ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Liberté et contrainte sexuelle :

L’enjeu du conflit





La révolution sexuelle et la révolution marxiste


Sommaire

Introduction

Les généalogies

L’amour chrétien

L’humanité de l’amour

Nécessité d’un modèle érotique

Révolution sexuelle et révolution marxiste

Éros et psychanalyse

Révolution culturelle et agape



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   Le communisme avait cherché à mener sa lutte contre la bourgeoisie jusqu’à remettre en question le code sexuel. Il est revenu cependant sur cette dernière entreprise – comme W. Reich le montre dans ses études (1) – au point de réintroduire la contrainte sexuelle. D’ailleurs les communismes chinois et vietnamiens demeurent fidèles à cette option.

   Lorsqu’on cherche les raisons de ce revirement, elles reposent moins sur l’opposition que sur la différence entre la révolution érotique et la révolution prolétarienne. En effet, quoique le communisme ait visé dans son manifeste une communauté des frères, il l’a réalisée au moyen d’une dictature où le parti exerce sur les travailleurs une fonction de père. Il n’est permis aux individus d’exister qu’en qualité de « personne » travailleuse, c’est-à-dire d’une responsabilité qui découle de la division du travail.
   Le but de la révolution est, certes, important et même fondamental, mais sa portée est limitée (2). Elle libère les hommes de la situation d’aliénation que la bourgeoisie a produite en transformant le régime patriarcal en pouvoir de profit économique : du pouvoir du père, la bourgeoisie est passée au pouvoir du capital. La révolution reconnaît la nécessité de dépasser le régime patriarcal, mais au lieu de le reconvertir en pouvoir du profit, elle le transforme en pouvoir du travail. Quoique libérés, les hommes restent dans le cadre d’un modèle génétique de culture.
   Aussi est-il impossible que la dictature du prolétariat permette une liberté au-delà de la marge consentie par la politique de production. Dès lors toute prétention érotique qui viserait à reconnaître une liberté individuelle en-deçà de la « personne » sociale est réprimée, elle est considérée comme une exigence bourgeoise tendant à soustraire du mode et du devoir d’être propres à la « personne » du travailleur. À la rigueur, une liberté sexuelle serait permise après la dissolution de la dictature, dans le régime de liberté et de transparence vers lequel tend le marxisme. Est-ce à dire qu’il faudrait attendre la fin de la dictature pour permettre la libéralisation sexuelle ?

   Mais l’histoire est réticente à toute planification, de même qu’elle échappe par des faits nouveaux aux schémas qui avaient cherché à la contenir. La découverte de l’humanité de l’amour est un de ces faits nouveaux, et il serait vain de l’ignorer, puisqu’elle est une des grandes forces de l’histoire : c’est la force révolutionnaire qui a éclaté dans les campus universitaires en mai 68.
   En vieux révolutionnaires, les marxistes avaient regardé les jeunes en révolte avec méfiance et dédain, sachant bien qu’ils ne pouvaient parvenir à s’emparer du pouvoir par le seul rejet de la bourgeoisie. Ils ne s’étaient pas aperçus – mais pouvaient-ils s’en apercevoir ? – qu’il s’agissait d’une révolte à un niveau différent du leur, qui visait moins à la prise du pouvoir qu’au changement du modèle de culture.
   Les jeunes ont montré à des hommes vieillis et raidis dans des comportements dépassés une autre image d’homme dont ils étaient porteurs : une société fondée non plus sur le profit ni même sur la production, mais sur la relation et l’échange, œuvrant par imagination créatrice. À travers eux, l’humanité d’éros est apparue.



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(1) W. Reich, La révolution sexuelle, Plon, Paris, 1968, deuxième partie.   Retour au texte

(2) Le caractère historiciste du communisme est une des thèses fondamentales de Gramsci : « Ma se anche la filosofia della pressi éuneo espressione delle contradizioni storiche, anzi ne é l’espressione più compita perché più consapevole, significa che essa pure é legata alla necessitá e non alla libertá, che non esiste e non puó esistere storicamente. Dunque se si dimostra che le contradizioni spariranno, si dimostra implicitamente che sparirá, cio é verrá superata anche la filosofia della prassi ». (Gramsci, Il materialismo storico e la filosofia de B. Croce, Einaudi, 1966, p. 94). Je vais quant à moi au-delà de Gramsci, dans la mesure où je limite le communisme dans l’étendue de sa visée révolutionnaire.   Retour au texte



octobre 1975




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