ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


La recherche historique de Jésus





La méthode d’approche référentielle :
Sous le Christ, Jésus


Sommaire

Parole de Dieu et recherche historique

Méthode d’approche référentielle
  - La méthode
  - Sous le Christ, Jésus

Discours religieux et analyse référentielle

Croire et penser

Esquisse d’un portrait de Jésus

Les évangiles, tombeau de Jésus




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Si je jette un coup d’œil sur les comptes-rendus qui sont apparus sur mon ouvrage Sous le Christ, Jésus (Flammarion, 1987), je constate avec étonnement et agacement que leurs auteurs non seulement n’ont pas pris en considération la méthode, mais aussi ont ignoré le problème pour la résolution duquel ce livre a été écrit.
   Alors que, dès le début, j’affirme que, dans la recherche historique de Jésus, il faut mettre entre parenthèses le Christ de la foi pour n’accéder aux textes que dans l’attitude rationnelle et critique qu’exige la science de l’histoire, ils rejettent en bloc le livre avec des paroles injurieuses et méprisantes parce qu’il présente un Jésus non conforme au Christ de la foi : choqués par le profil de Jésus, ils jugent la méthode à partir de ce choc. Ils refusent a priori d’entrer dans l’hypothèse de ma démarche et de relire les évangiles en mettant de côté la foi, l’incompréhension est totale.

   Plusieurs indices montrent que, si le lecteur ordinaire ne comprend pas ce livre, le lecteur « savant » – théologien, exégète, historien des religions – le refuse catégoriquement. L’ouvrage est un livre maudit, auquel on ne répond que par le silence et le mépris.
   Sans doute ai-je commis dans la rédaction des erreurs de forme qui peuvent rendre l’ouvrage difficile d’accès. Je suis cependant convaincu que, si j’avais réussi à mieux l’écrire, il aurait toujours été refusé, car la raison du refus relève moins du manque de clarté que du choc que le livre produit chez le lecteur. En effet, toutes ses thèses amènent à renier la foi comme savoir et à déconditionner tout savoir de la foi, alors que tout le monde considère que la foi est un savoir qui conditionne les autres savoirs. Le livre se heurte donc à un blocage qui, pour être psychologique et culturel, est aussi existentiel.
   Ce refus est celui-là même qui fut opposé à Machiavel pour avoir émancipé la politique de la morale, à Giordiano Bruno pour avoir défendu l’autonomie de la philosophie à l’égard de la théologie, à Galilée pour avoir revendiqué l’autonomie des sciences, à Spinoza qui a fondé l’exégèse sur l’analyse critique et rationnelle des textes, à Strauss pour avoir affirmé que les évangiles sont mythiques, à Freud pour avoir expliqué comme inconscient la zone du conscient soumise aux révélations divines, à Marx pour avoir découvert avec le mécanisme de l’argent celui de la religion.

   Je dois donc constater que, malgré la conquête de la laïcité, la culture et donc la conscience des gens restent encore conditionnées par la religion : la laïcité est moins la liberté intérieure de la pensée que sa condition sociale de liberté, le processus d’émancipation de la pensée en vue de la maturité de l’homme n’est pas encore achevé !
   Cela m’amène à formuler six thèses :
   1- La nécessité pour la connaissance des évangiles de les analyser après la mise entre parenthèses de toute foi ;
   2- La foi n’est pas une connaissance, mais une représentation en vue d’une valeur d’existence ;
   3- Le mot « croire » ne signifie pas la perception d’un phénomène mais l’interprétation d’un phénomène comme valeur d’existence ;
   4- Tout acte religieux – croire, révéler, inspirer, voir – est l’aboutissement d’un langage ;
   5- Le miracle n’est pas une preuve mais un signe ;
   6- Un témoignage de foi ne peut être un document d’histoire qu’à la suite d’une analyse rationnelle qui le libère de toute interprétation.

   La recherche historique sur un homme n’est valable que si elle se fonde sur des documents d’information concernant ce qu’il a été dans son existence, et non sur ce qu’on a cru qu’il était. Or, au sujet de Jésus, on dispose de textes qui ne sont pas des documents d’information mais des témoignages de foi dans son messianisme : ils ne parlent pas de lui selon ce qui est apparu dans les faits, mais selon qu’il a été reconnu par la foi au Christ des Écritures. Le problème se pose alors de savoir si un témoignage de foi peut être pris, et dans quelles limites, comme document d’histoire.

   La foi n’est pas de l’ordre de la perception et de la connaissance, mais de celui de l’interprétation. On croit que Dieu parle non pas parce que nous avons perçu Dieu qui parle, mais parce que nous avons saisi un phénomène que nous estimons être signe de Dieu qui parle. Personne n’a jamais vu Dieu, ni la Vierge Marie, ni le Christ, mais certains ont perçu des phénomènes qu’ils considèrent comme des signes de l’apparition de Dieu, de la Vierge ou du Christ.
   Étant une interprétation, la foi est un langage, c’est-à-dire un processus de signification entre des signifiants et des signifiés régi par des codes. Dans ce langage, le signifiant est toujours un phénomène de l’expérience, le signifié une valeur qui transcende l’expérience.
   Il s’ensuit que la parole de foi ne se rapporte jamais à la perception d’un phénomène de l’expérience, mais à la lecture de ce phénomène comme signe d’un signifié par le biais du code d’un langage. Même si, dans une parole de foi, l’auteur dit ne rapporter que ce qu’il a vu de ses propres yeux ou entendu, en réalité il n’exprime que l’interprétation, la lecture par le langage de la foi, de ce qu’il a vu ou entendu. Le témoignage de parole est presque toujours vrai, mais il ne se rapporte pas directement au phénomène perçu mais à son interprétation par la foi.

   On doit donc conclure qu’un témoignage de foi ne constitue pas un document d’histoire quant à son interprétation, mais seulement quant au phénomène qui a servi comme signe de cette interprétation. Il peut être historiquement vrai qu’un prophète a eu une vision ou un rêve, mais on ne peut pas arguer historiquement que cette vision ou ce rêve soient une apparition de Dieu, ce qui ne relève pas du fait mais de l’interprétation de ce fait par un code de langage de foi.



c 1990




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