ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



La résurrection de Jésus



Fiction dramatique en huit actes






ACTE  SIXIÈME :

Les  Écritures  et  le  Christ


Une véranda adossée au rocher, ouverte sur un petit jardin de culture sauvage, non loin du tombeau. De petites tables et des divans. Au centre, une table, sur laquelle repose un rouleau des Écritures, et un fût, d’où pend le sindon. Sur la paroi du rocher une porte, qui donne sur les locaux de service. Par les portes, on voit les mêmes personnages qu’au quatrième Acte, et un nouveau, Eugène, marchant seuls ou à deux dans le jardin, regardant autour et se dirigeant d’abord vers le tombeau. Ils y entrent et en sortent, restant devant absorbés dans la prière. De là, ils s’approchent doucement de la véranda.





Ils ont vu... et ils ont cru

Avant-propos

Le tombeau vide

Signes et apparitions

Pilate enquête sur le vol du corps de Jésus

L’apparition du ressuscité aux disciples

Du tombeau vide à l’holocauste

Les Écritures et le Christ
- Scène 1
- Scène 2
- Scène 3
- Scène 4
- Scène 5
- Scène 6

Jésus

Le Fils de Dieu incarné ?


SCÈNE DEUX


(Les mêmes et Eugène)





(Au moment où Joseph arrive au seuil de la porte, Eugène entre).




JOSEPH

– Salut, Eugène ! Tu as bien fait de venir. (S’adressant aux frères). Vous trouverez en lui un maître qui saura vous guider dans les méandres des Écri­tures. Recevez-le comme moi-même ! (Il s’en va).


NICODÈME

(À la rencontre d’Eugène).

– Salut, Eugène. (Ils s’embrassent). Nous sommes heureux de t’avoir parmi nous, trouvant en toi un savant dans les Écritures et un philosophe. (En se tournant vers les frères). Je vous présente Eugène, maître dans l’école d'Alexandrie. (À Eugène). Pré­sente-toi, Eugène !


EUGÈNE

(se tournant vers tous).

– Salut, frères ! Je m’appelle Eugène, et je suis ami de Joseph et de Nicodème, grec d’origine mais con­verti au Judaïsme, versé à la fois en philosophie et dans les Écritures. J’espère vous être utile dans votre recherche, qui sera aussi la mienne.


NICODÈME

(À Eugène).

– Veuille t’asseoir à mes côtés... Nous sommes ré­unis, ami, pour discuter d’une façon libre et infor­melle, sur le surgissement en nous de la foi en la résurrection de Jésus, à la suite de la découverte du tombeau vide.


EUGÈNE

– Je viens donc à propos... J’avais entendu parler de Jésus, aussi bien de son « évangile » que de ses fréquents conflits avec les interprètes des Écritures. Mais je n’étais pas au courant de sa condamnation par le Procurateur ni, non plus, du surgissement de la foi en sa résurrection.


NICODÈME

– Le problème s’est posé à la suite de la décou­verte, après la Pâque, que son tombeau était vide. Maria et Salomé, les premières qui sont allées au tombeau, ont naturellement pensé qu’il s’agissait d’un vol. Épouvantée, Salomé en a porté tout de suite la nouvelle à nous et à Joseph, qui s’est estimé obligé de porter plainte.
  Pierre et Jean, venus aussitôt eux aussi au tom­beau, ont trouvé des signes (les bandelettes par ter­re et le suaire plié), qui leur ont donné à penser que Jésus était ressuscité. Mais, pour Thomas, ces si­gnes ne différaient guère de ceux laissés par un voleur... À leur tour, les responsables du Judaïsme ont porté plainte, nous accusant d’avoir volé le corps, dans le but d’en annoncer la résurrection...
  Dans le procès qui a suivi ces plaintes, Pilate nous a acquittés, de même qu’il a délivré un non-lieu aux responsables du Judaïsme, contre lesquels nous avons porté plainte à notre tour, les soupçonnant d’être les véritables auteurs du vol. Enfin l’enquête sur le vol, bien qu’interrompue, reste toujours ou­verte, acte officiel qui défie toute croyance en la résurrection.

EUGÈNE

– Vous vous êtes alors réunis pour faire une en­quête sur la résurrection de Jésus, comme cause possible de la disparition du corps !


NICODÈME

– Tu vois clairement notre but. Au commencement, nous avons poursuivi une recherche qui avait la forme d’une enquête, dont le but était de savoir si le tombeau avait été vidé par la résurrection et non par le vol. Ce but de la recherche apparaissait d’autant plus justifié que l’enquête entreprise par Pi­late, ayant été suspendue, donnait à croire qu’il n’y avait pas eu de vol. En effet, les accusés des deux plain­tes en opposition, les responsables du Ju­daïsme et nous, avons été également acquittés.

  Mais cette interprétation était fausse. Quoique sus­pendue, l’enquête reste ouverte jusqu’à la captu­re des voleurs et la découverte du corps de Jésus. Et bien qu’il apparaisse que Pilate laissera pourrir l’af­faire, c’est plutôt pour une raison politique, afin de ne pas envenimer son pouvoir par la persécution et la torture, que par l’impossibilité de conclure. Si donc l’enquête se poursuivait sans que le vol soit mis en doute, on ne voit pas comment on pourrait parler de résurrection à partir du tombeau vide.


