Sommaire
Introduction
Situation actuelle de l’herméneutique biblique
Herméneutique et critique du langage
- Introduction
- Le signe linguistique
- Langue et parole
- Parole, intenté et référent
- Quatre modes de critique
- Analytique du sens
Structure anadygmatique du discours
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La parole
Toutes mes réflexions sur la parole se sont centrées au niveau sémantique, dans le rapport signifié (intenté) et référent.
L’intenté est le signifié propre à l’énoncé, l’aboutissement d’un processus syntagmatique qui traduit au niveau du langage la relation intentionnelle de la pensée.
Mais l’intenté n’est pas le dernier objet de la parole. On parle, on dit quelque chose, toujours de quelque chose, non pas au sens où on dirait toujours quelque chose par l’attribution d’un prédicat à un sujet, mais au sens que cette même attribution se réfère à quelque chose. Quelle est cette chose que nous visons par l’énoncé ? C’est le référent.
Je sais bien la méfiance des linguistes au sujet du référent, qui semble présenter tous les caractères propres à un élément étranger à la langue. Je ne partage cependant pas ces craintes. Une analyse plus approfondie et plus poussée m’a fait découvrir dans le langage trois niveaux : celui de l’expression, celui de la signification et celui de la référence. Tout discours, toute parole, emploie une langue (signifiant – signifié), s’exerce par un syntagme en vue d’un énoncé, se réfère à un objet (référent).
Mais comment atteindre le référent ? Pas par l’analyse ou la compréhension de la dimension syntagmatique, qui est propre à l’intenté, alors par quoi ? Il y a dans le langage une autre dimension, celle précisément où se situe le référent, dimension que je peux appeler anadygmatique. Celle-ci comprend les « rapports associatifs » de Saussure et les « sens collatéraux » propres à d’autres linguistes.
La disposition syntagmatique des mots implique leur choix en raison de leurs valeurs de signification comparative. Entre la dimension paradigmatique propre à la langue et la dimension syntagmatique, il y a la dimension des rapports analogiques sémantiques. Il s’agit du rapport d’un mot à la présence ou à l’absence d’autres mots, d’une combinaison à la valeur équivalente, différente, opposée ou absente d’une autre combinaison. Il s’agit aussi de la mise en relation des mots avec leur emploi dans la praxis, et surtout de la puissance de référence de certains mots au niveau de l’intuition collective.
À la lumière de cette trichotomie, je peux donner à ces mots le sens suivant :
« Signifiance » est la relation de l’expression (signifiant) au système d’intelligibilité (signifié – lexique).
« Signification », est un mot réservé à la fonction prédicative, dans la mesure où le sujet est éclairé, mis en lumière par les prédicats. Par analogie avec la peinture, je dirai que le sujet est le dessin, le prédicat la couleur. Les prédicats ne sont que des signifiants au niveau sémantique.
J’appelle « interprétation » la relation entre le référent et le processus de signification, car par ce processus le référent est porté à un niveau qui n’est pas son être, l’instance syntagmatique, manifesté par une traduction. C’est à ce moment que je reprends à mon compte la compréhension « interprétative » (Pari hermeneias) qu’Aristote a de l’énonciation. Celle-ci n’est pas interprétative au sens qu’un prédicat est attribué à un sujet, mais au sens qu’une prédication se réfère à la chose. Naturellement, je n’entends pas par chose la chose en soi, séparée du langage, mais la chose en tant que faisant partie de la dimension anadygmatique du discours.
Le « sens » est différent de la signification, car il découle du référent, du processus d’interprétation. Il y a donc une réciprocité entre signification et sens : c’est en passant par l’interprétation que le référent est signifié, mais c’est par retour de cette interprétation que la signification acquiert un sens. La prédication donne un sens, la signification et le référent le sens.
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