ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les Amalécites et la sortie d’Israël d’Égypte





Analyse référentielle du récit


Sommaire

Le texte d’Exode 17:8-16

Introduction

Analyse référentielle
- Le lieu de la bataille
- La voie du nord
- Pharaon laisse sortir
- Yahvé parle à Moïse
- Pharaon poursuit Israël

Le témoignage égyptien

L’hymne de Moïse

Entre mythe et histoire




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Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple



   « Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple, dit le texte élohiste, Dieu ne lui fit pas prendre la route du pays des Philistins, bien qu’elle fût plus proche, car Dieu s’était dit qu’à la vue des combats le peuple pourrait se repentir et retourner en Égypte. Dieu fit donc faire au peuple le détour par la route du désert de la mer des roseaux » (Ex 13:17-18).

   Parmi les questions que ce texte suscite, je voudrais n’en retenir qu’une : comment les juifs ont-ils fait pour savoir que « Dieu se disait qu’à la vue des combats, le peuple pourrait se repentir… » ? Dans le judaïsme naissant, il y avait deux voies qui menaient à la connaissance des intentions de Dieu : l’inspiration prophétique, comme chez Moïse, et le vécu de l’existence, commun à tous.
   Il ne faut pas oublier que, pour les croyants, Dieu parle en prenant comme signes les phénomènes surprenants de la nature, ainsi que les faits très significatifs et les situations d’existence incompréhensibles. Pour le non-croyant, c’est de l’expérience, pour le croyant l’expérience est la dimension du langage de Dieu, où phénomènes, faits, situations, paroles, vont au-delà des critères collectifs de valeurs. La différence entre langage de Dieu et expérience est donc une question d’interprétation, selon qu’elle se fonde sur les causes d’un phénomène ou sur son impact dans l’existence, en d’autres termes sur la raison ou sur la foi.
   Par la raison, le peuple avait choisi la voie du nord, parce que plus proche et plus directe, et il faut croire qu’ils s’équipèrent et se disposèrent au départ Mais des faits se produisirent qui, interprétés comme parole de Dieu, les obligèrent au détour par le désert car, par la voie directe, ils auraient rencontré des combats si durs et si fréquents qu’ils se seraient repentis d’avoir quitté l’Égypte. Cherchons à bien comprendre l’optique de ces motivations et, par la suite, quels ont pu être les faits constitutifs de cette expérience.

   La motivation de la décision divine apparaît simpliste et tout à fait étrangère aux visées du peuple. En effet les juifs, pris par le projet religieux et politique de devenir un peuple précisément par la conquête de leur propre liberté, ne pouvaient pas craindre un repentir éventuel : leur volonté était de quitter le pays et de n’y plus retourner.
   Cette motivation est trop simpliste car elle ferait supposer que, par le détour, le peuple n’aurait pas eu à se repentir alors que c’est justement dans le désert qu’il rencontra de grands obstacles – la famine, la soif, la solitude, l’incertitude, etc. – et qu’il voulut retourner en Égypte. C’est seulement après l’errance du peuple dans le désert qu’on aurait pu alléguer des motivations de repentir !
   Ce n’est pas le peuple qui a pu avoir l’initiative d’attribuer à Dieu ce choix, mais les « scribes » auteurs du « livre », qui ont cherché à comprendre le drame du peuple par une stratégie divine. En d’autres termes, il y a là une crainte propre à une vision théologique de l’histoire.

   On peut nous répondre de laisser aux théologiens l’initiative d’attribuer à Dieu cette motivation. Mais le peuple a pu tirer de son expérience de vie d’autres motivations qui l’ont amené à la même décision. Il a dû sérieusement réfléchir au risque de guerres continuelles contre les peuples cananéens, guerres sans répit et sanglantes, qui ne les auraient pas induits à se repentir mais à retourner en Égypte. Ces risques les auraient amenés à choisir le détour par le désert.
   Sans doute les responsables du peuple ont-ils réfléchi à ce problème, mais au lieu de se désister de l’entreprise, ils se sont préparés en s’armant suffisamment pour en sortir vainqueurs : « C’est bien armés que les Israélites montèrent du pays d’Égypte » (Ex 13:18), et on ne s’arme pas pour rien ! De toutes façons, le détour par le désert ne leur aurait pas évité les combats contre la famine, la soif, les agressions éventuelles et, à la fin, les guerres pour conquérir la terre promise en l’arrachant aux peuples qui la possédaient. Aujourd’hui encore, après des millénaires, les juifs combattent en étant convaincus de n’être pas encore parvenus à posséder la terre que Dieu leur a promise au commencement.
   Leur réflexion sur la guerre n’a donc pas dû les détourner de leur premier choix. S’ils ont changé, c’est qu’ils ont tenté de s’engager sur la voie du nord, se retrouvant, une fois franchie la frontière du « torrent d’Égypte », dans le territoire des Amalécites. Mais les Amalécites les ont assaillis, les repoussant au-delà de la rivière d’où ils étaient partis. C’est alors qu’ils auraient compris que, ne pouvant franchir la barrière qui les séparait de Canaan et se retrouvant enfermés en Égypte, il fallait chercher à s’enfuir par la voie du désert.



c 1975




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t854130 : 19/02/2019