EUGÈNE

– Alors, votre rencontre s’est transformée en un dé­bat, qui ne pouvait pas se poursuivre par une tech­nique d’enquête mais par une dialectique idéo­logique.


NICODÈME

– Tu en vois bien l’enjeu ! Nous sommes allés du tombeau vide à la mort de Jésus, pour en recher­cher la valeur dans le cadre de nos principes de foi. Mais n’étant pas d’accord, nous nous sommes trou­vés divisés en deux groupes, l’un autour de Pierre, l’autre de Thomas. Pour le premier, la mort de Jé­sus était comprise comme un sacrifice expiatoi­re des péchés des hommes, mettant fin à la condi­tion de mort imposée par Dieu aux hommes, à la suite du péché originel. Pour le second, la mort était le sceau qui marquait de vérité le message prophé­tique de Jésus ; c’est dans ce message qu’on trouve la rémission des péchés que Dieu octroie à tout hom­me qui remet à son prochain les offenses qu’il en a reçues et qui, à son tour, lui demande pardon pour celles qu’il lui a faites.


EUGÈNE

– Vos positions sont claires, mais elles vous op­posent l’un à l’autre sans vous donner aucune pos­sibilité de vous entendre... Vous avez ainsi recours aux Écritures pour savoir si elles offrent un appui à l’une ou à l’autre de vos thèses respectives. Mais si vous voulez parvenir à donner une réponse bien fondée au problème de la résurrection, il convient d’avoir une approche directe de leurs messages sur le Christ.


PIERRE

– Lire les Écritures ! Mais... il faut aussi savoir les lire. En venant ici, tu nous as trouvés en train de tourner le rouleau comme par jeu... parce que nous ne sommes pas parvenus vraiment à le lire.


EUGÈNE

(En indiquant Nicodème).

– Vous avez, frères, un maître parmi vous, qui saura bien lire et vous guider dans la compré­hen­sion du texte.


NICODÈME

– Non ! La tâche de leur lecture ainsi que de leur interprétation, nous te la confierons à toi, Eugène, théologien ainsi que philosophe. Moi, je demeure dans le rôle de modérateur.

(En s’adressant aux autres).

  Quant à vous, vous êtes libres de parler selon la conviction de votre raison et de l’Esprit qui vous habite. La parole est à Eugène.


EUGÈNE

– Jésus... Christ ! Deux mots, que vous unirez en un seul : Jésus-Christ, si la recherche vous est favo­rable. Mais si nous essayons de faire le chemin que les deux mots doivent parcourir pour devenir ce Nom, nous devons y mettre, frères, beaucoup de temps, au risque de nous perdre.


PIERRE

– Heureusement que toi et Nicodème vous êtes là, pour nous remettre sur le chemin... Mais si nous étions seuls avec Thomas...


THOMAS

(En riant et en suscitant les rires).

– Nous serions déjà rentrés à la maison !


EUGÈNE

– Très bien ! Au lieu de prendre le chemin court, allant du tombeau vide à la résurrection de Jésus, chemin qui nous mène à une impasse, nous pren­drons le chemin long qui part des Écritures pour aller au Christ, et du Christ à Jésus.


NICODÈME

– Pour ce qui est du Christ, vous connaissez les quatre événements de notre Canon de foi : la cré­ation de l’homme comme personne immortelle ; le péché de celui-ci et sa condamnation à la condition d’être mortel ; la nécessité pour racheter les hom­mes de ce péché d’un sacrifice expiatoire, dont l’efficacité rédemptrice corresponde à son ampleur, car ayant été commis par Adam, l’homme, il s’é­tend à tous les hommes. Or, pour qu’un homme ait une vertu suffisante pour racheter le péché de tous les hommes, il est nécessaire que sa personne pos­sède toute la virtualité de la nature humaine. Cela est possible s’il est rempli de l’Esprit de Dieu. Tel doit être celui qui vient dans le monde en qualité de Christ.


PIERRE

– Très clair ! Mais nous te prions de t’arrêter à un seul passage, car il nous serait impossible de suivre les Écritures dans beaucoup de textes.


THOMAS

– Merci beaucoup aussi de ma part, car toutes les fois que je recours aux Écritures, je risque de me perdre dans les dédales de ses généalogies, de ses oracles, de ses bénédictions et de ses malédictions ! Mais cette fois j’ai l’espoir, avec vous, de ne pas m’égarer !


EUGÈNE

– Allons, préparons-nous pour cette lecture ! Que deux d’entre vous viennent transporter le rouleau sur notre table, afin que tout le monde puisse suivre sur le parchemin les mots, dans le mouvement qui les mène à la parole.

(Thomas et Jean se lèvent et transportent le rou­leau sur la table.)


THOMAS

(Tenant toujours ses mains sur le rouleau).

– Est-il bien centré ? Est-ce que vous pouvez bien suivre l’articulation des mots en paroles ?


PIERRE

– Déplace le rouleau un peu à droite.


THOMAS

(Il le déplace).

– Peux-tu voir, maintenant ?


PIERRE

(Joyeux)

– Parfaitement !




Écrit en 2005




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t346020 : 19/03/2020