ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris



Prométhée et Jésus :
d’Eschyle aux évangiles


(esquisse d’une théologie du mythe)





Deuxième partie :
Le mythe d’Io et l’évangile de Marie

II – La fortunée et la graciée




Sommaire

Introduction

Dieu, le Sauveur et la mort

Le mythe d’Io et l’évangile de Marie
- Dieu et la vierge
- La fortunée et la graciée
  . Zeus invite Io
  . Marie hors la loi
- Le souffle et l’esprit
- Les persécutions
- Les naissances
- Les vierges
- Épaphos et Jésus
- Prométhée et Siméon

Conclusion théologique



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Zeus, de l’invitation à l’ordre


   Lorsque Zeus envoya son messager, Io demeurait dans le temple d’Héra, vierge non seulement de fait, mais aussi par volonté et par vocation : elle était vierge car elle refusait le mariage. Zeus semble la saisir au moment où cette opposition était la plus forte. L’annonce lui fut faite en rêve (Prom. 645,655). Chez les anciens, le sommeil situait l’homme en dehors de la dimension terrestre pour le mettre en communication avec des êtres supérieurs ; le rêve revêtait le caractère d’une expérience surhumaine et était considéré comme une révélation céleste, par laquelle les dieux conduisaient les hommes dans leur destin. Nous ne savons pas par quel dieu Zeus communiqua son annonce à Io, mais c’était probablement par Hermès, le messager de la parole de Dieu.
   Eschyle rapporte le message de Zeus par ces paroles : « Ô fortunée jeune-fille, pourquoi si longtemps rester vierge, quand tu peux aspirer au plus glorieux mariage ? Zeus a été brûlé des traits du désir pour toi, il veut avec toi jouir des dons de Cypris : garde-toi de repousser l’hymen de Zeus mais pars, dirige-toi vers Lerne, la prairie herbeuse, vers le parc aux moutons et aux bœufs de ton père, afin que l’œil de Zeus soit délivré de son désir » (Prom. 647-654).

   L’annonce a pour objet le mariage, qu’Hermès décrit tout d’abord comme un bonheur pour la jeune-fille, car il la rend fortunée. Il ne s’agit pas d’un bonheur quelconque, mais de celui qui rend les hommes semblables aux dieux, car Io sera « eudaimon » par le choix de Zeus. C’est un bonheur que la jeune-fille n’a pas cherché, mais qu’elle reçoit comme un don.
   L’annonce présente Zeus conquis par le mariage, car il brûle de désir pour Io, mais Hermès cache le but du mariage, pour vaincre la répugnance de la vierge. Il veut aussi souligner que Zeus s’est déjà emparé de la puissance de l’amour. Le feu n’est plus seulement expression de sa foudre, mais aussi d’un désir d’union avec les hommes. Remarquons aussi qu’Eschyle sauvegarde l’initiative et la souveraineté de Zeus dans son amour : il brûle pour Io, et non par elle. Son amour est situé dans sa vraie dimension : Dieu veut être époux parce qu’il veut devenir père, c’est en vue de l’enfant que Dieu fixe ses regards sur la vierge, qui devient l’esclave de son amour.

   Les visions nocturnes engendrent dans l’âme de la jeune-fille un trouble lancinant. Bien que le Dieu ait manifesté expressément le désir du mariage, l’annonce était voilée : que signifie se marier avec Zeus ? Ou bien Dieu s’unit à elle par le truchement d’un homme, et alors la jeune-fille sera une prostituée sacrée ; ou bien c’est Zeus lui-même qui s’unit à elle, et alors elle, mortelle, est appelée à aller au-delà de la loi qui sépare les hommes des dieux, elle s’exposera alors à la colère d’Héra, gardienne jalouse de la sainteté de l’hymen divin. De toute façon, elle doit renoncer à la virginité qui représente l’idéal de toute sa vie.
   Poussée par ce trouble, la jeune-fille révèle le songe à son père, et tous deux font appel à l’oracle. À la différence des visions nocturnes, l’oracle revêt un caractère objectif et public, qui délivre de tout doute. Du Dieu de l’expérience, on passe au Dieu de l’autorité. La volonté de Zeus se manifeste alors au père d’Io en toute clarté : « Que la jeune-fille soit jetée hors de la maison, hors du pays, comme une bête vouée aux dieux, libre d’errer jusqu’aux derniers confins du monde, s’il ne veut pas voir la foudre enflammée, échappant à la main de Zeus, anéantir sa race » (Prom. 665).

   L’oracle n’est plus une invitation, mais un ordre. Ce Dieu qui s’était manifesté époux dans le cœur de la vierge, se révèle le Tout-puissant dans l’oracle. Io doit être chassée de la maison et du pays, car elle est appelée au service de Dieu. Elle doit renoncer à sa liberté, à son affection familiale, à sa patrie, parce qu’elle est mise à part pour les dieux, comme une bête sacrée. La menace d’anéantir la race, s’il n’est pas obéi, révèle que la volonté de Dieu au sujet de ce mariage est rattachée au destin des hommes. Zeus renonce à anéantir les hommes, pourvu qu’il puisse les recréer par une nouvelle génération. Le mythe d’Io est utilisé par Eschyle pour montrer comment s’accomplit l’œuvre de la délivrance annoncée par Prométhée. La souffrance du dieu sauveur aboutira à sa victoire, si Io donne son assentiment à l’invitation et au commandement de Zeus.
   L’idylle des fiançailles contenue dans la vision nocturne se transforme en souffrance et en angoisse. Il ne s’agit plus de se réjouir d’un hymen, mais de peiner pour faire naître un fils à Dieu. Père et fille acceptent, malgré eux, la volonté de Zeus : Io est chassée de la maison, la solitude du monde pénètre dans son être, la peur de la rencontre avec le Tout-puissant la saisit et la fait courir. Un seul espoir, celui que la race ne soit pas détruite. Un rayon de soleil dans une nuit profonde : le fils à venir.



c 1960




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t920210 : 15/10/2018