabe. Pour y parvenir, il faudra renoncer à tout dogmatisme, à toute doctrine mystico politique, à tous les faux messianismes des droits acquis par « élection divine ». Si je devais conclure, je le ferais avec le verbe « comprendre », c’est-à-dire tenter de se dégager des « affinités » culturelles, socio-économiques, théologiques et religieuses. « Comprendre », afin de maintenir ensemble l’« amitié des Juifs » et l’« amitié des Arabes ». Comprendre signifiera avoir du courage, le courage de la lucidité : le courage d’aller parfois à contre-courant des opinions établies, des passions, pas toujours désintéressées, assises sur des présupposés, des comportements acquis, des idéologies anciennes, parfois des intérêts. Alors, courage qui sera, en fin de compte, aujourd’hui, un « courage politique ». Je terminerai par ces deux extraits du journal Le Monde. Le premier de Maxime Rodinson du 5 juin 1967 : « L’État sioniste a choisi de vivre en Palestine, c’est-à-dire au milieu du monde arabe. Le choix était dangereux. Les avertissements ne lui ont pas manqué, venant surtout de la part des juifs non sionistes, ni sionisants, qui furent très longtemps la grande majorité. Mais enfin ce groupe de juifs qui a projeté, puis réalisé cet État a maintenu ce choix. Celui-ci a maintenant eu le temps de déployer toutes ses conséquences. Il n’est plus temps de revenir là-dessus. Mais tout arbre se juge d’après ses fruits... Et cet autre extrait de l'éditorialiste du Monde, du 17 février 1968 : « Au Moyen-Orient comme ailleurs, la seule voix de la paix véritable est celle de la générosité et de la réconciliation. C’est seulement le jour où les Arabes sentiront que leurs voisins Israéliens sont décidés à les traiter en amis, et plus encore en égaux que s’arrêtera enfin, sur cette terre où fut prêché jadis l’évangile de l’amour, le déprimant engrenage de la violence ». |
tc113000 02/11/2017