ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLa création de l’hommeGenèse 1: 26-28 |
Regard critique d’ensemble |
Sommaire Les textes Analyse du récit . Le contexte . Le projet . L’événement Reconstitution du mythe originel . Indices de censure . Le texte mythique Regard critique d’ensemble |
u cours de l’analyse exégétique, il est apparu que le texte élohiste de la Genèse sur la création de l’homme avait été censuré par les rédacteurs de la Bible, pour le mettre en accord avec celui de la tradition yahviste. Parvenu à reconstituer ainsi le sens originel du texte, il est aussi devenu évident que celui-ci s’est constitué à partir du remaniement d’un récit mythique sur la genèse du monde. Quatre récits ont ainsi été dégagés : le texte élohiste censuré, le texte yahviste censurant, le texte élohiste originel, le texte mythique sur lequel ce dernier s’est constitué. Quatre récits, dont le premier représente le « dit » du texte, les autres son « non-dit », la zone de refoulement. Le texte élohiste énonce que Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance et l’a fait mâle et femelle. L’homme (« Adam ») est l’être humain, non un individu. Mais ce texte est affecté par une aporie, qui distingue l’affirmation que l’homme a été fait mâle et femelle de celle, plus générale, qu’il est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cette aporie ne peut provenir que d’une censure que les rédacteurs ont apportée au texte, pour qu’il ne contredise pas le récit yahviste dans la rédaction de la Bible. Selon ces rédacteurs, Dieu a créé l’homme et la femme par deux actes différents et successifs de création. D’abord, il a fait l’homme puis, après lui et de lui, la femme qui, par voie de conséquence est, par l’homme, à l’image de Dieu. L’aporie insère le récit élohiste dans la Bible en introduction au récit yahviste sur la création de la femme. Le sens originel du récit élohiste est reconstitué grâce à la critique : Dieu a fait l’homme « mâle et femelle » dans un même acte de création, qui les situe aussi dans l’égalité l’un vis-à-vis de l’autre. Il apparaît donc de façon évidente que Dieu a créé cet homme double pour qu’il devienne son image. Sens authentique, qui suppose cependant que le texte élohiste est issu du remaniement d’un récit plus ancien, de caractère mythique, dans lequel Dieu n’est pas un créateur mais un père qui a fait le monde par génération. L’homme, ainsi « mâle et femelle » parce que engendré par lui, est comme tout enfant à l’image de son père. C’est pourquoi Dieu est, lui aussi, « mâle et femelle ». Nous parlons de textes et de récits, mais n’oublions pas que nous ne possédons qu’un texte unique, celui de la Genèse. Parler d’un récit élohiste opposé à un récit yahviste présuppose une analyse du texte biblique. Tirer ensuite de ce texte d’autres sens et d’autres récits n’a été possible que par une analyse archéologique qui, au-delà de l’explicite, recherche l’implicite du texte, mais aussi ses dimensions synchronique et diachronique. Ainsi se réfère-t-on au sens à tous les niveaux du récit, de l’« a-intentionnel » au « refoulé ». Or ce sens ne gît pas au fond des récits tel un cadavre ; il est vivant et réagit dans le récit jusqu’à en aliéner le sens propre. Reprenons le thème refoulé du texte élohiste : « l’homme fils de Dieu ». Né de la prise de conscience que l’homme était « à l’image et à la similitude de Dieu », il a été refoulé par la tradition élohiste, qui a certes reconnu que l’homme est à l’image de Dieu, non point comme fils engendré par lui, mais parce qu’il a été désigné maître ordonnateur du monde. Ce thème a été aussi refoulé par la tradition yahviste, qui affirme que l’homme et la femme ont été créés par la parole de Dieu ; mais ici l’homme existe parce qu’il a été « formé » par Dieu avec de la glaise, sur laquelle il a « soufflé » son esprit. Ainsi, à la parole de Dieu succède l’œuvre de ses mains, et à l’œuvre de ses mains l’inspiration de son haleine. Or « l’inspiration de son haleine », qui exprime le souffle de sa vie, n’est rien d’autre qu’une « génération ». Au cours de l’histoire biblique, l’homme a toujours été considéré comme créé, et non engendré par Dieu. Cependant, le peuple juif a été « élu » par Dieu parmi les peuples de la terre comme son fils aîné, exigeant de lui un comportement de fils, en accord avec son comportement de père. Ajoutons que le mythe de l’homme « fils de Dieu » a eu une telle influence sur le peuple juif que la Bible s’est ouverte aux mythes des gentils sur la naissance des fils de Dieu. Enfin, dans l’Évangile de Luc, le mythe du fils de Dieu a pris une telle revanche sur la parole, que Jésus est fils de Dieu en vertu d’une descendance légitime, qui remonte à « Adam, fils de Dieu » ( Lc 3: 38 ). Mais si Adam est fils de Dieu, l’homme est venu au monde par « génération » et non par « création ». Ainsi, en Jésus-Christ l’homme devient « fils de Dieu » en réalisant un mouvement circulaire, qui va du mythe au mythe, mettant en échec la parole qui l’avait démythologisé. Le mythe a été traduit en parole et la parole revient au mythe. Ce retour de la Parole au mythe nous renvoie à une situation critique de la pensée. Comment expliquer la prise de conscience que l’homme était à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Provient-elle de la Parole de Dieu, ou du transfert mythique du soi, par lequel l’homme prend conscience de l’existence de Dieu et le fait à son image et à sa ressemblance ? |
t413000 : 30/11/2017