Sommaire
Introduction
Les généalogies
L’amour chrétien
L’humanité de l’amour
Nécessité d’un modèle érotique
Révolution sexuelle et révolution marxiste
Éros et psychanalyse
Révolution culturelle et agape
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À la suite de ces remarques, le comportement répressif des Églises est compréhensible, puisqu’elles défendent leur propre modèle de culture, et par-là leur propre existence. Leur opposition à la libération sexuelle est d’autant plus forte qu’elles ont été contraintes de céder, au niveau de leur idéologie, aux exigences de la laïcisation de la culture. En effet, le conditionnement de la société par la religion s’est moins opéré par le discours idéologique que par le modèle génétique de sublimation.
Cependant ce serait une folie de leur part si, saisies par la crainte, elles persistaient dans cette réaction. Sans doute, l’éclatement de leur modèle culturel les place dans une situation de mort, puisqu’il les contraint à avouer leur échec face à cette communauté des frères qui avait constitué leur perspective historique. Mais de quoi ont-elles peur ? Sans doute de se perdre comme religion et comme institution au service du pouvoir. Mais s’il est vrai qu’elles tiennent davantage à l’évangile qu’à elles-mêmes, elles devraient se réjouir de cette mort, qui met l’évangile lui aussi en situation de libération.
L’erreur que les Églises ont commise dès le commencement repose moins sur la contrainte de l’éros que sur le détournement de la fonction de l’agape qu’elles ont vidé de sa substance. Or si, par le renoncement à leur modèle de culture, elles acceptent de mourir, elles permettront à la fois la libération de l’éros et celle de l’agape. En effet, dans la mesure où l’éros se libère de son conditionnement par l’agape, celle-ci, déchargée de sa fonction sublimatrice, sera redonnée à l’exercice de son acte libérateur d’amour pour les autres.
Les Églises pourront alors exister telles qu’elles disent être : en fonction de l’évangile et au service des hommes (1). Je pense qu’aujourd’hui l’humanité, traversée par la crise de la culture occidentale, a autant besoin de l’ agape qu’elle brûle du désir de la liberté par l’ éros.
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(1) C’est l’Église telle qu’elle était apparue à Bonhœffer à la fin de ses souffrances, et qui avait aussi exprimé l’essence de son message : « L’Église n’est Église que lorsqu’elle existe pour les autres » (Ébauche d’une étude – Résistance et soumission, Labor et fides, Genève, p. 181). Il convient de remarquer que « être pour les autres » est la condition sine qua non pour que la communauté soit Église. 
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