ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa création de l’hommeGenèse 1: 26-28 |
Reconstitution du mythe originelLe texte mythique |
Sommaire Les textes Analyse du récit . Le contexte . Le projet . L’événement Reconstitution du mythe originel . Indices de censure . Le texte mythique Regard critique d’ensemble |
es remarques critiques confirment que le récit élohiste est un remaniement d’un mythe sur l’origine du monde et de l’homme, mythe que les Juifs avaient hérité des Babyloniens. Les rédacteurs ont conservé le déroulement du récit mythique, mais ils l’ont soumis à une censure, destinée à remplacer la « génération » par la « création ». Mais ce remaniement ne pouvait pas ne pas susciter une tension en opposant « génération » et « création ». Précédemment, j’avais mis en évidence dans le récit que Dieu n’a pas créé le monde à proprement parler, puisque ce ne fut pas du rien mais du « chaos » qui, même vide et informe, est autre que le rien. De même, on ne peut pas affirmer que Dieu a créé par sa parole, puisque celle-ci n’est efficiente que par un « faire », qui l’a conduit de l’intention à l’exécution. Il convient d’affirmer également que, dans ce récit de l’origine du monde, le Dieu créateur par la parole apparaît comme une figure littéraire par rapport à l’existence du même Dieu présenté au début du texte. Rappelons-nous : « et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux » ( Gn 1: 2 ). Le texte utilise le verbe « rahaf », au double sens de « trembler » ( Jr 23: 9 ) et « voltiger » ou « planer » : « Pareil à l’aigle qui éveille sa couvée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes » ( Dt 32: 11 ). L’Éternel a « plané » sur son peuple dans le désert, comme l’aigle sur ses petits dans leur nid. On trouve le même verbe : voltiger, planer. Toutefois, dans le « nid » des eaux de l’abîme il n’y a encore rien. Que Dieu fait-il ainsi ? On pourrait aussi plutôt imaginer que Dieu aurait pondu l’œuf du monde. Il faudrait alors traduire le verbe « rahaf » par « trembler », parce que Dieu aurait couvé l’œuf par sa chaleur fécondatrice. Son « dire » serait ainsi, au niveau de la parole, la désignation des choses par leurs noms, au fur et à mesure de leur sortie du nid des eaux. Dans le texte mythique, l’homme vient donc au monde par un processus de genèse, qui est une véritable génération. Pour retrouver le sens du récit mythique, il faut donc remplacer le « bara » par « ialad », qui signifie à la fois « engendrer », le propre de l’homme, et « enfanter », le propre de la femme. « Élohim » étant un couple, ou un Dieu mâle et femelle, l’homme est aussi engendré et enfanté par une génération divine ; il est le fils de Dieu. Résumons. Le texte élohiste a connu deux remaniements, l’un pratiqué par les compilateurs de la Bible, l’autre par les rédacteurs du texte. Il s’agit donc d’un texte issu du remaniement d’un récit mythique représentant la constitution du monde par genèse divine. S’agissant d’un récit inséré dans la Bible, il a dû subir une censure pour se conformer au message du livre. Le texte yahviste exprime le passage du texte de l’origine du monde par « génération » à celui de l'origine par « création ». Toutefois, la notion de la génération a résisté au refoulement, ouvrant des brèches dans la nouvelle articulation du récit destinée à le conformer à son sens. Il est évident que cette revendication du mythe apparaît dans la Bible sous des détournements de sens, créateurs de nouvelles idéologies culturelles et religieuses. Je me limiterai aux idéologies suivantes : 1) Le message de la Bible, de la Torah aux prophètes, présuppose le transfert de la filiation divine de l’homme au peuple juif. Déjà, au livre de l’Exode, il est dit que Dieu a envoyé Moïse à Pharaon pour lui dire : « Israël est mon fils, mon premier-né. Laisse aller mon fils » ( Ex 4: 22 ). Aussi cet appel hors d’Égypte de son fils par Dieu est devenu chez Osée l’événement fondateur du salut (Os 11: 1 ). Dans le Deutéronome, Dieu est décrit comme une mère qui entoure, prend soin de, garde son peuple comme la prunelle de ses yeux, « pareille à l’aigle qui éveille sa couvée » voltigeant sur son nid ( Dt 32: 10-11 ). En un mot, Dieu est le père ( Is 63: 16 ), l’Époux d’Israël (Os 1: 2) ; le peuple est le fils ( Ex 4: 22,Dt 14: 1, Os 2: 1 ). 2) Un autre texte ( Gn 6: 2-4 ) parle de « fils de Dieu » comme d’êtres humains réels et historiques, mais distincts des hommes créés par Dieu. En effet, ces fils de Dieu avaient recherché et épousé les « filles des hommes », attirés par leur beauté, et de leur union naquirent les Géants, qu’on appela héros. Mais ce texte ne dit pas si Dieu avait engendré ces fils avant ou après la création de l’homme. Ou les avait-il engendrés après s’être repenti d’avoir fait l’homme sur la terre ( Gn 6: 6 ) ? Il reste que le mythe, émergeant de l’inconscient collectif et du non-dit de la Bible, revendique son droit au sens de ce qu’il explicite. 3) Cette émergence apparaît plus importante encore dans le christianisme, dont le dogme fondamental repose sur la filiation divine de Jésus-Christ. Luc fonde cette filiation par une généalogie, qui fait remonter la naissance de Jésus à Adam, « fils de Dieu » ( Lc 3: 38 ). Adam a-t-il été déchu de sa dignité de fils de Dieu par le péché, et Jésus l’a-t-il rétabli dans cette dignité parce qu’il était, de ses enfants, le seul né sans péché ? |
t412200 : 30/11/2017