ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris



Recherches  critiques
sur  les  évangiles  de  la  résurrection







Les apparitions du ressuscité chez Luc


Béthanie : l’apparition aux Douze





Présentation

Lecture des textes
- Introduction
- L’événement
- Les apparitions
  . Matthieu
  . Luc
    . Emmaüs
    . Béthanie
  . Jean
- Les linges
- Regard rétrospectif
- Des évangiles aux Écritures

Écritures et salut

Entre vérité et mythe

Le mythe des évangiles

Le tombeau de Jésus


Magnum Dictionarium latinum et gallicum, de P. Danet, MDCXCI ussitôt Jésus disparu, les disciples d’Em­maüs retournent à Jérusalem pour annon­cer aux Douze que leur Maître est ressus­cité et qu’il leur est apparu. Or, tandis que les uns et les autres parlent de lui, il se présente au milieu d’eux. Mais à sa vue, ils prennent peur, parce qu’ils croient que c’est un « es­prit » (pneuma). Jésus leur assure qu’il n’en est pas un, mais un homme de chair et d’os et il leur montre ses mains et ses pieds. Comme ils demeurent dubitatifs, il recourt à un argument plus convaincant : il leur deman­de de quoi manger. Ils lui présentent du poisson rôti, qu’il mange en leur présence. Après les avoir convain­cus, il interprète pour eux les Écritures à son égard (Lc 24:36-49).

   Dans l’une et l’autre apparition, celle d’Emmaüs et celle aux Douze, Jésus semble jouer avec sa propre identité. En effet, dans la première, il est un homme sous un aspect différent ; dans la seconde, il conserve sa physionomie, mais il dissimule son corps et ressemble à un esprit. Est-il un homme ressuscité ou un fantôme surgi par un acte de prestidigitation ? Des théologiens répondraient, sans doute, que la résurrection de Jésus n’est pas la restitution de son corps antérieur, mais la vie de l’homme en sa création, qu’il avait perdue par le péché : un corps spirituel et immortel. Doit-on alors par­ler de résurrection ou de nouvelle création ? La question reste ouverte, afin de mesurer la force des moyens de persuasion auxquels Jésus recourt pour convaincre qu’il n’est pas un esprit, c’est-à-dire un fantôme, mais réel­lement un homme.

   Il montre aux disciples ses mains et ses pieds. Les avait-il si bien cachés qu’ils aient été dérobés à leurs re­gards ? La réponse pourrait se trouver dans le tombeau où Pierre et Jean n’ont pas découvert les signes de la résurrection, mais où il serait possible de comprendre comment Jésus s’y est pris pour en sortir, une fois ré­veillé du sommeil de la mort. Avant tout, il a dû ôter le suaire de son visage ; ensuite, se défaire du sindon dans lequel il était enveloppé ; enfin, se débarrasser des ban­delettes.
   Alors, il a pu se trouver au-dehors, mais... nu ! Quel habit revêtir, lui le fils de Dieu ? Ne disposant que des effets d’un mort, il a dû jeter sur ses épaules en guise de manteau le sindon qui cachait ses mains et ses pieds aux regards des apôtres. D’ailleurs, les peintres l’ont repré­senté ainsi dans leurs tableaux et sur leurs fresques. L’usage du sindon par Jésus est logique, puisque Pierre et Jean ne l’ont pas trouvé dans le tombeau.

   Par ailleurs, comment expliquer que « voir les mains et les pieds de Jésus » puisse apporter la preuve con­vaincante que Jésus n’était pas un fantôme, mais un homme de chair et d’os ? Pour en être certain, il eût fallu que les disciples touchent ses mains et ses pieds, et non qu’ils se contentent de jeter un regard furtif sur Jésus. C’est pourquoi cette présentation insolite de Jésus ne convainc pas les disciples, et Jésus doit recourir à une autre initiative : il leur demande de quoi manger. Ils lui présentent du poisson rôti qu’il mange devant eux. Alors, ils sont convaincus.
   Pourtant, le lecteur demeure insatisfait, car cette nouvelle preuve n’ajoute rien à la vision de ses mains et de ses pieds qui n’est que de l’ordre du « paraître » ; pour s’assurer de la « réalité » d’un phénomène, on doit pouvoir aussi s’en saisir ! Or, les disciples ont seulement vu ; et s’ils avaient pris le risque de « toucher », leurs doigts n’auraient rencontré aucune résistance, comme quand Jésus « ressuscité » traversait les portes fer­mées ! Alors, certes, à l’évidence, pour les apôtres Jésus aurait été véritablement un « esprit ».

   Pour conclure, les récits ne relatent pas des « faits historiques », mais des « simulations imaginaires ». C’est la particularité de la narration catéchétique de rap­porter des faits et des phénomènes relevant de schémas de croyance, porteurs de valeurs existentielles, et non de réalité historique. La signification du récit fluctue alors entre le « véridique » et l’« imaginaire ». Pour échapper à cette contradiction et lever l’ambiguïté, les auteurs laissent au lecteur du discours une marge d’inter­pré­tation permise par la métaphore, l’allégorie et le sym­bole.

   C’est le cas de ce récit, concernant le poisson. Au sens littéral, le récit évoque réellement du poisson rôti que Jésus mange pour démontrer qu’il est un homme, et non un esprit. Toutefois, un fantôme ne pourrait-il pas aussi laisser croire qu’il s’agit d’un repas authentique, en lui donnant une interprétation allégorique, conforme au récit et par une lecture « acrostiche » du mot ?

   En effet, chacune des lettres constitutives du mot grec « poisson » : , correspond à une des prérogatives de Jésus-Christ. Et l’ensemble de ces lettres « initiales » reliées dans le mot grec donne l’énoncé suivant :


« Jésus Christ fils de Dieu Sauveur »

   Ainsi, en offrant ce poisson à Jésus, les apôtres con­fessent que Jésus est le Christ, le fils de Dieu et Sau­veur. En le mangeant, Jésus confirme cette « confession de foi » : symbolisme proche de celui de la cène.




Écrit en 2006




Retour à l'accueil Emmaüs : remarques critiques Haut de page Jean    Imprimer

t351240 : 17/10/2017