ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Liberté et contrainte sexuelle :

L’enjeu du conflit





Nécessité d’un modèle érotique


Sommaire

Introduction

Les généalogies

L’amour chrétien

L’humanité de l’amour

Nécessité d’un modèle érotique

Révolution sexuelle et révolution marxiste

Éros et psychanalyse

Révolution culturelle et agape



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Il est nécessaire avant tout de sortir de l’équivoque. On ne peut espérer parvenir à la libération de l’homme en ne faisant que l’amour, sans plus. On ne tiendrait alors pas compte que, se trouvant dans une situation de refoulement, l’amour est moins éros que libido, plutôt instinct réprimé que puissance unificatrice entre les hommes. C’est pour cette raison que j’avais pris mes distances face au pamphlet du Dr. Carpentier Apprenons à faire l’amour (1).
   Je suis d’avis que faire l’amour n’est libérateur que si l’amour est libéré lui-même de sa situation psychique et sociale de servitude. Laissé au niveau du fait, l’amour est une décharge qui peut déboucher sur la vie, mais aussi sur la mort des personnes. Il peut être communion, mais aussi viol, relation mais aussi consommation et prostitution.

   Faut-il alors recourir à la sublimation et conditionner l’amour par une valeur qui lui demeurerait étrangère ? Non, mais il convient que tout acte d’amour s’inscrive dans une perspective de vie offerte par l’amour lui-même. Ce n’est pas l’acte de faire l’amour qui rend l’homme libre mais l’homme qui, voulant se définir par l’amour, donne à l’acte de faire l’amour le charisme de liberté qui lui est propre.
   Le modèle génétique n’a pas seulement limité la liberté de faire l’amour, mais il a surtout empêché les hommes d’exister selon l’idéal que leur offrait l’amour. Or, s’il est sans doute nécessaire qu’ils acquièrent le droit à leur liberté, il est aussi nécessaire qu’ils puissent en devenir sujets valables pour pouvoir l’exercer. Pour le devenir, il n’y a d’autre moyen que le renversement du rapport entre l’éros et la génération au niveau du modèle culturel. Alors que l’éros était mis au service de la génération pour que l’homme existe en père et en producteur, on subordonne maintenant la génération à l’éros pour que l’homme existe selon la liberté.

   Il s’agit d’une nouvelle naissance. Selon le modèle génétique, on ne peut exister qu’en qualité de « personne », c’est-à-dire d’une reconnaissance d’obligation et de droit dans le cadre d’un système de production. Sans doute la personne rend-t-elle l’homme responsable, mais est-il aussi un sujet libre ? Qu’y a-t-il dans l’homme façonné selon le modèle génétique en-deçà du champ d’action que lui assigne une politique de production ? S’il n’est qu’une personne, il apparaîtrait aussi qu’il ne puisse aller au-delà de sa propre fonction de production : il n’est qu’un actant dans le cadre d’un système opératoire.
   Or l’amour a fait surgir l’homme par-delà la fonction de production, le révélant comme sujet et conscience de soi. Il ne vit plus à côté des autres et tourné vers l’extérieur, mais face aux autres, dans un but de communion et de réjouissance. Alors, la reconnaissance de lui-même était médiatisée par le produit, par la chose, maintenant elle est véhiculée par la relation à autrui. Deux aspects opposés de vie ? Je dirais plutôt deux mouvements distincts qui avaient jusqu’ici été opposés.

   Pour s’assurer que leur union est possible, il suffit de se rapporter au langage, où l’instance de signification se croise avec l’instance d’expression. La première se fonde sur l’opposition sémantique des mots, la seconde sur le jeu de leur similitude. L’une est « énoncé », c’est-à-dire production de sens par la médiation de l’objet (système), l’autre est métaphore, c’est-à-dire transposition de sens par la médiation du sujet. Or, de même que le génétique se rapproche de la signification, de même l’érotique s’apparente avec l’expression, et rien ne les empêche de coexister dans un même modèle. Le génétique représentera alors l’instance de production, cependant que l’érotique deviendra le support de la poésie.
   L’éros est la métaphore créatrice au niveau des relations d’existence : comme les mots dans la métaphore, dans la relation d’amour les individus se projettent par une effusion, où ils n’existent qu’en tant que portés et révélés par l’autre. À ce niveau, le plaisir se transforme en réjouissance, le délire en liberté.



____________________________________

(1) « Une page d’éducation sexuelle à la façon d’une exhortation pastorale » in Cahiers du C.P.O., mars 1973, pp. 31-37. Ce Cahier est entièrement consacré à la critique du pamphlet.   Retour au texte



octobre 1975




Retour à l'accueil Humanité de l'amour Haut de page Révolution sexuelle et révolution marxiste      écrire au webmestre

t851040 : 12/01/2019